Isabelle Mayereau : Un pays bleu
Musique

Isabelle Mayereau : Un pays bleu

Pendant que l’autre chanteuse française à lunettes chantait Le Tournesol, elle préférait chanter le Hasch et livrer ses bleus de l’âme sur fond musical américain. Parcours d’ISABELLE MAYEREAU sur la route des sens.

À l’âge de sept ans, les premiers disques de Brassens lui donnent envie de jouer de la guitare. Puis le blues la séduit, tout comme la folk de Joni Mitchell et les guitares d’Hendrix. «L’enfance est pour moi une période où tout se joue, où tout se fait, confie-t-elle. On a d’abord une perception incroyable et une très grande naïveté. Tout peut arriver, tout est possible.» Rien ne semble plus vrai. On pourrait faire le même constat de la seconde enfance d’Isabelle Mayereau, celle de l’artiste, en 1977. En effet, son premier album, intitulé fort à propos L’Enfance, est ni plus ni moins le microcosme d’une carrière en devenir. S’y profilent un amalgame de chanson française et de blues – un son qui deviendra sien – et des mots manipulés fort adroitement, fines observations ou premières traductions sensibles des douleurs de l’âme.

Blues ou cafard
«Quand j’écoute des disques, j’aime bien rêver et vagabonder sur les mots, c’est pourquoi j’essaie de faire voyager les gens, pour que lorsqu’ils rentrent chez eux ils soient tristes ou gais, qu’ils puissent écouter [mes chansons] et voyager eux aussi.» Avec des mots expressionnistes, qui suggèrent des images plutôt que de les imposer, la chanteuse se bâtit peu à peu un univers particulier, où relations humaines et portraits aussi incongrus qu’humoristiques se rencontrent (La Dame au renard, un travesti, ou L’Homme à l’imper, un exhibitionniste). Elle s’efforce de trouver des mots qui «roulent en bouche» pour les souder à cette musique qu’elle ne veut jamais négliger et qui, de fait, se trouve toujours bien habillée.

Mais, peu à peu, ce sont les bleus de l’âme qui prennent le dessus: «On boit du scotch pour se noyer / Dans une goutte d’eau ou de rosé / On traîne son âme pour ne pas l’ancrer / Au fond d’un aquarium salé.» Celle en qui on voyait une «jeune fille sage» n’a plus rien de tel: il y a «des flammes dans son moteur», elle se fait amère et devient ironique, flirte avec la drogue (Hasch, Smacks, Opium) et teint sa poésie de propos violents. Son chant se meut en narration, puis en chuchotements, et s’éteint une première fois, pour trois années. Puis, en 1987, en fermeture de son Film noir, un ordre quasi suicidaire: Dynamite-moi. On l’a peut-être prise au mot.

Elle s’emmure dans le silence, le temps de recoller les morceaux, de conjurer des démons intérieurs et de «remettre à leur juste dimension des événements de [sa] vie qui [l’]envahissaient trop.» Une décennie plus tard, il reste Juste une amertume, «avec la douleur, j’en ai fini», promet-elle.

Réconciliée avec la chanson, la dame promet un album sous peu. Inspiré d’un séjour dans le désert du Soudan – peut-être semblable à celui qu’elle avait traversé sans jamais le voir – le nouveau projet sera empreint de nouveaux sons et de nouvelles images, rassemblés sous le signe du voyage. Mais pour l’instant, Isabelle Mayereau est encore à apprivoiser l’idée de se retrouver en spectacle au Québec avec sa guitare pour seule arme, un état qui la gêne quelque peu: «Ça, je ne le fais jamais car j’ai toujours peur de me dévoiler complètement. Mais je le ferai cette fois, tout à fait naturelle, sur le fil, en équilibre, seule mais avec ma force intérieure!»

Les 27 et 28 août
Aux oiseaux de passage
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