Guided by Voices : L'infidèle
Musique

Guided by Voices : L’infidèle

Après des années passées dans les sous-sol du lo-fi, le chanteur Robert Pollard s’est enfin payé un trip de studio à la mesure de ses ambitions pop. Avec Do the Collapse, son band Guided by Voices abandonne le rôle de groupe-culte aux jeunots, et laisse les amateurs d’enregistrements quatre pistes un peu pantois. «On était prêts, explique simplement Bob, joint au téléphone avant le début de la tournée nord-américaine. On menaçait de le faire depuis quelques albums, et on a finalement sauté à pieds joints dans le hi-fi et le vrai travail de studio. Je pense que j’avais épuisé le filon du lo-fi – du moins avec Guided by Voices, parce que mon dernier album solo est enregistré essentiellement sur 4 pistes – et que de continuer aurait été malhonnête.»

Bref, près de quinze ans après ses débuts, et avec l’appui d’une major cette fois-ci, GBV est en train de vivre un véritable renouveau. «Oui, on pourrait certainement dire ça, d’autant que le groupe lui-même est presque entièrement neuf; de la formation que l’on retrouvait sur le dernier disque, il ne reste que Doug Gillard. Je ne veux pas discréditer les autres musiciens qui sont passés par là, mais je pense que maintenant que j’ai un vrai guitariste lead (en la personne de Jim McPherson des Breeders), je pouvais me permettre de passer à la vitesse supérieure.» Ajoutons que cet énième remaniement de personnel (on a cessé de compter à quinze…) fait de Pollard le seul membre original de la formation.

Bien entouré, Pollard avait donc toutes les clés en main, ou presque. Manquait encore un réalisateur de talent, capable de lier en une sauce comestible des influences allant du rock d’aréna aux ballades (Hold on Hope, un peu déconcertante), en passant par la belle pop à guitares (voir l’incroyable Teenage FBI). C’est Ric Ocasek, monsieur Cars lui-même, qui allait se charger de relever le défi. «J’ai été vraiment impressionné par le travail qu’il a fait pour Jonathan Richman et Bad Brains, et surtout par l’incroyable son des guitares sur le premier disque de Weezer. Contrairement à ce que peuvent penser les gens, j’aime le gros son, les guitares bien épaisses. Au départ, l’approche lo-fi n’était pas une esthétique musicale, c’était une question de moyens, mais avec le temps, on a développé une sorte de dépendance envers cette façon de faire, par pure paresse.»

À 41 ans, Pollard semble aujourd’hui motivé par le désir de partager sa musique, l’homme aux 5 000 chansons («De ce nombre, il y en a probablement 4900 qui sont vraiment nulles.») préfère laisser à d’autres les débats sur le purisme dans le rock indépendant. «Ce qui me différencie de la majorité des jeunes groupes, c’est qu’à cause de mon âge, mes influences s’étendent sur trois décennies. Ça commence avec les Beatles, puis les Who, ça passe par Devo et Wire, et ça continue, bien que je sois moins intéressé par ce qui se passe aujourd’hui. Je ne suis pas complètement déconnecté de ce qui se fait en musique, et il y a encore des trucs qui arrivent à m’exciter, que ce soit Catpower, Will Oldham, Pavement ou Radiohead; mais je ne suis plus un consommateur avide de musique comme je l’étais à vingt ans; peut-être que je me sens un peu blasé.»

Avec un changement d’étiquette de disques, un renouvellement de personnel et un changement de son, que reste-t-il de Guided by Voices? Les chansons à la fois accessibles et tordues de Pollard, dont la veine pop aurait pu bénéficier d’une production un peu plus étoffée depuis des années, est-on forcé de constater. En fait, Bob prévoit même remettre à jour certains de ses plus grands succès underground dans un avenir rapproché. «C’est un projet qui me trotte dans la tête depuis un bout de temps, et si jamais on le sort l’an prochain, comme prévu, ça s’appellerait Bee Two Thousand (référence directe à Bee Thousand, l’un des plus célèbres et des plus célébrés de tous les enregistrements de GBV). Je pense que plusieurs de ces chansons méritent d’être réentendues.» C’est ce qu’on pense aussi.

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