Johnny Sansone : Le grand voyageur
Musique

Johnny Sansone : Le grand voyageur

Lorsqu’il m’a appelé de Denver, où il avait joué la veille devant une salle comble, Johnny Sansone avait la tête ailleurs. C’est que, voyez-vous, Sansone n’est pas qu’un ambassadeur des musiques de la Louisiane, il est aussi menuisier, homme à tout faire, y compris l’entretien d’édifices. Juste avant notre conversation, sa femme, Kelly, venait de lui faire part d’un problème: un locataire commercial n’avait plus d’air climatisé. Et en Louisiane, l’air climatisé…

Johnny Sansone est un de mes musiciens préférés et ce, même s’il joue plus souvent qu’autrement du marteau. Parce que quand il enfile son accordéon, qu’il tord son harmonica ou qu’il chante, il le fait avec une telle absence de prétention qu’on peut presque toucher sa joie intrinsèque d’être musicien.

C’est ce qu’il nous a démontré lors de ses dernières visites au Café Campus: l’inspiration des architectes de l’harmonica à la Big Walter Horton et Little Walter. L’inclusion d’une pop à saveur swamp, de zydeco à profusion et de rhythm’n’blues en filigrane. Intègre du haut de ses six pieds quatre, il s’aventure dans la tradition sans la déprécier. La réinvente sans la banaliser. L’honore sans la proscrire. Ses amis s’appellent Sonny Landreth, le guitariste slide d’Osez Joséphine, d’Alain Bashung, et Joe Cabral, des Iguanas. Il n’a pas de groupe. Peu de ressources. Trois albums. Ah oui, on le surnomme «Jumpin’» parce qu’il faisait des backflips sur le piano tout en jouant de l’harmonica. Et qu’il sautait par-dessus la tête de son bassiste. Aujourd’hui, à quarante-deux ans, vous pouvez oublier ça.

«J’habite la Louisiane depuis quinze ans. Il y a tellement de genres musicaux ici que cela me force à écrire des chansons. Avec toutes ces composantes, j’essaie de créer un son, le mien. Mon prochain disque, qui sortira le 16 octobre, s’intitule Watermelon Patch.» D’après les notes du livret, il reprend là ou Crescent City Moon (1995) avait laissé. Une continuité logique, pour celui qui a été invité par Ronnie Earl, il y a dix ans, à se joindre à son groupe, les Broadcasters: «C’est comme si Dieu m’avait ouvert une porte en me disant: "Tu es un saint, tu peux entrer!" C’était la meilleure chose qui pouvait m’arriver.»

Et la motivation? «C’est drôle que tu me demandes cela, parce que la route a été plutôt dure entre l’Arizona et ici (Colorado). Mais je suis musicien depuis trop longtemps pour abandonner maintenant. Cependant des voyages éreintants comme celui-là peuvent t’inciter à le faire. Mais j’aime aller dans les coins les plus reculés et faire connaître ma musique. Rencontrer des gens. J’ai reçu plusieurs distinctions dans mon patelin, et cela prouve que les choses commencent à bouger. Ce n’est pas le temps de lâcher!»

«Même si je suis originaire du New Jersey, je ne crois pas être perçu comme un outsider à La Nouvelle-Orléans. Ça n’a rien à voir. Prends un gars comme Anders Osborne. Il est suédois et marche très fort ici.»

Et le respect? «C’est une maudite bonne question. C’est un combat perpétuel. Tout ce que j’ai toujours voulu, c’est travailler comme musicien. Et il y en a tellement ici (à La Nouvelle-Orléans), c’est très compétitif, alors lorsqu’on m’engage au Café Campus, je suis excité. On ne sait jamais ce que l’avenir nous réserve. Ce sera toujours un combat de toute façon.»

Le 22 septembre
Au Café Campus
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