Philippe Magnan : L'air et la chanson
Musique

Philippe Magnan : L’air et la chanson

Le hautboïste PHILIPPE MAGNAN amorce un tournant dans sa carrière, puisqu’il se lance en solo, et a des projets plein le hautbois. Avant son concert avec Les Violons du Roy, il nous parle de ses rêves, et de ses ambitions.

Philippe Magnan est à un moment charnière de sa vie de musicien: alors qu’il est en sabbatique de l’Orchestre symphonique de Québec, sa carrière de hautboïste soliste se développe d’une façon presque vertigineuse. «Le déclencheur, indique l’instrumentiste québécois, a été le concert que j’ai donné avec I Musici, à Montréal, il y a deux ans.» De plus, parallèlement au concert, un premier disque – qui nous fait entendre un Philippe Magnan virtuose – avec l’orchestre de chambre montréalais paraissait il y a quelques mois sous étiquette Chandos, un label très bien distribué à travers le monde. Une carte de visite que beaucoup de musiciens pourraient lui envier.

Le temps retrouvé
À trente-cinq ans, le hautboïste nous explique qu’il se trouve à l’âge idéal pour commencer à jouer en solo. «D’après ce que je connais du monde du hautbois, c’est le bon moment pour amorcer une carrière-soliste. La plupart des grands hautboïstes dans le monde ont fait de l’orchestre d’abord. Leur carrière s’est développée autour de la quarantaine.» Est-ce une particularité de l’instrument qui crée ce phénomène de carrière tardive? «Oui, répond Philippe Magnan, c’est probablement un instrument qu’on met du temps à mûrir.» Bardé de prix et de diplômes, le musicien a eu l’occasion d’étudier avec certains des meilleurs hautboïstes de la planète, dont Heinz Holliger, musicien d’une grande maturité, devenu dans la force de l’âge une star du hautbois.

Si les événements récents semblent lui ouvrir de nouvelles avenues, Philippe Magnan garde quand même les deux pieds sur terre. Derrière sa discrétion et ses propos plutôt sages, on entend en sourdine les mots «plan de carrière» et «il ne faut rien brusquer». «Je n’ai pas tourné la page pour l’orchestre, précise-t-il. Mais il faudra voir dans quelle mesure nous pourrons nous entendre dans le futur, à la convenance des deux parties, pour que je puisse continuer à faire du solo.» Pourtant, Magnan aurait pu, d’un seul coup, tourner la page. En commençant à l’OSQ, il s’était donné dix ans pour expérimenter le métier de musicien d’orchestre. C’était il y a une décennie…

La vie professionnelle de Philippe Magnan compte en fait trois axes. En plus d’être membre d’un orchestre et de faire du solo, le hautboïste enseigne au Conservatoire de Québec, une charge qui ne le gêne pas dans ses projets. «L’enseignement, ce n’est pas compliqué parce que les cours, ça se déplace.» De plus, c’est un travail qui apporte à l’interprète une plus grande connaissance de son instrument, de ses capacités, de ses limites. On y apprend à mieux préciser ce qu’on désire faire avec l’instrument et à évaluer le répertoire en fonction des forces et des faiblesses de chacun. Aujourd’hui, Magnan sait très bien ce qu’il désire obtenir de son hautbois. «D’abord, je veux bien sûr passer un message. Mais pour l’aspect strict du hautbois, c’est transcender l’instrument et ce qu’on en connaît jusqu’à maintenant – en termes de sonorité et de technique – qui m’intéresse. J’essaie d’imiter le son d’autres instruments, la flûte, le piano. Je cherche aussi à imiter la fluidité d’autres instruments. La qualité essentielle du hautbois est d’être très lyrique, mais il peut aussi être assez archaïque, ou même pépère!» Tout dépend, bien entendu, de qui en joue!

Thèmes et variations
Côté répertoire, le virtuose recourt énormément à la transcription. «Il y a beaucoup de pièces pour hautbois, mais peu qui aient été écrites par de grands compositeurs, déplore Magnan. Ces deux dernières années, j’ai très peu joué de musique écrite pour hautbois. J’ai fait des pièces pour flûte, pour piano, comme Le Tombeau de Couperin ou la Sonatine de Ravel.» Grâce aux transcriptions, le musicien désire aussi «passer à autre chose», et permettre au public d’entendre des aspects insoupçonnés de son instrument. On considère Philippe Magnan comme un artiste polyvalent, à l’aise tant dans le répertoire baroque que dans la musique du XXe siècle. Deux oeuvres ont été écrites pour lui à ce jour, et il espère en susciter d’autres, particulièrement dans un style qu’il a récemment intégré à son répertoire: le jazz. Pas question pour lui de se mettre à improviser, mais la musique écrite combinant la démarche classique aux sonorités jazz lui ouvre d’autres horizons. «C’est quelque chose que je veux développer à long terme», indique Magnan dans son langage un peu sibyllin.

De nombreux concerts vont occuper la saison de Philippe Magnan, notamment une tournée avec les Jeunesses Musicales du Canada qui l’amènera dans une trentaine de villes de l’Est du Canada. À Montréal, nous aurons l’occasion de l’entendre dans le Concerto pour hautbois en do majeur, op. 7, no 3 de Jean-Marie Leclair – une oeuvre originale, cette fois -, avec Les Violons du Roy sous la direction de Bernard Labadie. Une oeuvre qu’il a jouée au début de la vingtaine, et qu’il reprend pour nous le 19 septembre à la salle Pollack. «C’est singulièrement plus difficile à jouer maintenant!» avoue l’interprète qui constate que certaines pièces lui semblent, au contraire, plus faciles qu’auparavant. Les Violons du Roy, qui seront très présents à Montréal cette saison, joueront également la suite d’orchestre Dardanus de Rameau et Musick for the Royal Fireworks de Haendel.

Le dimanche 19 septembre
À la salle Pollack, 20 h

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Les artistes du siècle chez RCA

La passion des mélomanes pour les grands interprètes du passé ne se dément pas. C’est en tout cas le pari de RCA qui, comme beaucoup d’autres compagnies de disques, lance une série consacrée aux noms mythiques de l’interprétation musicale au XXe siècle, baptisée Artists of the Century. Les chanteurs y ont bien sûr une place de choix, avec des enregistrements de Montserrat Caballé, Mario Lanza, Leontyne Price, Jussi Björling et même Enrico Caruso – qui remontent aussi loin que 1902! La flûtiste à bec Michala Petri, née en 1958, a elle aussi son album. Cette virtuose exceptionnelle, nettement moins âgée que les chanteurs précités (!), donne néanmoins dans un style qui fait passablement ancien. Vivaldi, Bach et Sammartini ont connu, ces dernières décennies, des interprétations beaucoup plus trépidantes que celles-ci. Il s’agit toutefois d’un document, mais moins précieux, certes, que les enregistrements des autres grandes voix qui ont marqué le siècle.