Musique

Prise de son : Le latin est un langage vivant

Depuis quelques années, pour notre plus grand plaisir, les différentes communautés culturelles montréalaises commencent à prendre la parole et la musique. On l’a vu avec RudeLuck, Lhasa, et de nombreux groupes hip-hop qui traduisent, chacun à sa façon, une facette de leur vie et de leur quartier.

La dernière à avoir fait le saut est Saõ, jeune Portugaise de deuxième génération, qui a grandi sur le Plateau-Mont-Royal, qui se consacre au fado (chanson traditionnelle portugaise), qui a lancé un premier album l’hiver dernier, et qui était au Cabaret, vendredi et samedi derniers. Ma première remarque ira à la voix unique de la jeune fille. Une superbe voix: chaleureuse, profonde, grave, charriant un lourd bagage émotionnel.

Son spectacle, mi-portugais, mi-français, n’a rien de frivole. On est toujours en pleine tragédie, le drame se déroule là, sous nos yeux, incarné avec beaucoup de retenue par la chanteuse. Pas une seule fois elle n’en met trop; elle évite ainsi continuellement le piège de la grandiloquence, dans lequel elle aurait facilement pu tomber. Au contraire. En première partie, je sentais même une distance un peu malheureuse entre l’interprète et son sujet, une distance qui a fait que j’ai eu un peu de difficulté à embarquer.

Cependant, dès le début de la seconde partie, Saõ, en accentuant les rythmes, en misant un peu plus sur le côté festif de sa musique, en incorporant des rythmes latins, cubains, brésiliens, est venue me chercher tellement facilement, grâce au choc entre cette musique plus joyeuse et cette voix, toujours aussi grave. Attention, il ne s’agit cependant pas d’une confrontation entre la voix et la musique, mais d’une complémentarité, d’une façon bien personnelle (et tellement latine…) de faire passer une certaine mélancolie, une tristesse légère ou un drame intime poignant, mais tellement futile.

Profondément latin, quoi…

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D’autres qui ne se gênent pas pour mettre de l’avant le côté latin de leur musique (mais dans un tout autre genre…), ce sont les deux joyeux lurons de Basement Jaxx, qui spinnaient au Stereo, dimanche soir. En fait, si tous les sets de house étaient de aussi riches, on aimerait beaucoup plus ce genre de musique…

Basement Jaxx a beau tout miser sur le rythme incessant du house, il ne manque pourtant pas de subtilité. Les percussions virevoltent à gauche et à droite; une rythmique de samba, par exemple, peut prendre le martèlement house à partie et disputer une chaude lutte pour l’obtention de la tête. Ce côté chaleureux a été omniprésent pendant la première heure du set du tandem britannique.

Puis, au cours de la deuxième heure, Basement Jaxx s’est éloigné de l’organique, pour s’aventurer de façon plus profonde dans le synthétique, mais toujours avec le même bonheur. J’aime lorsque tout ce que j’entends provient de machines, qu’aucune sonorité audible n’émane d’un instrument déjà connu et manipulé par un être humain. J’aime lorsque cette musique est complètement contemporaine, férocement moderne. J’aime qu’elle n’ait pu être conçue à une autre époque qu’ici et maintenant, sans toutefois devenir froide ou mécanique. J’aime cette plongée dans ce qui, il n’y a pas si longtemps, était considéré comme futuriste…

Dire que Basement Jaxx a livré un set exceptionnel serait peut-être un peu exagéré. Il n’a pas ajouté ce petit grain de folie qui fait les grandes soirées uniques. Mais, soyons aussi francs, c’était dimanche soir, et, dans ces conditions, Basement Jaxx a donné tout ce qu’il pouvait en exécutant un set, somme toute, parfait. Avec rien qui dépasse…

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Dans un tout autre ordre d’idées, un climat et un genre musical compètement différents, je suis retourné entendre les Suédois des Hellacopters, aux Foufounes électriques, vendredi dernier, juste pour voir si le groupe était à la hauteur du souvenir que j’avais de leur premier concert montréalais, il y a moins d’un an.

Après un deuxième passage, je suis un peu déçu. À peine. Le rock’n’roll des Hellacopters est toujours aussi jouissif, véritable exutoire comme il s’en fait très peu. Parce que tout ça (la musique du groupe, son look, sa façon de se présenter sur scène, etc.) fait pas mal Wayne’s World. Un peu nono, mais surtout innocent. Un peu grossier, mais sans aucune méchanceté. Un peu rétro seventies, mais sans le pompage de noeud. Un peu décadent, mais si gentil. Un bon groupe de rock’n’roll, sans prétention, mais – il faut bien l’avouer aussi – sans grande envergure non plus…

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Je ne suis pas le premier à le dire (probablement pas le dernier non plus…), mais les Foufs ne sont vraiment plus ce qu’elles étaient. Si vous allez y voir un spectacle un vendredi ou un samedi soir, dès que le show sera terminé – 23 heures, maximum -, vous vous ferez mettre dehors. Si vous voulez prendre une bière aux Foufs après, vous devez refaire la queue et payer l’entrée au club, ce qui n’est pas la même chose que de payer un billet pour un spectacle.
Y a-t-il quelqu’un qui se fait fourrer quelque part?