WD-40 : Des cowboys dans la ville
Musique

WD-40 : Des cowboys dans la ville

Avec leur nouvel album, le trio country-punk WD-40 négocie un virage semi-acoustique, plus près des racines du country mais toujours aussi punk, qui les propulse en haut de la liste des groupes prêts à émerger de l’underground.

On parle beaucoup ces temps-ci de l’intérêt grandissant d’une nouvelle génération de musiciens pour le country sur la scène musicale québécoise. Mais un country qui s’abreuve davantage aux influences de la musique alternative qu’à la tradition. On pense bien sûr à Mara Tremblay, qui a parti le bal avec son album Le Chihuahua. Mais d’autres, comme le trio country-punk WD-40, attendent toujours de sortir de l’ombre (un underground qu’ils ratissent depuis plusieurs années) pour toucher un plus large public. Et après deux semaines d’écoute intensive de leur prochain album (qui sera lancé le 21 octobre, au Cabaret), il faut bien avouer qu’ils sont mieux équipés que jamais pour y parvenir: un son renouvelé, plus acoustique, plus proche des racines du country, des textes toujours aussi savoureux mais explorant de façon plus élaborée les thèmes chers à son auteur, le flamboyant chanteur et bassiste Alex Jones, et une nouvelle compagnie de disques, La Tribu (qui a aussi endisqué Gros Mené), qui leur garantit, pour la première fois, une promotion digne de ce nom et un prix de vente au détail réduit.

L’album s’intitule Aux frontières de l’asphalte, un titre typiquement WD-40, qui fait surgir des images et des symboliques propres à leur univers basculant entre la vie de débauche, le quotidien urbain et rural et le délire narcotique. «Aux frontières de l’asphalte, ça peut être là où la route finit, m’explique Alex, attablé devant un café, quelques heures avant de grimper dans son gros camion pour faire une visite-éclair dans son royaume du Saguenay. Une route comme celle qui t’amène à Havre-Saint-Pierre et qui se transforme en petite trail dans la forêt. Ça peut aussi être le fossé sur le bord de la route qui t’amène parfois à faire des découvertes inattendues. Et une autre symbolique que je trouve ben intéressante, c’est quand tu regardes à l’horizon et que tu ne sais plus distinguer le ciel de l’asphalte. On peut aussi imaginer ce qu’il y a en dessous de l’asphalte… On peut le voir sous plein d’angles différents.»
«C’est sûr qu’on pourrait parler éternellement d’histoires de brosses, mais à un moment donné, ça peut devenir redondant, répond-il lorsque je lui demande comment il a évolué sur le plan de l’écriture depuis leur précédent album, Crampe en masse. En quelque part, ce qu’on recherche par la drogue, l’alcool ou la vie de débauche, c’est quitter la réalité, explorer un univers fantasmagorique où règne une autre logique. Et ce que je trouve de plus en plus intéressant, c’est de décrire cet univers-là, fantastique et surréaliste, plutôt que de décrire les étapes qui te permettent d’y arriver.»

Pour opérer un changement subtantiel au niveau musical, le trio (complété par son frère Étienne, Jean-Loup Lebrun pour les intimes, à la guitare, et par Julien, Jules 40 pour les fans, à la batterie) a fait appel aux services d’Éric Goulet (Les Chiens) à la réalisation et de Pierre Girard (qui a travaillé sur le dernier des Colocs et avec Gros Mené) à la prise de son. La sensibilité acoustique du premier et l’approche très brute du second auront permis à WD-40 de mieux se définir. Deux invités ont aussi aidé à épicer la sauce: la chanteuse Ève Cournoyer qui interprète un magnifique duo avec Alex sur Mauvaise Vie, et le conteur-chanteur Michel Faubert qui y va de quelques coups de violon sur deux pièces. «Éric s’est vraiment impliqué! Y a joué sur presque toutes les tounes. Du Moog, de la steel guitar, de la guitare sèche, de l’harmonica, du banjo… On a composé le duo avec Ève Cournoyer ensemble, et c’est sûr qu’on va répéter l’expérience. Il est vif d’esprit et il a une vision globale. Pourtant y a l’air de rien, y s’habille au Coin des petits, mais criss qu’y en a dedans! Pour ce qui est de Pierre Girard, le plus important pour lui, c’était qu’on suive notre propre méthode, sans guide. C’est important de se servir des instruments sur lesquels on a l’habitude de jouer; si on tripe à fesser sur une valise ou sur une table, en studio aussi, il faut aller au bout de ça! Ça nous a permis d’être à l’aise et d’expérimenter pas mal. Le bass drum c’était une petite valise en carton! Pendant Tout pour le rock, Julien l’a défoncée et la mailloche est restée prise dans le trou! On avait un vieux sythé Moog magané; on a réussi à sortir des sons épeurants de cette patente-là!»

Une bonne partie de la préproduction d’Aux frontières de l’asphalte s’est faite au chalet de Goulet, à Saint-Côme. Une ambiance propice à la création, et moins bordélique qu’on pourrait l’imaginer: «On était en pleine forêt sur le bord d’un lac. Y avait des grosses grenouilles pis des castors. On n’avait pas apporté trop de boisson pour vraiment travailler… On faisait du neuf à cinq, Julien préparait la bouffe pendant qu’on allait faire du canot, on fumait un batte pis on continuait toute l’après-midi. La pièce-titre du disque, on l’a composée là: j’étais sur le lac et j’ai entendu Étienne pis Éric qui jammaient sur la galerie, et le son que ça donnait avec l’écho m’a fait revenir assez vite! Mettons que les circonstances étaient très inspirantes…»

Et la passion toujours grandissante qu’entretient Alex pour l’univers mythique du country est un élément important dans sa démarche qui lui permet d’alimenter son personnage sur scène: «Je suis allé plus à fond dans ma recherche du mythe du cowboy: le cowboy que Marcel Martel voulait être, celui qu’était Johnny Cash, et Stephen Faulkner qui, lui, ne veut plus être un cowboy… Lui, y va m’avoir influencé beaucoup plus que tous les autres. C’est un martyr du western, il a fait des chefs-d’oeuvre et il n’a pas été honoré à sa juste valeur. Moi, disons que je me situe entre le cowboy blanc et pur de Marcel Martel et le cowboy noir et méchant de Johnny Cash. Le yable est toujours là, mais j’ai toujours réussi à me récupérer à temps… C’est la quête de l’inaccessible étoile!»

Le 21 octobre
Au Cabaret
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