Guy Davis : Bleus de travail
Musique

Guy Davis : Bleus de travail

Porter sur ses épaules la tradition du blues acoustique est un couteau à deux tranchants. Il faut être mauditement persévérant pour perpétuer une musique qui a fait époque, surtout lorsqu’elle est rattachée à un lieu (le Sud des États-Unis) et un contexte (l’esclavage et le racisme) précis. On peut, à juste titre, se demander quelle mouche a piqué Guy Davis, Keb’ Mo’, Alvin Youngblood Hart, Eric Bibb ou même Corey Harris, le plus enclin à modifier la formule. Dans le fond, pourrait-on se demander, où est la motivation? Keeping the blues alive? Voyons donc. Le blues ne mourra jamais, l’industrie de la musique s’en inspire encore largement aujourd’hui. Faux débat.

Mais une chose semble faire l’unanimité et susciter un véritable intérêt: l’origine, les racines, appelez ça comme vous voulezrien de tel que d’entendre une guitare slide résonner de toute sa caisse. Ce plaisir-là est intemporel. Comme les textes de Davis, un New-Yorkais d’origine qui vit toujours à Harlem: «Le seul coton que j’aie ramassé dans ma vie, ce sont mes sous-vêtements qui traînent!»

Parce que le blues de la troisième génération que proposent les musiciens mentionnés plus haut (à part le très sérieux Youngblood Hart) est essentiellement constitué de bons sentiments: la cuisine maison, le retour à la campagne, le sexe, beaucoup de sexe, et à l’extrémité de la chaîne, l’espoir. Everything Is Gonna Be Alright, une des chansons sur You Don’t Know My Mind, le troisième disque de Davis, remonte bien avant son auteur, Muddy Waters. Bien avant Gil-Scott Heron, qui l’a remaniée. On retourne à Skip James et Son House!

Cela étant dit, Guy Davis, quarante-quatre ans, fils de l’acteur Ossie Davis, est indéniablement de la bonne graine. Ses spectacles en solitaire ont démontré que ses chansons tiennent suffisamment la route pour qu’on y croie: «Ma musique s’inspire surtout des chansons de Doc Watson, Blind Willie McTell et Leadbelly. Il y a moyen de faire un blues de tradition même lorsqu’on ajoute un synthétiseur, comme c’est parfois le cas sur mon plus récent album. Mais le prochain sera encore plus traditionnel, avec de l’accordéon, par exemple. Le plaisir de jouer en solo sur une scène provient de l’attention particulière que je reçois. Je raconte des histoires et mon jeu à la guitare est assez pertinent pour que le spectateur ne s’ennuie pas. Si j’ai décidé d’avoir d’autres instruments sur l’album, c’est uniquement pour jouer à la radio. Mais j’ai quelques pièces en solo qui tournent aussi à la radio, alors… il faut un peu de variété.»

Alternant entre la richesse de la douze cordes (pour les harmonies) et la six pour la base rythmique, Davis s’attaque à un répertoire fiable, éprouvé déjà: «J’ai tellement de chansons à jouer que je n’ai pas à refaire la même chose tous les soirs. Il y a un regain du blues, c’est certain; et nous avons tous intérêt à surfer sur le haut de la vague. Si le blues est profitable pour l’industrie, nous serons encore là demain. Mais je peux te garantir une chose: si moi-même, Eric, Alvin, Keb’ et Corey ne faisions pas un sou avec le blues, nous continuerions quand même à en jouer. Parce qu’on adore ça. Pas parce qu’on est les défenseurs d’une tradition. Les gens aiment le côté non-digital de cette musique. It is old, it is treasure, it is gold, it is diamond! Et les gens le constatent. Ils le sentent.»

Le 3 novembre
Au Café Campus
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