Peter Hamill : Tourne risque
Musique

Peter Hamill : Tourne risque

L’homme a peut-être 30 ans de carrière, mais ce serait une erreur de croire qu’il trimbale avec lui un lourd passé. Si son nom a pu être associé à divers courants musicaux, Peter Hammill est toujours parvenu à s’en émanciper, à creuser son propre sillage en faisant fi des étiquettes. This, 40e album d’un Hammill qui célèbre ses cinquante ans, est en ce sens un tour de force: l’artiste britannique est parvenu à y condenser trois décennies de création tout en obéissant à un leitmotiv inhérent à son oeuvre toute entière: innover.

«Le rock a énormément changé depuis le milieu des années 1970, c’est devenu une grosse machine, une véritable industrie, explique Hammill. C’est aussi devenu beaucoup plus prudent, alors que c’était presque dangereux à l’époque puisqu’on pouvait faire pratiquement n’importe quoi.» Ce «n’importe quoi», il l’a fait durant une dizaine d’années avec ses acolytes des Van der Graaf Generator, cette formation de rock progressif, à l’univers baroque, dont les mots d’ordre étaient, aux dires mêmes de l’artiste, «exploration et expérimentation».

Déjà, au début de sa carrière, Hammill ressent un besoin de liberté, une nécessité de créer quelque chose qui n’obéit à aucun cadre, pas plus à celui de Van der Graaf qu’à un autre. C’est donc l’amorce de ce qui sera une longue carrière solo. S’ensuit une multitude de collaborations fructueuses, notamment avec Robert Fripp et Peter Gabriel, des moments que l’artiste considère fort précieux, puisqu’ils sont toujours l’occasion d’apprendre et de se perfectionner. Il en est de même pour ses incursions dans les domaines de la musique de films, de ballet ou de l’opéra, qui lui procurent de nouveaux matériaux de travail.
Mais entre-temps, le rock devient une industrie de plus en plus soumise aux lois du marché: «Les compagnies de disques imposent certaines conditions, notamment le succès instantané. Et le succès commercial se raccroche généralement à quelque chose qui a été populaire précédemment, ce qui nuit, bien sûr, à tout apport d’originalité.» Hammill avait pressenti ce changement. Au milieu des années 1970, il met sur pied son propre studio afin d’offrir aux compagnies de disques un produit déjà achevé, qui ne reste plus qu’à être gravé. Ainsi, aucune concession à faire, seulement obtenir l’approbation sur le produit final. Par la suite, il fondera son propre label indépendant, toujours dans le but de préserver son autonomie et sa liberté.

S’il passe beaucoup de temps en studio, la scène demeure son lieu de prédilection. Après toutes ces années, les spectacles lui procurent toujours la même ivresse. Il s’est d’ailleurs imposé une démarche singulière afin de la préserver: il sélectionne ce qu’il jouera seulement une heure avant chaque prestation, pigeant parmi une cinquantaine de pièces répétées pour l’occasion. «C’est une façon de faire qui me tient vraiment sur la corde raide et qui force souvent la performance, vocalement et musicalement parlant, à une grande intensité émotionnelle. Si tu fais une erreur, tu dois poursuivre, qu’importe ce qui arrive, il faut que tu conserves ta crédibilité et fasse ressortir quelque chose de tout cela.»

D’autre part, le vieux routier tient mordicus à ne jamais s’ennuyer et donc à ne jamais visiter son répertoire de la même façon. Aussi peut-il se retrouver à jouer seul à la guitare ou au piano une pièce prévue initialement pour un quintette. «Je crois que si un musicien s’engage profondément dans sa performance, rien ne manquera, tout y sera», explique-t-il. Bénéficiant toujours d’une nouvelle approche, chacune des quelque 250 chansons du sieur Hammill est donc sujette à se retrouver sur scène, car pour lui «un spectacle est un spectacle et non l’occasion de faire la promotion d’un nouvel album».

Pour sa visite à Québec, Peter Hammill sera accompagné de Stuart Gordon, un violoniste. «Ça peut donner l’impression d’un duo de musique classique ou de musique folk, mais il y a une panoplie de styles musicaux que nous pouvons jouer!» Ça, on n’en doute pas!

Le 28 octobre
Au Café Campus
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