Musique

Prise de son : Hasta la vista, baby!

Comme vous le savez déjà, ceci est ma dernière colonne. Après plusieurs années de loyaux services, je reste dans le merveilleux monde de la musique, mais je serai, dans quelques semaines, programmateur au Festival International de Jazz de Montréal et aux FrancoFolies de Montréal. Beau défi. Gros défi.

Je ne vous cacherai pas que j’ai passé, avec vous, presque treize années extraordinaires. J’ai fait ma job de journaliste, de chroniqueur musical avec un réel bonheur. Même les rares soirs où ça ne me disait pas de sortir, j’avais la meilleure motivation au monde: vous, les lecteurs.

Parce qu’il faut bien le dire aussi, j’ai toujours eu l’impression de n’être redevable qu’aux lecteurs. Pas aux producteurs de disques ou de spectacles, pas aux artistes, pas aux musiciens, ni aux relationnistes, pas même à mon rédacteur en chef favori. Juste à vous. Et c’est beaucoup grâce à vous que je trouvais le courage de sortir cinq, six ou sept soirs par semaine, s’il le fallait. Et il le fallait souvent…

Parce que, même si c’est l’un des plus beaux métiers du monde, la job de chroniqueur musical n’est vraiment pas de tout repos. C’est certain, par exemple, que lorsque U2 ou les Stones débarquent en ville, on n’a pas à faire la file devant le Centre Molson ou le Stade olympique pour obtenir de bons billets. Lors de ces grands événements, j’ai toujours beaucoup d’amis. Mais il ne faut pas oublier que si c’est une fête d’aller voir U2, le lendemain, il faut aussi aller voir Marie Carmen ou The Killjoys. C’est drôle comme ces soirs-là, les amis – les mêmes qui vous juraient fidélité éternelle la veille au Stade – ont tous, bizarrement, autre chose à faire…

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Je ne vous ferai pas la grande rétrospective de mes années Voir. Je ne vous parlerai pas des meilleurs spectacles que j’ai vus. Parce que même si j’ai longtemps cru que je pouvais voir tous les groupes de la planète, il y en a plusieurs que je n’ai pas vus. Ou que je n’ai pas vus dans les meilleures conditions possibles.

Imaginez, par exemple, que je n’ai pas vu le show de Nirvana au Foufounes en septembre 91. Pendant une grosse partie de la journée, Félix Légaré, avec qui je travaillais à l’époque, et moi nous sommes demandé si on y allait ou pas. Finalement, nous n’y sommes pas allés, pour une raison que j’ignore. En fait, je crois bien que ce soir-là, nous sommes bêtement allés prendre une bière – ou deux, pas plus, je vous le jure! – aux Bobs…

Des spectacles ratés, il y en a eu plusieurs. Je n’ai, autre exemple, jamais vu Pearl Jam, qui a la très mauvaise habitude de passer par Montréal le soir le mon anniversaire ou le soir où je fête mon anniversaire. Dans la vie, il faut choisir ses priorités…

Je n’ai pas vu non plus le premier spectacle de Radiohead à Montréal, suivant la parution d’OK Computer. J’étais en vacances. Et les vacances, c’est sacré…

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Lorsque j’ai commencé à écrire dans Voir, en janvier 87, je ne pensais jamais qu’un jour, j’accomplirais tout ce que j’ai fait. Comment imaginer, à l’époque où l’on avait de la difficulté à faire un journal de trente-six pages, qu’un jour, j’aurais la chance de couvrir des festivals ou des événements à l’extérieur de Montréal? Comment imaginer qu’un jour j’aurais la chance d’aller aux FrancoFolies à La Rochelle, au Paléo Festival en Suisse, au Botanique à Bruxelles, aux Transmusicales à Rennes ou même au dernier et cauchemardesque Woodstock?

Comment imaginer qu’un jour, j’aurais la chance de serrer la pince du vieux Neil Young, de faire une entrevue avec Bruce Springsteen ou bien d’assister, aux premières loges, à l’explosion du grunge ou de la scène techno?
Comment imaginer, par exemple, que je retrouverais une fille comme Lhasa, que j’ai vue à quelques reprises dans de petits endroits comme les Bobards ou le Quai des brumes, quelques années plus tard, devant plus de mille Français très chaleureux et hyper-attentifs au Printemps de Bourges? Comment imaginer que je passerais quarante-huit heures à Los Angeles avec Bran Van 3000?

Vous pensez sûrement que voilà les meilleurs côtés du métier. Ce qui n’est pas complètement faux. Mais je peux aussi vous dire que couvrir un festival, surtout avec plusieurs heures de décalage horaire dans le corps, c’est probablement la chose la plus exténuante que j’aie eu à faire au cours de ces années.

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J’arrête donc le journalisme rock pour me consacrer à la programmation de festivals. Je vous le dis bien honnêtement, je m’en vais comblé, ravi, sans remords, ni regrets. J’ai un beau gros défi à relever. Et je compte bien le faire.

Avant de partir, j’aimerais simplement remercier mes confrères et consoeurs de travail, les nombreux pigistes avec qui j’ai travaillé au fil des ans, les multiples relationnistes, les producteurs de spectacles et de disques, les artistes, tous les artistes qui m’ont fait confiance ou qui m’ont fait me poser des questions. Et puis, tant qu’à faire le téteux, j’aimerais beaucoup vous remercier, vous, les lecteurs. Ensemble, je crois qu’on a vraiment eu du fun.

En attendant que l’on se croise au Spectrum ou ailleurs, que l’on se revoie sur les sites de ces différents festivals, je vous le répète: Amusez-vous bien!

Hasta la vista, baby!