Live à Montréal : Claude Lamothe
Musique

Live à Montréal : Claude Lamothe

Le 28 octobre au Cabaret
Le deuxième spectacle de la rentrée montréalaise de Claude Lamothe m’a étonné. En dernière partie, après les deux sets échevelés auxquels on s’attendait, Lamothe a gagné. Et c’était beau à voir. Une salle bondée d’un auditoire complice, l’ovation debout à la fin; bref, une belle soirée. Moi qui anticipais me faire décoiffer par une exportation massive de mégawatts – et par moments ce fut le cas -, il fallait tout de même apprécier la soirée dans son ensemble: quelques glissendos mélancoliques, des zones-tampons essentielles à ce «rock de chambre», ponctués par les archets sûrs de Sheila Hannigan et Julie Trudeau, une rage toujours en suspens comme un élastique tendu, et des embardées folles qui prenaient l’allure de poursuites effrénées. Au mérite, le savant fou aura galvanisé ses troupes au lendemain d’un coup d’envoi difficile. Et quel plaisir contagieux à être sur une scène! C’est vrai, dans sa fougue, Lamothe peut agacer et la maxime Less is more ne convient qu’aux moments doux des trois irrésistibles violoncelles, les «voix» de Lamothe. Mais il transmet si facilement son enthousiasme, qu’au change, tout le monde y gagne.
C’est pourquoi Cru avait, en toute justice, besoin de vivre sur une scène. Raison pour laquelle le batteur Marc Bonneau m’est apparu nettement plus nuancé qu’en studio, avec une intéressante panoplie de cadences et d’échantillonnages, et que le bassiste Jacques Roy s’est fait étonnamment discret malgré la lourdeur de la facture. En prime, juste pour l’Halloween, mais démasqué, un exultant Bob Walsh en monstre du rock interprétant Whole Lotta Love, démodé certes, tout comme Little Wing resservie à mon avis inutilement; mais qu’à cela ne tienne, rien n’était pris au premier degré. Entre l’introspection et l’hommage, Claude Lamothe s’est positionné: entre Bach, Stockhausen et Metallica. Intrigante fin de siècle, non? (Claude Côté)

La Chicane / Matthew Good Band
Le 28 octobre au Spectrum
Drôle de programme double, jeudi dernier au Spectrum, où étaient réunis le Matthew Good Band et La Chicane, deux groupes qui ont autant de similarités que la souris et le dromadaire. Pas surprenant que les fans des premiers aient déserté la place, avant même que les seconds ne mettent les pieds sur scène. Deux groupes, deux solitudes, à la différence près que les supporteurs de La Chicane auront au moins eu, eux, la décence de bien accueillir la formation de Vancouver.

On pourra certes accuser le Matthew Good Band de n’être qu’un autre de ces Canadian rock bands à l’originalité quelconque et à l’aspect novateur nul, sans trop se tromper. Mais Matthew Good nous aura à tout le moins surpris par l’intensité de ses interprétations et une rage de vaincre indéniable. Le mur sonore est impressionnant, bien alimenté par les textures de guitares de Dave Geman. Pas convaincu toutefois que leurs nouvelles pièces aient la force mélodique d’Apparitions et d’Everything Is Automatic, les singles du disque précédent. Ils sont partis après cinquante minutes et personne n’a crié au meurtre.

Restait La Chicane, dont le succès monstrueux demeure pour moi une énigme. Je m’attendais à mieux que leur show du Cabaret, il y a quelques mois, mais ce ne fut pas le cas. Si les gars ne sont pas de mauvais musiciens, ils sont par contre de très ordinaires compositeurs, plutôt incapables d’explorer une idée de fond en comble. On se perd chez La Chicane. On se perd en solos interminables et trop souvent inutiles. On se perd à se regarder jouer. On se perd à essayer de perdre les gens…

Boom Desjardins, chanteur plus que vocalement avantagé, devra apprendre à contrôler une foule. À l’exciter, à la chauffer. Il est inadmissible qu’un hymne comme Calvaire ait été entamé dans l’indifférence presque générale. Les fans, il faut aller les chercher, leur parler, les charmer. Au Spectrum, Desjardins ne l’a pas réussi. Paresse ou timidité? On le saura bien au cours des prochaines années. (Patrick Marsolais)

Fabe / Sans Pression
Le 29 octobre au Spectrum
«Un deux test, j’balance mes rimes…»
Un bout de phrase que les fans ne sont pas près d’oublier, marquant désormais le passage de Fabe et la Scred Connexion, vendredi dernier, au Spectrum. Un show hip-hop blindé faisant l’inventaire d’artistes de la scène locale, tels que Sans Pression,Yvon Krevé, Obscure Disorder et Andromaïck de Québec. Une soirée mouvementée qui a débuté à temps et s’est déroulée sans embûches.

Fabe semblait être en plein contrôle de la situation. Une bonne dose d’énergie appuyant une intéressante présence sur scène. Ponctuant ses prestations d’interactions intenses mais périodiques avec le public, Fabe nous laissait parfois l’étrange impression de n’être qu’un simple membre de la Scred Connexion.

Une fois de plus, le duo Sans Pression a volé la vedette devant une foule avide qui l’acclamait bien avant son apparition. Le fait d’avoir à s’ajuster à un son de qualité inférieure, n’a pas empêché nos deux guerriers de mettre le feu aux planches. Et quelle aura!

Enfin, en ce qui concerne la durée du spectacle, il y a place à l’amélioration. Ce dernier trainait en longueur et ne semblait pas tenir compte du fait que la foule n’était pas constituée que d’inconditionnels du rap français. Petit détail à retenir vu l’élargissement du public hip-hop. (Rose-Laure Météllus)

Ben Harper
Le 30 octobre au Métropolis
Il en avait des choses à prouver, le grand Ben Harper, samedi dernier, au Métropolis, entouré de ses Innocent Criminals. C’est que sa dernière visite, en mars 1998, avait été plutôt décevante, et l’accueil réservé à son dernier opus, Burn To Shine, assez mitigé. Cette fois, il était vraiment présent; pas très bavard mais juste assez complice et reconnaissant envers la foule pour bien communiquer avec elle. Il faut dire que les fans de Ben Harper sont parmi les plus attentifs et respectueux qui existent; il fallait être à l’avant de la scène pour bien sentir toute la ferveur que suscite l’artiste américain. Lors de ces moments privilégiés que sont les pièces où Ben s’accompagne seul à la guitare, on se serait cru à la messe tellement le silence était de mise.

Par contre, il aura fallu attendre un bon moment avant qu’il ne se décide à interpréter quelques-unes de ses nouvelles chansons, la première partie du spectacle étant consacrée à son répertoire connu. Avait-il peur de déstabiliser ses fans avec des pièces que ceux-ci n’avaient peut-être pas encore eu le temps d’assimiler totalement? Quoi qu’il en soit, vu leurs réactions lors de morceaux comme The Women in You ou Burn To Shine, il ne devrait plus se poser de questions.

En rappel, comme ce fut le cas lors de son concert précédent, pas de I’ll Rise pour conclure le spectacle. Dommage. En lieu et place, on aura tout de même eu droit à de magnifiques versions de Sexual Healing de Marvin Gaye et de Manic Depression d’Hendrix. Une soirée de communion sans tache, mais sans grandes surprises non plus. (Eric Parazelli)