Massilia Sound System : Système d'échange
Musique

Massilia Sound System : Système d’échange

Le cahier de presse du Massilia Sound System, un phénomène unique fusionnant le folklore marseillais avec la culture dancehall jamaïcaine depuis maintenant plus de dix ans, nous décrit la formation d’une simple devise: «L’arme est jamaïcaine, la cartouche est marseillaise.» Mais encore? Comment cette tradition antillaise est-elle devenue monnaie courante dans le Sud de la France? Tatou, membre volubile du quintette, nous répond: «On s’est aperçu que c’était le truc qui collait à notre paysage… On était très en dehors de la mode ici à Marseille; on entendait bien sûr Bob Marley, des trucs très connus, quoi. Mais tout ce qui était D.J., on en entendait assez peu. Moi, quand j’ai compris qu’on pouvait faire jouer une face B de disque et puis "tchatcher" dessus, ça m’a libéré; je n’avais plus besoin de chercher quatre collègues pour répéter, plus besoin de trouver un local de pratique; le côté facilité, c’est ça qui nous a plu d’abord. De manière plus importante que le reggae, c’est le concept du sound system qui nous a branchés. C’est plus important que le reggae à mon avis, au niveau de l’innovation, de la révolution que ça amène dans le monde musical. Ce truc de prise de parole, ce truc simple, ça rejoint la musique folklorique aussi, tu vois… Le dancehall, c’est le folklore moderne de la Jamaïque. Tu n’es jamais ta propre voix quand tu fais du raggamuffin; tu es la voix de ta communauté. C’est très marrant de voir comment les D.J. jamaïcains reprennent les comptines enfantines anglaises, leurs mentos, leurs calypsos… Ils vivent sur une île, un tout petit endroit; en ne faisant qu’en parler, ils nous apportent une vérité qui devient universelle. Moi je ne comprends pas bien l’anglais, mais sans bien piger les paroles de Bob Marley, je savais ce qu’il racontait, parce que c’est de la musique folklorique. Comme le blues, c’est dans son phrasé et son style que se trouve le sens. Au début, on a façonné le Massilia Sound System sur le modèle d’un sound system jamaïcain typique. Puisqu’à Marseille, on a toujours eu du mal à s’approvisionner en disques et qu’il est venu un temps où les types ont commencé à faire des versions qui n’étaient plus "toastables", plus chantables, qui étaient plutôt des dubs, on a senti la nécessité de prendre des machines et de faire nos propres versions. Mais on continue à jouer régulièrement avec des platines.» Massilia a donc dû créer une révolution dans son patelin avec cette trouvaille? «Oui, mais pas tellement dans le domaine musical ou esthétique, plutôt dans le discours qu’on avait sur Marseille; il y a moins de monde qui veulent aller faire leur vie à Paris qu’avant, par exemple. Il y a maintenant une certaine fierté d’être marseillais dont on est en partie responsables, confirme Tatou. On a eu la chance d’être loin des grands centres; quand on a commencé, il n’y avait pas de public. Alors à Marseille, quand on dit raggamuffin, pour les gens, ça rime avec Massilia Sound System: ils ne conçoivent pas la chose autrement!»

Finalement, que la cartouche soit marseillaise ou kingstonienne, comme disait l’autre: la bonne chose est que quand elle nous atteint, ça ne fait pas mal…

Le 5 novembre
Au Lion d’or
Avec Kaliroots en première partie