Miossec : Pop désintox
Musique

Miossec : Pop désintox

On le croyait à la dérive, mais voilà qu’il revient sur nos côtes avec le vent dans les voiles. Alors que paraît ici son troisième disque, CHRISTOPHE MIOSSEC se montre plus sage, mais pas moins pertinent.

Si vous êtes un habitué de ces pages, vous savez tout le bien qu’on pense de Christophe Miossec, le Breton qui a donné à la chanson française un peu de mordant depuis son entrée en scène avec le capital Boire, en 1995. L’an dernier, toutefois, on a commencé à se poser des questions sur la stabilité de Miossec et du groupe qui porte son nom. Au terme d’un entretien confus, juste avant son passage annoncé au dernier Coup de Coeur francophone, on se demandait ce que Christophe allait inventer pour se rendre intéressant. Fidèle à sa réputation, l’homme a réussi à nous étonner en déclenchant une mini-émeute à bord de l’avion qui l’amenait chez nous. Résultat: pas de concert et une visite au chic hôtel du SPCUM.

C’est donc avec une certaine appréhension qu’on s’apprêtait à reparler à Christophe Miossec, de retour à Coup de Coeur cette année. Or, surprise, surprise, l’homme au bout du fil est alerte, rigolo, et tout bonnement sympathique. Ne perdons pas de temps et attaquons dans le vif du sujet. Alors Christophe, c’était quoi ce bordel, l’an dernier? «J’étais saoul et j’ai pété les plombs, c’est tout», lance le chanteur avec un rire narquois. Pas de remords, de regrets ou d’amertume; même un peu de bravade, pour la forme. «Ça m’a permis de découvrir la qualité des cellules montréalaises, et puis les gens étaient sympathiques, les geôliers comme les locataires. Mais sérieusement, ça m’a quand même secoué un peu: comme toutes les cassures, c’est le genre d’événement qui te force à réévaluer ta vie.»

Bon, on se calme, malgré sa récente paternité et son bref séjour en cellule, Miossec n’est pas devenu un ange pour autant. De son propre aveu, il est encore ce type un peu dérangeant qui «donne des coups de pied dans les fourmilières»; mais il est clair qu’aujourd’hui, Christophe est beaucoup plus zen et sûr de lui. «Cette attitude un peu revancharde, c’est clair que ça venait d’un manque d’assurance de ma part.

Aujourd’hui, c’est différent: je suis carrément euphorique. De toute façon, c’est peut-être une bonne chose d’avoir retardé le concert d’un an, puisque j’ai maintenant un tout nouveau groupe. Ces derniers temps, on a passablement revu les vieilles chansons, même que certaines personnes qui viennent au concert ont de la difficulté à les suivre. C’est tant mieux: il n’y a rien de plus con que quelqu’un qui se plante devant toi durant un concert et qui chante toutes les paroles en même temps que toi.»
Seul rescapé de la récente purge au sein du groupe, le fidèle Guillaume Jouan est toujours à la guitare et à la composition, mais il est rejoint par une nouvelle bande de collaborateurs où l’on remarquera un certain Armand Gonzales, repêché chez les indie-rockers de Sloy, et le contrebassiste-organiste Jérôme, autrefois membre de Dèche dans Face. Une façon comme une autre de bien souligner la fin d’un cycle d’enregistrement marqué par la sortie en France d’À Prendre, l’an dernier (le disque est maintenant en vente chez nous, grâce à une entente avec la maison Audiogram). «C’est en effet la fin d’une époque. Si je continuais dans la même voie, je ferais l’album de trop. En attendant, le seul fait d’avoir survécu durant trois albums est un exploit. Ça
me suffit.»

Malgré les arrangements plus étoffés d’À Prendre, Christophe a gardé la même plume acide, de laquelle sort une écriture hachée, pas forcément musicale, comme si le texte était trop grand pour s’adapter à des musiques étriquées. Comme si le chanteur s’entêtait à faire entrer des chevilles carrées dans des trous ronds. «Je ne connaissais
pas l’expression, mais il y a du vrai là-dedans.» Cette écriture si particulière aurait pu lui poser problème, puisque le chanteur est aussi parolier, et pas pour n’importe qui. À ce jour, il a signé des textes pour Jane Birkin, Johnny Hallyday et travaille à un projet avec Dutronc. «Le boulot de parolier, c’est jouissif», lance Christophe, amusé. «Je ne me soucie pas vraiment de la musicalité de la chose: quand j’ai écrit pour Hallyday, j’ai fait du Hallyday. Pour Birkin, ça n’était pas la même chose; la gageure, c’était de ne pas faire du sous-Gainsbourg, et je pense que j’ai réussi. J’aime bien le texte que j’ai écrit pour elle. Avec Dutronc, c’est encore différent, il y a des trucs que j’ai écrits pour lui que j’aurais peut-être préféré garder pour moi.» L’écriture représenterait-elle une nouvelle avenue, en prévision d’une retraite du monde du rock? « Non, lorsque ma carrière de chanteur pop se terminera, je disparais et retourne dans l’océan Indien. En attendant, tout va bien et je pense à un prochain disque, dans lequel il n’y aurait pas de trous ronds ni de chevilles carrées.»

Les 10 et 11 novembre
Au Lion d’or
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