Obliveon : Les belles promesses
Musique

Obliveon : Les belles promesses

En douze ans de carrière, Obliveon a accompli ce que peu de groupes ont réussi. En plus de se forger, au fil des ans, une réputation impeccable dans le milieu musical underground québécois et étranger, il est devenu, en quelque sorte, le groupe phare de bien des jeunes formations, qui ont choisi le quintette comme modèle de professionnalisme, d’endurance et de persévérance. Professionnalisme, parce que si Obliveon ne fait pas encore partie des ligues majeures de l’industrie métal (lire n’est pas encore signé par un major), il a toujours eu l’attitude des pros: tout ce qu’il fait est planifié, bien organisé. Endurance et persévérance, malgré plusieurs revers de fortune. Combien de fois, en effet, n’a-t-on pas prédit qu’un de leurs albums (Nemesis, en 93, et plus particulièrement Cybervoid, en 96) allait leur permettre une percée internationale, sans que, finalement, les belles promesses aboutissent? Sans parler des tournées européennes annulées à la dernière minute.
Leur plus récent disque, Carnivore Mothermouth, soulève les mêmes prédictions. D’ailleurs, ils ont récemment reçu une offre alléchante de la part d’une compagnie de disques américaine. Mais le guitariste Pierre Rémillard préfère ne pas trop en parler pour le moment, question de laisser à d’autres le temps de mordre à l’hameçon des dix morceaux percutants qu’ils ont lancés en août dernier.

Depuis From This Day Forward, paru en 1990 et relancé l’an dernier par Press-Play Records, Obliveon est passé par les différentes étapes normales de la carrière d’un groupe, selon Pierre. «Au début, c’est comme n’importe quoi, tu joues d’un instrument et tu veux l’exploiter au maximum, en alignant beaucoup de notes, en essayant plein d’affaires. C’est pourquoi nos premiers disques sont très techniques. Puis, on s’est rendu compte qu’en show, on tripait vraiment lorsqu’on interprétait certains morceaux de Nemesis, plus simples. On s’est donc mis à composer des chansons moins complexes, à incorporer les synthés, à jouer avec les ambiances, question de rendre nos performances plus intenses, et de bouger plus sur scène.»
Ainsi, Obliveon n’a jamais planifié de prendre telle ou telle direction musicale; les changements survenus sur Cybervoid, son côté technologique, sont plutôt issus de l’expérience acquise au cours des ans. «En général, tu as toujours peur d’être critiqué, quoi que tu fasses. L’approche technologique nous fait triper. Étant un gars de studio, j’aime les ambiances techno, les textures et les effets sonores. Je ne cache pas mon admiration pour Rob Zombie, même si je me tanne vite parce que c’est très pop. Mais aussi Fear Factory, Strapping Young Lad et Machine Head. J’aime les groupes modernes, heavy, mais avec une approche space. Demanufacture est pour moi comme le Back in Black d’AC/DC. C’est Fear Factory qui m’a allumé aux textures techno», raconte Pierre. D’ailleurs, il avoue que les comparaisons avec ce dernier groupe ne l’insultent pas du tout.

Carnivore Mothermouth, s’il ne semble pas de prime abord aussi technologique que Cybervoid, a été entièrement fabriqué en studio. Fait cocasse, le groupe, formé du batteur Alain Demers, du chanteur Bruno Bernier, du bassiste Stéphane Picard, du guitariste Martin Gagné et de Pierre, a appris à jouer les dix morceaux de l’album seulement après les avoir enregistrés… «C’est drôle comme approche, mais puisqu’on a composé les chansons en studio, on n’avait pas eu l’occasion de les interpréter. Le côté positif de cette façon de procéder, c’est que d’habitude, après l’enregistrement d’un album, en plus d’avoir passé trop de temps dessus en studio, tu les as jouées et rejouées au local de pratique. De sorte que t’es déjà blasé», explique le guitariste et réalisateur de l’album. Mais pas cette fois-ci. D’ailleurs, il confesse que lors des premières pratiques, c’était laid. «On se demandait comment on allait faire pour reproduire l’album tel quel, tout en lui donnant un côté humain!»

Donc, la fabrication de Carnivore Mothermouth en studio se révèle une nouvelle étape de l’évolution d’Obliveon. «Jusqu’à présent, les gens affirment qu’ils ne sont pas surpris par Carnivore Mothermouth, que c’est ce à quoi ils s’attendaient. Pour moi, il est complètement différent de ce que je suis habitué de faire.» Ce qu’il retient de l’expérience, c’est la spontanéité. «On travaillait sur un morceau, puis, quand on n’avait plus d’idées, on passait à un autre avant d’y retourner plus tard. On a vraiment aimé cette expérience même si, parfois, on était très insécures. Certains jours, on pouvait essayer différentes affaires chacun dans notre coin pendant des heures sans aucun résultat. Et puis bang! composer un morceau en une demi-heure. On a toujours été des gars aimant travailler chaque morceau longtemps; on sort des albums aux trois ans, pas parce que c’est long à composer mais parce qu’on attend toujours après l’idée idéale.» Cette fois-ci, le quintette s’est fié à son instinct.

Une fois l’album sur le marché et les fans enthousiastes, la grande question, bien sûr, demeure: est-ce que Carnivore Mothermouth permettra à Obliveon de réaliser son plus grand rêve, celui de faire une tournée en Europe? «L’ultimatum de "ça passe ou ça casse" était très présent après le lancement de Cybervoid. On a sorti Carnivore Mothermouth avec beaucoup moins de confiance. J’avoue qu’après l’avoir terminé, je l’ai lancé au bout de mes bras, en me disant qu’il n’était pas bon. Je voulais me mettre un sac sur la tête… On n’était pas sûrs de la pochette; même le titre, on l’a changé plusieurs fois. Je me suis dit: "C’est bric-à-brac cette affaire-là…" Jusqu’à ce qu’on reçoive les premières critiques», se rappelle Pierre. Cela dit, il ajoute que s’ils ont de grandes attentes par rapport au plus récent disque, ils ne sont pas pour autant rendus au point de tout lâcher s’ils ne décrochent pas la palme d’or cette fois-ci encore. «Il ne faut pas penser en termes de "ça passe ou ça casse". Obliveon, c’est comme une équipe de hockey, on le fait par plaisir. On a tous notre travail, on est tous bien établis. Il y a eu des périodes où on était prêts à tout donner pour la musique; on l’est encore, et la preuve, c’est qu’on le fait sérieusement, qu’on ne sort jamais des produits qui sont des à-peu-près. Je vois toujours du positif dans ce qu’on fait. De toute façon, c’est quoi, réussir? Est-ce que c’est devenir Metallica?»

Le 6 novembre
Avec Necrotic Mutation, Quo Vadis et Martyr
Au Medley
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