Stacey Earle : La récolte
Musique

Stacey Earle : La récolte

«Mes enfants sont maintenant élevés; j’ai donc le temps et surtout le désir de diriger une compagnie de disques et de faire des tournées.» En disant cela, Stacey Earle sait pertinemment qu’elle est arrivée sur le tard avec Simple Gearle, son premier album, et Gearle Records, sa petite entreprise; mais à 38 ans, et avec des chansons qui macèrent en elle depuis toujours, Earle y voit plutôt une renaissance.

Je ne sais plus qui a déjà dit la phrase célèbre: «Il n’y a pas de deuxième acte dans la vie d’un Américain», mais la vie de l’auteure-compositrice de Nashville fait mentir ce dicton. Ses seize ans de mariage et son divorce, ses deux enfants, sa job de waitress et les problèmes de drogue de son illustre frère Steve lui ont (ça vous étonne?) inspiré des textes. Quelques larmes furent d’un seul coup essuyées par la rédemption d’une chanson. Animée des mêmes intentions que Nanci Griffith, avec qui elle partage un même registre de soprano et cousine d’Emmylou Harris, habillée d’un country doux et réconfortant comme une seconde peau, Stacey Earle joue ses billes avec sérénité.

«Ma musique va un peu à l’encontre des méthodes d’enregistrement utilisées à Nashville. En studio, ils fonctionnent avec un métronome afin d’imposer une cadence qui fait danser. Aucune de mes chansons ne se moulait à leurs rythmes. Avec mes disques, je ne crois pas qu’on pourrait recréer l’esprit de mes spectacles, parce qu’en voyant des gens devant moi, je m’exprime davantage. Il y a toujours quelqu’un dans l’auditoire qui a vécu ce que je raconte dans une chanson ou l’autre. Et de la scène, je peux voir le visage des gens, ceux qui rient, ceux qui pleurent, ceux qu’une phrase touche particulièrement. Tout le travail accompli sert à ça: jouer pour le monde. Depuis les deux derniers mois, Mark Stuart (son mari et guitariste) et moi n’avons eux que deux journées de congé. On adore jouer!»

Les radios se sont tranquillement emparées de Wedding Night, qui jouit d’une rotation enviable, bien que ma préférée, Cried My Heart Out, déborde d’assurance et la présente à mon avis sous son meilleur jour. L’instrumentation n’a pas de secret (guitare acoustique, accordéon et mandoline), pas plus que ses inspirations (un portrait éloquent du small town America); faut peut-être alors chercher du côté des mélodies, nourrissantes et somptueuses, et de l’autobiographie à peine voilée derrière les treize chansons de Simple Gearle.

«J’ai choisi cette vie, mais c’est un choix qui fait peur. Mon frère Steve avait seize ans lorsqu’il s’est dit qu’il s’en allait à Nashville afin de devenir une star. Consciemment, il savait qu’il y parviendrait. Moi, j’étais mère à dix-sept ans. Je n’avais pas le droit d’avoir ce rêve-là», confie la chanteuse qui fut choriste sur la tournée The Hard Way du frangin, en 1990. \«J’ai donné mon premier fils en adoption après avoir accouché. J’avais dix-sept ans. On retrouve ce fils dans la chanson Looser’s Weep, lorsque je dis: "Someone I left behind, we were both babies at the time." La famille Earle a traversé plusieurs épreuves, et je crois que nous sommes tous devenus plus forts.»

Le 9 novembre

Au Cabaret

Avec Ray Bonneville en première partie

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