Musique

Scène locale : Retour sur Francouvertes

Toutes les tables étaient occupées, lundi dernier, au Zest, pour la soirée d’ouverture du concours Les Francouvertes. C’est au trio rock Volume 10 qu’est revenu le privilège (ou la tâche ingrate?) de briser la glace. Ils s’en sont d’ailleurs sortis avec panache. Tout de noir vêtus, avec leurs sympathiques gueules de gars d’à côté, leurs chansons rock ont plu d’emblée aux trentenaires appréciant une musique pesante mais pas trop fuckée non plus, mélodique à souhait et juste assez énergique pour taper du pied et battre la mesure. Beaucoup moins mélodique (pour ne pas dire très peu), Ian Fournier (le fils de Pierrot, et c’est la première et dernière fois que je le mentionne, promis!) a un appétit insatiable des mots, ceux qu’a écrit pour lui Pierre-Olivier Pinneau. Plus récités, et même criés, que chantés, ils les enrobent de rock dissonant d’influence progressive et alternative. Une mixture chargée, pas facile à digérer, mais assez intense et sombre pour créer un univers motivé par l’urgence de dire les choses. Il fut suivi par Veruschka et son étonnante fusion musicale et vocale. Une exécution jazzée, une section rythmique irrésistible de sensualité, de timides séquences électroniques pour l’ambiance, et, surtout sa voix, influencée par divers folklores (arabe? scandinave?), qui prend de multiples couleurs et intonations, dans un langage parfois carrément inventé. D’une fraîcheur… chaleureuse! À la suite de la compilation des votes du public et du jury de l’industrie, le premier palmarès partiel se lit comme suit: # 1, Volume 10, #2 Veruschka et #3, Ian Fournier. On suivra ce palmarès (dont les six premières positions seulement passeront en demi-finales) de semaine en semaine. Le 15 novembre, dès 20 h: Pierrick et les Zoopsies, Fred Co. S.T.F. et L’agent Placard.

Ska Francophone
On n’en sortira pas: dès qu’il y a un courant musical anglophone qui fait son apparition, on peut être certain que la réplique francophone suivra… quelques années plus tard. Rappelez-vous du grunge ou du hip-hop. C’est un peu ce qui se passe en ce moment avec le retour du ska amorcé depuis déjà un certain temps du côté américain; ce n’est que ces derniers mois que des groupes le faisant en français ont commencé à émerger. Le week-end prochain sera d’ailleurs le meilleur moment pour s’initier à cette nouvelle vague québécoise. Le 12 novembre, au Petit Campus, les formations 2 Stone 2 Skank (qui lançait son premier album vendredi dernier, à L’X), Les Fous Alliés et S.T.O.P. nous présenteront leurs versions. Mais c’est surtout le lendemain, au Medley, dans le cadre de Coup de coeur francophone, qu’on aura droit à la totale. Deux groupes français (Marcel et son orchestre et Skaferlatine) et deux québécois (Gangster Politics et Alaska) célébreront sur scène le lancement de la compilation 2 Tongues: le Québec en montre une, un disque réunissant 22 formations qui «skankent» en français, et ce, dans tous les dérivés: punk, jazz, dub, core, rock, oï…

Marc-Antoine, guitariste et un des auteurs des textes bilingues du septuor trifluvien Alaska, explique les différences inhérentes aux deux langues dans la conception de chansons ska: «C’est certain qu’on a tendance à moins se casser la tête lorsqu’on écrit en anglais. Ça sonne mieux en partant, et c’est plus facile de les faire "fitter" rythmiquement. Et il faut dire qu’on est plus difficiles pour nos textes en français. On a une chanson sur l’album qui s’intitule Life Goes On et dont le texte est assez simple; et si on le traduisait en français, on n’en ferait peut-être pas une chanson… On a peut-être plus peur de la simplicité en français; on a l’impression que si on chante "je t’aime", ça va nécessairement sonner kétaine. Mais ce qui est sûr, c’est que je me sens plus près de moi-même quand je chante une toune en français.» Préparez-vous à «skanker» d’aplomb le 13 novembre, au Medley.

Franco American
Il y a de ces groupes qui laissent pantois… Alors que la grande majorité des formations de la scène locale souffre d’un manque flagrant de stratégies promotionnelles, faute de moyens ou d’idées, d’autres, comme le groupe rock alternatif bilingue Franco American (ex-Pousse mais pousse égal), avec trois fois rien (et probablement quelques amis bien placés…), arrivent à produire un disque, deux vidéoclips (dont le dernier, pour la pièce Le Cyclone, tourné en super 8 au beau milieu du Saint-Laurent), et même un EPK (electronic press kit). Pour ceux qui ne seraient pas familiers avec le concept, un EPK est en fait un vidéo promotionnel qui véhicule les informations relatives à un groupe, de façon à ce que journalistes ou diffuseurs s’intéressent à celui-ci. Un C.V. sur support vidéo, en quelque sorte. C’est une pratique assez répandue chez les multinationales du disque, mais extrêmement rare chez les groupes indépendants. L’avenir nous dira si l’initiative portera fruit; mais, en attendant, c’est sur scène qu’on pourra le mieux juger de la pertinence de Franco American. Deux occasions: le 18 novembre, au Jailhouse, où le groupe en profitera pour présenter un court métrage d’action rétro intitulé Y aura d’la casse!, auquel ils ont collaboré activement; et le 6 décembre, au Zest, alors qu’ils participeront aux Francouvertes.

Chanson enragée
Si on cherche dans Le Petit Robert la définition du terme «enragé», on trouve: «Furieux, fou de colère». Pourtant, si on regarde qui participe à cette soirée de Coup de coeur francophone que l’on a intitulée Chanson enragée, on ne peut pas dire qu’on ait affaire aux plus agressives des formations: bon, peut-être Délirium Circus, j’avoue, mais ni Ivy ni Les 3/4 Putains ne sont réputés pour leur côté colérique. Marc Bisaillon, chanteur et auteur des textes des 3/4 Putains, a lui aussi cherché le mot dans le dictionnaire et il y a trouvé cette autre définition: «Acharné et passionné». Pour le leader de la formation qui profitera de l’occasion pour lancer son nouvel album Grrr!, cette façon de voir les choses représente mieux l’esprit de cette soirée qui sera animée par l’ex-French B, Richard Gauthier «On est trois groupes acharnés et passionnés qui assument totalement leur indépendance et qui ont quelque chose à dire. "Enragé" n’est pas pris dans le sens heavy-métal du terme. Il y a des chansons qu’on peut écouter distraitement sans porter attention aux textes et lorsqu’on s’y attarde, on se dit: "Oh boy!" Alors qu’il y en a d’autres que même lorsqu’on s’y attarde, on se dit qu’on aurait mieux fait de ne pas le faire… La Fureur est une bonne émission pour s’en rendre compte.» Peu importe le sens, attendez-vous à quelques surprises lors de cette soirée, le 12 novembre, au Cabaret.

Traumaturge / 24K
Jeudi dernier, au Café Campus, lors de la soirée Montréalité (un spectacle traduisant sur scène les pièces de la compilation hip-hop du même nom), l’une des formations m’ayant le plus impressioné fut sans conteste Traumaturge, qui, malgré sa courte prestation, a su s’imposer avec une énergie et un aplomb assez impressionnants. Le groupe lance d’ailleurs ces jours-ci un premier maxi intitulé Suce mon index, qui devrait attirer l’attention des radios assez ouvertes pour jouer du hip-hop (donc pas les radios commerciales…). En tout cas, la publication hip-hop 24k, elle, a accroché, car elle a mis Traumaturge en couverture de son numéro du mois de novembre, distribué gratuitement dans les boutiques hip-hop et au HMV Centre-ville. Aussi, des entrevues avec La Réplik, Flow Rock et L.E.X.icon, ainsi que des critiques de disques. Le tout sur le ton décontracte et sans censure de l’underground. Une lecture sympathique.

à souligner
– Au Petit Campus, le 16 novembre, la dernière semaine des préliminaires du Polliwog nous propose les formations Kiéko (allez visiter leur e-zine sur le Net à sonar.kieko.com), Mental Disorder et Nein Creed.

– Profitez de la formation Motocross et de leur «jazz de l’an 2000», le 17 novembre, au Studio, alors qu’elle sera accompagnée des Américains Lan Xang.

– Une bouffée de soleil rythmique et musicale, le 16 novembre, au Balattou, avec la formation multiethnique Sunroots.

– Le groupe anglophone de musique «pop-romantique» The Dears, sera au Jailhouse, le 13 novembre, avec Julie Doiron, The Microphones et Mirah.