Musique

Live à Montréal : MiossecLes OursPet Shop BoysLes Rythmes Digitales

Miossec
Le 10 novembre au Lion d’or
Avant qu’il ne débarque, on savait Christophe Miossec capable du meilleur (on se souviendra de ce show explosif aux Francofolies) comme du pire (le non-concert de l’an dernier). L’homme a la réputation de donner des performances au gré de son taux d’alcoolémie: pas assez imbibé, il est gangrené par la gêne; trop paf, il s’effondre. Sur la scène du Lion d’or, lors de Coup de cour, on s’est un instant demandé où il se situait sur l’«échelle de saoulographie». La première moitié de sa performance avait de quoi laisser perplexe: pendant de longues minutes, Christophe et ses musiciens ont semblé chercher une direction, démolissant des morceaux des trois albums jusqu’à les rendre méconnaissables. Une entrée en matière consternante et gâchée par une sono approximative. Puis, à partir d’Évoluer en troisième division, l’un des meilleurs morceaux de Boire, son premier disque, on a commencé à comprendre. Profitant à fond de la nouvelle architecture de son groupe (un batteur, un contrebassiste, un guitariste et un organiste), Christophe s’est appliqué à donner à chacun de ses vieux morceaux une nouvelle vie. Son répertoire, autrefois monolithique, possède maintenant un registre assez varié de teintes, même s’il a fallu pour cela tester la patience des fans par des versions qui n’avaient presque rien à voir avec les originales. La voix est toujours à côté de la plaque, mais, pour une fois, la musique suit. Les membres du groupe (tous nouveaux, à l’exception du guitariste-trompettiste Guillaume Jouan) amènent une profondeur et une liberté palpables, et l’ajout de cet orgue (qui rappelait parfois les Tindersticks) est certainement l’élément le mieux reçu. Finalement, on n’a jamais su si Christophe était bourré ou non, mais il nous a donné un aperçu alléchant du Miossec nouveau. Non, non, non, il n’est plus saoul, mais il est bon, c’est tout! (Nicolas Tittley)

Les Ours: le western vaincra!
Le 13 novembre au Lion d’or
En «mettant la patte» sur L’Ours diplomatique, l’organe officiel des Ours distribué en pénétrant au Lion d’or, on savait d’entrée de jeu que cette soirée allait être tout sauf ennuyeuse. Truffé de jeux de mots qui tournaient cette conquête de l’Ouest à la blague, le manifeste autodérisoire des ursidés aura eu cet effet: créer un événement. Et c’en fut tout un. Non seulement grâce à l’évidente cohésion du corpus des sept ours, qui, ensemble, transmettaient un enthousiasme palpable, mais aussi grâce aux invités qui, ponctuellement, nous ont rappelé que «le western vaincra».

J’entends le train, du légendaire Marcel Martel, donna le coup d’envoi twang et entraînant qu’on espérait, suivie de quelques pièces du seul et unique disque des Ours, L’homme qui a vu l’homme, dont À minuit sous la pluie, du non moins légendaire Paul Brunelle, chantée efficacement par l’excellent guitariste Yves Dubois qui voue une admiration indéfectible aux musiciens country québécois.

Parmi les légendes vivantes sur place, nul autre que le guitariste Bobby Hachey, sideman de Willie Lamothe pendant tant d’années, le sourire fendu jusqu’aux oreilles, incrédule devant l’accueil délirant du public. Puis Gerry Joly, ma grande révélation de la soirée, venu entre autres nous refaire son classique «composé en cinq minutes»: Mille après mille. Quelle chanson! Puis une autre sur la CIP où il a déjà travaillé, quelques jokes sur le Viagra, des moqueries à l’endroit de Stephen Faulkner, qui, lui, nous donna des rimes country d’une grande noblesse. Sans oublier Mara Tremblay, à l’aise comme une Marthe Fleurant dans J’ai un amour qui ne veut pas mourir, qui interpréta les siennes, Ah! Quelle tristesse et Emmène-moi au lac. Benoit Leblanc fut le dernier invité à l’harmonica avant que Crise Cadillac des Ours ne sonne la fin du spectacle. Bien en selle, tout ce beau monde est revenu pour le dessert: Quand le soleil dit bonjour aux montagnes. Et toute la salle chantait. (Claude Côté)

Pet Shop Boys
Le 14 novembre au Métropolis
Pour leur deuxième visite à Montréal, les Pet Shop Boys n’ont pas fait les choses à moitié. Fidèle à son habitude, le groupe anglais s’est payé un décor pompeux, des costumes, des perruques, des choristes-danseurs, des chorégraphies, des projections vidéo, mais tout cela paraissait bien ordinaire à côté de l’extravagance de leur tournée du début des années 90. Cette fois-ci, Neil Tennant et le stoïque Chris Lowe ont mis l’accent sur la musique, ce qui a donné un concert en dents de scie, qui valsait entre des moments jouissifs et d’autres carrément ennuyeux.

D’entrée de jeu, Neil Tennant nous a promis une rétrospective des (nombreuses) chansons qui ont marqué la carrière des Pet Shop Boys, et c’est exactement ce que nous avons eu. C’était d’ailleurs l’aspect le plus intéressant de ce spectacle. Loin de se confiner à la nostalgie, le groupe a réactualisé ses grands succès et, en général, les versions

étaient excellentes: West End Girls, Can You Forgive Her?, Left to My Own Devices, Always on My Mind, What I Have Done to Deserve This?, It’s a Sin n’ont pas perdu de leur mordant avec les années. Seule Being Boring avait bien du mal à décoller. Cependant, au fil de la soirée, une évidence sautait aux yeux: les chansons du nouvel album, Nightlife,
passaient moins bien la rampe. Surtout les ennuyeuses ballades (comme Happiness Is an Option ou Footsteps) qui coupaient inutilement le rythme.

Ce qu’on va surtout retenir de ce passage des Pet Shop Boys, c’est la puissance des pièces qu’ils ont écrites au cours des quinze dernières années. À la limite, tout l’emballage de ce spectacle était fort inutile. Mais comme les Pet Shop Boys ne font jamais dans la dentelle, on peut comprendre. (Frédéric Boudreault)

Les Rythmes Digitales
Le 14 novembre au Jingxi
Ne me demandez pas quelle date on était, dimanche soir dernier; tout ce que je pourrais vous répondre après avoir vu les Pet Shop Boys au Métropolis et Les Rythmes Digitales au Jingxi, c’est qu’on était quelques part entre les années 80 et 90 au point de vue de la composition musicale, et en 1999 sur le plan technologique. Je dois tout de même avouer que j’ai préféré de loin la performance de ce faux-Français qu’est Jacques Lu Cont (Stuart Price sur son passeport anglais). D’abord pour le côté intime – on était si près du trio qu’on ne pouvait qu’être atteint par la douce folie de sa mixture électro-pop d’influence new-wave et house -; pour l’enthousiame débordant de Jacques aux claviers et à la basse, de sa guitariste-claviériste et de son batteur; et pour cette musique extrêmement rafraîchissante, intemporelle malgré ses consonances rétro, et qui offrait une trame parfaite pour cette soirée «bar ouvert» qui célébrait le premier anniversaire de l’endroit. Pour l’occasion, on avait transformé une partie de la piste de danse pour accueillir tout l’attirail nécessaire au spectacle. Vêtu de jump suits blancs, ils faisaient tout en leur possible pour entraîner les spectateurs-danseurs dans leur univers où le plaisir du rythme et des gimmicks accrocheurs étaient rois et maîtres. Si la transposition live de cette musique majoritairement issue de source électronique était très bien orchestrée, il ne manquait que l’aspect vocal qui se retrouvait confiné aux bandes préenregistrées. D’ailleurs, sûrement conscient de cette faiblesse, le pseudo-lipsync de Lu Cont servait surtout à nous encourager à chanter. On aurait pu trouver l’ensemble un brin racoleur et dépassé, mais ça n’aurait été que bouder son plaisir. Et du plaisir pur, ça ne se refuse pas… (Eric Parazelli)