Musique

Mussique classique : Remise des Prix Opus

Il y a quelques jours se déroulait la troisième édition des Prix Opus. L’occasion pour le milieu de la musique classique de prendre le pouls de son évolution, et de récompenser artistes et créateurs.

Pour le gala de la troisième édition des Prix Opus soulignant les accomplissements de la saison 1998-99, le dimanche 5 décembre dernier, le Conseil québécois de la musique recevait à l’Usine C. Plutôt que de se retrouver en famille, assis autour de nombreuses tables dans la salle de réception d’un hôtel, les musiciens, les organisateurs, les critiques, bref, les intervenants de «l’industrie» de la musique classique au Québec se sont retrouvés – une fois de plus – assis en rang d’oignons à regarder une scène sur laquelle se succédaient des musiciens. Mais des musiciens qui, à cette occasion éminemment précieuse pour le milieu, parlaient au lieu de nous faire entendre de la musique… C’est que ceux-ci, fondamentalement, ne sont pas loquaces. Le gala des Prix Opus est donc un événement qui revêt une grande importance: réunis, les musiciens peuvent exprimer ce qui les tracasse, ce qui les émeut, les transporte, les motive, les irrite, les désespère… Une action qui, jusqu’à l’avènement du CQM et des Prix Opus, était impossible à imaginer. De plus en plus, la solidarité du milieu musical se fait jour et portera, espérons-le, des fruits magnifiques. Comme à l’accoutumée, le gala était animé avec brio par Catherine Perrin et Michel Keable, animateurs à la Chaîne culturelle de Radio-Canada. Seul élément à déplorer: une sonorisation déficiente qui ne nous a pas permis d’apprécier à leur juste valeur les quelques moments musicaux de la cérémonie.

Fête de la musique
Dans l’ordre de remise, voici la liste des lauréats de cette 3e édition des Prix Opus. Le prix Découverte de l’année a été remis au jeune chef d’orchestre Yannick Nézet-Séguin, pour le concert qu’il dirigeait à l’Orchestre Métropolitain, le 16 novembre 1998, intitulé La Russie romantique. Le prix du Concert de l’année-Montréal est allé au pianiste André Laplante, pour son récital du 3 décembre 1998, dans la série CBC/McGill. Le prix du Concert de l’année-Québec a été remis à l’événement «Des voyages et des musiques» du 5 juin 1999, avec l’Orchestre symphonique de Québec dirigé par Walter Boudreau et Denys Bouliane, présenté dans le cadre du festival Musiques au présent de l’OSQ dont la direction artistique est assumée par ces deux mêmes compositeurs à l’énergie pour le moins inépuisable. Le Concert de l’année-Ensemble (20 musiciens ou moins) et musique ancienne ayant reçu le Prix Opus est celui de l’ensemble Les Boréades de Montréal, intitulé Théâtre et musique. Il avait lieu le 2 octobre 1998, sous la direction de Francis Colpron.

Le prix du rayonnement à l’étranger revenait de droit au pianiste Marc-André Hamelin dont la carrière internationale ne cesse de prendre de l’ampleur, diffusant partout le génie de ce grand interprète québécois. Le prix Disque de l’année-Musiques médiévales, de la Renaissance ou baroque a été remis à l’enregistrement Haendel: Airs, danses. Extraits de Agrippina et Alcina, avec l’ensemble Tafelmüsik de Toronto et la soprano Karina Gauvin, sous étiquette Analekta. En musiques classique, romantique ou moderne, l’Opus du Disque de l’année est allé au Quatuor Alcan, pour son disque Schubert sous étiquette Analekta. La Personnalité de l’année couronnée par un Prix Opus est le compositeur, chef d’orchestre, organisateur et pédagogue Denys Bouliane, qui depuis plusieurs années remue ciel et terre afin que la musique québécoise d’aujourd’hui soit enfin considérée comme un digne reflet de notre culture, plutôt que comme un art marginal destiné aux seuls initiés.

Faits et gestes
C’est le Refus global du compositeur et pianiste Jacques Drouin, interprété par le Nouvel Ensemble moderne en juin dernier, qui recevait le prix de la Création de l’année. Le prix Écrits de l’année-Livre a été fort à propos décerné à l’ouvrage autobiographique du musicologue Jean-Jacques Nattiez, La musique, la recherche et la vie (un dialogue et quelques dérives), paru cette année chez Leméac. L’Écrit de l’année-Article a été quant à lui décerné à la musicologue Johanne Rivest, pour son article La représentation des avant-gardes à la Semaine internationale de musique actuelle (Montréal 1961), paru dans la Revue de musique des universités canadiennes, Numéro 19/1 (1998).
Le très important prix Hommage a été remis – on pouvait s’y attendre en cette année de célébration du 50e des JMC -, au fondateur des Jeunesses musicales du Canada, Gilles Lefebvre. L’Opus du Diffuseur de l’année est allé cette fois-ci au Festival de musique de chambre de Montréal, dont le directeur artistique est le violoncelliste Denis Brott. La Production de l’année-Jeune public «opusée» est le Ménétrier, spectacle de l’Atelier du conte en musique et en images. Le prix du Concert de l’année-Récital, soliste ou soliste accompagné est allé au récital de piano d’André Laplante, dans le cadre de l’événement Musique de chambre à Sainte-Pétronille, présenté le 8 juillet 1999. Des voyages et des mémoires, par l’Orchestre symphonique de Québec sous la double direction de Boudreau et Bouliane, recevait un second Prix Opus, dans la catégorie Concert de l’année-Musiques actuelle, contemporaine, électroacoustique, jazz. L’Opus Concert de l’année-Grand ensemble (21 musiciens et plus) et musique orchestrale ou lyrique a été remis à Hommage à Richard Strauss, par l’Orchestre symphonique de Montréal sous la direction de Charles Dutoit, présenté le 19 janvier dernier. À l’occasion de cette remise, la directrice générale de l’OSM, Michelle Courchesne, est venue faire de très émouvants adieux, puisqu’elle quitte incessamment sa fonction.

Le prix de l’interprète de l’année est allé à l’alto masculin Daniel Taylor, pour «l’état de grâce» de ses nombreuses prestations au Québec durant la dernière saison. L’événement médiatique de l’année couronné par un Opus est l’émission Musique pour un siècle sourd, réalisée par Richard Jutras et présentée sur les ondes de Télé-Québec. L’Opus du Disque de l’année-Musiques actuelle, contemporaine ou électroacoustique revenait à Figures, sous étiquette empreintes DIGITALes, présentant des œuvres de l’électroacousticien Robert Normandeau. Dans la catégorie Disque de l’année-Jazz ou musique du monde, le disque primé est Puzzle City, sous étiquette Lost Chart Records.

Robert Normandeau, déjà récompensé pour son disque Figures, recevait également le prestigieux prix de Compositeur de l’année. Le musicien soulignait avec justesse la reconnaissance accordée, lors de cette édition, au milieu extrêmement dynamique de la création. L’événement discographique de l’année était double: en effet, on décernait deux Opus dans cette catégorie, un au disque Haendel de Tafelmüsik, avec Karina Gauvin; et l’autre à Yo soy la desintegracion, opéra électroacoustique de Jean Piché chanté par Pauline Vaillancourt, réalisé par Jean-François Denis sous étiquette Amberola. L’Opus du Disque de l’année-Meilleur vendeur est allé, on s’en doutera, à Berceuses et jeux interdits, avec Angèle Dubeau et la Pièta, sous étiquette Analekta. Le Prix du public, toutefois, a été décerné au chef d’orchestre Yannick Nézet-Séguin, qui concluait le gala tout comme il l’avait ouvert en recevant le prix de la Découverte de l’année. De quoi avoir le vent dans les voiles!