Klaxon Gueule : Le silence est d'art
Musique

Klaxon Gueule : Le silence est d’art

Ils étaient Bavards, les voilà Muets. En deux albums, les membres du trio Klaxon Gueule ont transformé leur approche musicale du tout au tout…

Ils étaient Bavards, les voilà Muets. En deux albums, les membres du trio Klaxon Gueule ont transformé leur approche musicale du tout au tout: leur premier disque (double) était nerveux, spontané, et proposait une sorte de fusion entre free jazz et punk. Avec le tout nouveau Muets (paru sur l’étiquette Ambiances magnétiques), le trio, transformé en «orchestre de chambre autistique», a décidé d’explorer des territoires plus cérébraux et intangibles, qui, malgré quelques salves bruitistes, se rapprochent parfois de l’électroacoustique.

Mais pour peu qu’on les connaisse, il est difficile d’imaginer que les trois gars de Klaxon Gueule aient choisi de se taire. En fait, le percussionniste Michel F. Côté, le bassiste Alexandre Saint-Onge et le guitariste Bernard Falaise ont simplement pris le parti d’épurer le son pour mieux étoffer leur discours. «C’est le grand paradoxe du silence: les gens qui en parlent sont généralement assez verbeux», rigole Saint-Onge, conscient de la contradiction. Reste que Muets nous montre l’autre face de Klaxon Gueule, dont les musiciens ont décidé de revoir leur rapport à l’instrument. «L’idée principale, c’était de s’éloigner complètement du concept du power trio des débuts, explique Michel. On a tous réfléchi, à notre façon, à ce qu’était le groupe; celui des trois qui a réagi le plus fortement, c’est Alex; il a effectué un changement vraiment radical et on s’est beaucoup ajustés en fonction de son choix.» Bien qu’il se décrive encore comme bassiste, Saint-Onge a presque abandonné son intrument de prédilection, du moins au sens traditionnel. Armé d’une basse et d’une contrebasse préparées (bien malin qui pourrait identifier les sons d’origine de ces instruments), il manipule essentiellement l’électronique, faisant ainsi le pont entre sa démarche d’artiste sonore et celle, de moins en moins présente, d’instrumentiste improvisateur.

On ne peut s’empêcher de trouver que l’ensemble de la démarche a quelque chose de terriblement intellectuel, surtout si on la compare à la physicalité brute de Bavards. «Je ne sais pas si c’est vraiment cérébral, mais on retrouve sur Muets un côté plus cinématographique et un grand travail sur la texture. Il y a peut-être moins d’abandon dans mon jeu, et plus de réflexion et de minutie: ça se rapproche plutôt de l’orfèvrerie.»

«Je ne pense pas que le disque soit moins expressif, enchaîne Bernard. En fait, je trouve que ma façon de jouer n’a rien perdu de sa sensualité!»

Muets n’est pas fait de silences, mais de retenue et d’abstentions. On y observe clairement le refus catégorique de glisser dans l’oeuvre quelque référence musicale que ce soit; le refus de nommer les pièces; le refus des évidences, des lieux communs et, surtout, de la facilité. Car, malgré ce que suggère le titre, ce disque grouille de bruits en tous genres, et aucun d’entre eux ne semble laissé au hasard.

Peu de temps avant l’entrevue, Michel m’avait glissé une copie d’un texte qu’il a écrit pour le revue d’art Esse, en m’assurant qu’il n’avait strctement rien à voir avec Klaxon Gueule. Sorte de manifeste contre la pollution sonore, cet amusant pamphlet fait notamment l’éloge du silence («Un musicien face au silence est toujours émouvant», peut-on y lire,) et en appelle à une réévaluation de notre rapport au bruit ambiant: «Retrouvons l’odeur vraisemblable des sons et la saveur intrinsèque de la musique, celle primitive et fondatrice.» Malgré l’avertissement de l’auteur, on ne peut s’empêcher de tracer des parallèles avec la démarche actuelle de son groupe. «Ça n’y est pas étranger, je le reconnais, avoue Côté. Mais de manière plus technique; la plus grosse différence, c’est que Bavards avait une énergie brute, surtout parce qu’il était enregistré en direct, alors que Muets a beaucoup été retravaillé en studio. C’est dans ce processus que l’album a été cérébralisé.»

Après toute cette théorie, on peut se demander à quoi ressembleront les trois concerts de Klaxon Gueule… Chaque soir, l’un des trois musiciens se présentera en solo (on ne vous dira pas qui joue quand), suivi d’une performance du trio. Côté sera assis derrière une batterie apparemment ordinaire, mais, en fait, l’instrument est bourré de micros contact reliés à une console qui amplifie et transforme les moindres mouvements du musicien. Les deux basses de Saint-Onge seront posées à même le sol, et les bruits qu’il en tirera seront manipulés électroniquement. Falaise approche le jeu de façon plus conventionnelle, mais à l’aide de nombreuses pédales d’effets, il travaille les sons à la manière de boucles. Quant à la forme que prendront les sons, on se permettra de citer à nouveau Côté dans le texte: «(La musique) doit se faire à la fois inquiète et apaisante. Elle peut bousculer ou enchanter; intimider ou exalter.»

Les 18, 19 et 20 décembre

Au Théâtre La Chapelle

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