Les 3/4 Putains : Lyrisme explicite
Musique

Les 3/4 Putains : Lyrisme explicite

Increvables troubadours de l’underground, Les 3/4 Putains rôdent dans les bars de Montréal depuis plus d’une décennie. Loin de se plaindre de leur sort, ils prennent encore plaisir à le faire, et ils semblent être là pour rester.

«C’est beau, un minou, mais on a surtout fait ça pour vendre plus de disques; on s’est dit: «C’est soit un chat, soit une fille à poil.» Comme la fille toute nue, ç’avait déjà été fait, on a choisi le chat tout nu à la place.» Bon, ça y est: une autre histoire sur Les 3/4 Putains qui commence dans le franc déconnage. Blâmez le journaliste; Marc Bisaillon, chanteur et bassiste, avait pourtant insisté pour qu’on parle de choses sérieuses…

On sait donc pourquoi il y a un chaton sur la pochette de Grrr!, le plus récent disque des 3/4 Putains. Maintenant, débarrassons-nous d’un autre cliché tenace qui revient systématiquement lorsqu’on parle du groupe, à savoir: leur chanteur, fidèle disciple de Gainsbourg, est obsédé par les choses de la chair. «Oui, j’écris des chansons de cul, mais en fait, ce sont des chansons d’amour, explique Marc. Le problème, c’est que les gens ne savent pas écrire de vraies chansons d’amour: ça parle toujours de l’avant ou de l’après de quelqu’un qui aime quelqu’un qui ne l’aime pas. Moi, j’écris des chansons sur le pendant…»

Chansons d’amour? Pourquoi pas? Leurs disques précédents ne s’appelaient-ils pas Amorem Cantant et Romances? Bien sûr, le cul tient une place de choix sur Grrr!, comme en témoignent des titres tels La Délicate, Coït parade et autres Éroticallie correcte, mais Bisaillon est aussi capable de textes durs, voire revendicateurs, comme Chanson innommable, D’une totale indécence ou …Un enfant meurt.

Dans les deux cas, il y a pourtant une constante: on retrouve chez Marc une grande passion pour les mots, couplée à un plaisir intense de jouer. «Je ne mettrais jamais de collant Explicit lyrics sur un de nos disques, mais je mettrais Lyrisme explicite. C’est ce qu’on essaie de communiquer aux gens: le monde de la musique est ben stiff de nos jours, on ne va pas en plus monter sur scène avec des gueules de porteurs de cercueils. Mes chansons, ce sont des petites histoires pas trop dramatiques; même les constats sociaux sont abordés avec un grand cynisme.»

Contrairement à ce que certains s’imaginent, Marc peut aussi être un type sérieux; un homme de principes même, lorsqu’on aborde certains sujets. Que ce soit par choix ou parce qu’il s’est résigné à en faire partie toute sa vie, Bisaillon semble profondément attaché à la scène indépendante montréalaise, dont il est un participant actif depuis des lustres. Invité à l’émission Les Choix de Sophie dans le cadre des activités entourant les MIMI’s, il s’était lancé dans un vibrant plaidoyer en faveur de la marge, vomissant au passage sur les radios commerciales. «Je tiens à dire que j’ai quand même «blasté» CKOI deux semaines avant Pinard, en disant que je ne voulais pas que mes mes tounes jouent entre deux jokes homophobes! Je pense que c’est en me voyant qu’il a eu l’idée de faire sa sortie!»

En fait, ce cri du coeur de Marc n’était pas tant contre CKOI, que pour les radios communautaires. «À force de chialer contre les radios commerciales, les artistes ont tendance à oublier leurs alliés naturels. Je trouve qu’on ne dit pas assez souvent que nos tounes jouent à CIBL et CISM. Ces gens-là nous soutiennent depuis toujours et on devrait leur rendre la pareille.»

Grâce aux radios parallèles et à quelques fans dévoués, Les 3/4 Putains survivent depuis maintenant douze ans, et rien ne semble indiquer que les choses vont changer. «Mais on ne veut plus rien savoir de signer avec une maison de disques! lance Marc. On a notre propre étiquette (Cosak), pis aujourd’hui, c’est nous qui signons les autres! C’est la voie de l’avenir: bientôt, ce sont les gens qui vont signer avec les grosses compagnies qui vont nous paraître bizarres!»

Fidèles à l’éclectisme de leurs débuts, ils poursuivent leurs explorations sonores en marge des canons de l’heure, fusionnant allègrement chanson française, rock et rythmes latins. «Mon guitariste a une très belle expression: il dit que la bossa, la samba et le cha-cha-cha, c’est le couteau suisse de la musique. Avec ça, tu peux partir dans le bois sans problème.» Sur scène, cette semaine, Les Putains partent avec leur canif et leur boussole, et la ferme intention d’amener les pièces du disque dans une autre direction. Avec un sax baryton, un ténor, une trompette et un percussionniste, les chansons prendront une toute nouvelle couleur. «On a beaucoup de fun; en fait, c’est la première fois que je fais de la musique relax de ma vie! Avant, la guitare faisait tout; aujourd’hui, on a ajouté quelques lames à notre canif! On continue à s’amuser après plus de dix ans passés ensemble; s’il avait fallu qu’il y ait des conflits d’ego, je peux te garantir qu’on ne serait plus là…» Dieu merci, ils y sont toujours. Dans l’amour et la joie.

Le 14 avril au Lion d’or

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