La Nuit du Mali : Un air de famille
Musique

La Nuit du Mali : Un air de famille

Le jeune homme de soixante-deux ans qu’est Ali Farka Touré, s’amène à Montréal avec deux invités qu’il parraine aux Francos pour le spectacle La Nuit du Mali. Joint à Toronto, le guitariste malien, un tantinet paternaliste, nous parle de son «neveu» Afel Bocum et de sa «fille» Rokia Traoré.

L’enregistrement du magnifique album Niafunké, dans son village du même nom à la frontière du désert, n’a pas arrangé la réputation de vieux sauvage qui entoure l’honorable Ali Farka Touré. D’abord, on nous laisse croire que le guitariste malien, cultivateur à ses heures (à moins que ce ne soit l’inverse en réalité…), n’est pas joignable, faute de téléphone; ce que je gobe sans peine, connaissant la fameuse histoire de l’ingénieur Nick Gold qui s’est amené là-bas avec une génératrice et un kilomètre de câble afin de capter sur place la musique du maître et l’ambiance paisible de l’endroit. Puis on nous confirme une entrevue in extremis. Lorsque je joins son équipe à Toronto, c’est un seigneur convivial et souriant qui s’empare du combiné. Immédiatement, il me semble reconnaître cette voix granuleuse et fascinante qui se bonifie encore avec l’âge. «Pour l’enregistrement du disque, on est parti de Londres avec du matériel, me raconte le musicien. C’était mon idée de travailler là-bas pour rendre honneur à cet endroit où j’ai passé mon enfance.»

Tout inspire le respect chez cet homme plein de sagesse, détenteur d’un prix Grammy pour son disque précédent avec Ry Cooder. C’est un jeune homme de soixante-deux ans, un tantinet paternaliste, qui pétille au bout du fil et m’entretient des deux invités qu’il parraine aux Francos pour le spectacle La Nuit du Mali. D’abord, Touré me parle d’Afel Bocum: «C’est mon neveu. C’est un petit qui a pris tout son temps avec moi dans le cadre de l’éducation et de la musique.» Petit? «Il est adulte, me rassure Ali, il a quarante ans. Lui aussi était agriculteur de profession; il est devenu mon chanteur soliste et il est de mon devoir de faire connaître ce qu’il fait. Il prendra sûrement la relève. Je l’emmène pour lui faire connaître le tic-tac du métier, pour qu’il aborde la scène et qu’il apprivoise son public. Vous n’avez pas reçu son album?» Non, Ali.

Par contre, on connaît déjà Rokia Traoré, cette gazelle intrépide qui nous avaitcomplètement charmés au Café Campus, lors du festival Nuits d’Afrique, l’an passé. «C’est ma fille, Rokia, je vous assure, c’est ma fille. Je l’ai encadrée un peu lors de l’enregistrement de son premier disque mais elle avait déjà beaucoup de talent. Elle chante très bien, elle a une voix, mais surtout, elle évolue en ce moment vers la maturité.» Peut-on risquer d’affirmer que la demoiselle Traoré incarne, aux yeux de son public européen, une jeunesse africaine plus indépendante ou émancipée? «C’est correct», me concède le père adoptif. Elle aussi vient de terminer un nouveau disque, et Touré m’explique en long et en large les ramifications et les différences sur les plans culturel, ethnique, légendaire et agricole entre la musique «n’gusu beledugu» de tradition bambara de Rokia et les styles «wassoulou» et «didadi» que défendent les divas maliennes comme Oumou Sangare et Nahawa Doumbia. On évoque également sa technique de guitare à lui qui allie des influences «sonrai», «peul» et «tamashek». Mais quand on lui parle de blues, celui qu’on a surnommé «le John Lee Hooker africain» s’insurge quelque peu. «Je n’ai jamais entendu le mot blues jusqu’en 1956. Ce terme n’existe même pas chez nous. Le blues, c’est l’Afrique. Vous pouvez le dire et vous pouvez même prendre un tam-tam. Ce que vous appelez le blues, c’est la tradition purement et simplement africaine. Et les racines et le tronc se trouvent encore en Afrique.»
Soirée magique en perspective, donc, avec des artistes aussi intenses qu’authentiques. Mais quand on lui demande de nous dévoiler un peu plus le contenu et l’agencement du show, maître Touré rétorque sans détour: «Je ne sais pas. On attend d’arriver et on verra. Inch’Allah!»

Le 2 août
Au Théâtre Maisonneuve de la PDA

Voir calendrier Jazz, blues, etc.