Xavier Caféïne : Pirate pop
Musique

Xavier Caféïne : Pirate pop

Xavier Caféïne, tel le phénix qui renaît de ses cendres, entame avec Gisèle une nouvelle métamorphose dans sa carrière musicale en dents de scie. Un album d’une maturité étonnante.

Il y a des signes qui ne trompent pas. Dans le milieu des journalistes musicaux, la réputation de fêtard de Xavier Caféïne et sa tendance légendaire à être en retard aux entrevues étaient devenues un running gag. Pourtant, depuis un certain temps déjà, on le disait assagi, plus mature, presque zen… Question de tester la chose, je lui ai donné un coup de fil 10 minutes avant l’heure fixée. Il était là, frais et dispo! Aucun doute possible, Caféïne a bel et bien changé. Même qu’il a retrouvé son prénom pour ce qu’il considère comme son premier véritable album solo, Gisèle, sur lequel il a joué de presque tous les instruments. Probablement ce que Xavier a fait de mieux en 10 ans de "pirate pop" indépendant en montagnes russes.

Ceux et celles qui ont assisté à sa ixième renaissance aux Francos 2005 ont même remarqué qu’il avait mis de côté son attitude de rock star baveuse. Comme s’il n’avait plus besoin d’afficher une surdose de confiance pour prouver sa valeur. Xavier confirme à l’autre bout du fil: "Celui dont tu parles, c’était le jeune Xavier insécure qui avait besoin d’en beurrer épais pour camoufler le fait qu’il vomissait de peur avant chaque spectacle. J’ai arrêté de vomir il y a un an et demi… Mais en même temps, mon côté baveux et rock star, c’était pour faire triper le monde. Mais il faut évoluer, et moi j’évolue vers le bas parce que j’y ai mis toute la gomme étant plus jeune. À 22, 23 ans, t’es supposé être over the top parce que tu vis sans lendemain, et dans mon cas, c’était pas une joke, je vivais vraiment sans lendemain… À 30 ans, mes centres d’intérêt ont changé."

Plus mature, donc plus en paix avec lui-même et avec ses ambitions aussi. Mais pas au point d’avoir perdu ses réflexes de défense quand on remet en question son intégrité, son honnêteté d’artiste. Comme lorsqu’on lui rappelle l’épisode Poxy, son aventure de l’autre côté de la clôture, en pays anglophone. Qui a bien failli fonctionner d’ailleurs, mais qui avait suscité une certaine méfiance au Québec. Plusieurs fans d’Oh, chérie! et Tu ne peux pas partir avaient l’impression que son virage anglo au son plus commercial tenait davantage d’une opération de charme pour le public canadian: "Tu vois, quelqu’un qui me dirait ça, même aujourd’hui, je pourrais lui crisser un coup de poing sur la gueule!" s’exclame Xavier, qui, en passant, le jour de l’entrevue, se préparait à passer sa ceinture verte… "C’était tellement pas ça! J’ai zéro amertume par rapport à Poxy. C’est sûr que les francophones s’en sont crissés d’aplomb… Mais j’ai jamais eu l’ambition de devenir une superstar internationale. Et quand les choses se sont mises à se bousculer à Toronto, qu’on nous parlait de ventes d’albums et d’opérations promotionnelles, qu’on nous parlait comme à des athlètes olympiques, ça m’a fait perdre le fun que j’avais. C’était rendu très business oriented et ça m’a juste épuisé plus vite. Mais tout l’aspect musical et créatif de Poxy, ça m’a fait évoluer, et ça m’a permis de faire Gisèle aujourd’hui."

Ce disque, dont les 15 morceaux forment un tout étonnamment cohérent, musicalement plus riche que jamais, et qui donne l’impression de faire le pont entre l’ancien et le nouveau Xavier (des ruelles de Gisèle à l’anti-urbaine Montréal [cette ville], en passant par la sentimentale Le Feu et les surprenantes La Fin du monde et Les Corbeaux, qui nous montrent un Caféïne plus socialement et politiquement engagé), a été concocté dans la quiétude du sous-sol de la demeure parentale, dans la petite ville d’Aylmer, en Outaouais. "Après la tournée avec Plastic Bertrand, j’avais le goût d’aller passer du temps avec mon chien, avec ma famille, d’être capable de vivre avec moi-même avec le moins de distractions possible, raconte Xavier. Loin de mes amis, de ma blonde, des clubs, des partys. Pis j’ai adoré ça! Je me suis rendu compte que c’est la ville qui me rend fou. Moi je pense que quand tu veux te sauver de toi-même pis pas vivre dans tes bottines, une grande ville, c’est parfait. T’es jamais confronté à toi-même; tu peux toujours te replier sur autre chose, voir ton reflet dans une vitrine floue et te trouver pas pire. Alors que dans le fond, t’as plein de boutons dans la face pis de bibittes dans la tête…"

"Cet album-là, je l’ai fait, je l’ai senti et il est honnête, conclut Xavier. Et je pense qu’il y a encore des gens qui ont besoin de ça, de la musique honnête et vraie, dans cette espèce de pizza de petits-bands-de-faux-rebelles-de-18-ans-pas-de-barbe qui pognent beaucoup ces temps-ci. J’espère juste que les gens que ça peut toucher fassent un voyage comme moi j’en fais un quand j’aime un album."

Xavier Caféïne
Gisèle
Indica / Outside
Le 22 août, 5 à 7
Lancement au Petit Campus
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