Konflit Dramatik : Konflit des générations
Musique

Konflit Dramatik : Konflit des générations

Avec un nom prédestiné, Konflit Dramatik s’est exilé à Montréal après avoir froissé la traditionaliste élite franco-ontarienne.

Montréal, Québec, fin des années 1950. La crème de la chanson québécoise vit en exil à Paris parce que la haute société du Québec d’alors ne trouve rien chez ces jeunes pouilleux qui puisse alimenter la "bonne chanson". On connaît la suite: les poètes reviennent, la foule les acclame, Charlebois ose fusionner chanson et yéyé pour que naisse la chanson populaire québécoise. Le vent est passé sur les mémoires, et le scénario se reproduit. Seuls les noms ont changé.

Konflit Dramatik est né à Sudbury en 1998. Fondé par Christian Berthiaume (piano, voix), le groupe traverse plusieurs phases, change de membres, de styles, passant du hip-hop au rock techno, puis à un genre de prog expérimental. Les fans sont cependant au rendez-vous et s’entassent dans les locaux de répétition du groupe. Squattant une ancienne morgue et un incinérateur désaffecté, le groupe est au centre de l’activité culturelle sudburoise, mais s’attire l’opprobre de la fragile scène franco-ontarienne. "On était rendus au point où tous les grands festivals en Ontario avaient décidé de nous mettre sur une blacklist. On dirait que le marché est tellement petit qu’il n’y a pas de place pour s’exprimer si tu ne chantes pas de chansons à répondre. Mais il y a d’autres personnes qui nous appuient à 100 %, c’est assez bizarre. Le problème, c’est que les gens qui gèrent tout ça sont un peu trop vieux, ils veulent un produit qui leur plaît à eux plutôt qu’aux jeunes", opine Berthiaume sans amertume.

Montréalais depuis l’été 2008, le groupe roule en bécane sur les ondes de MusiquePlus en chantant Je t’aime Québec, un poème de Patrice Desbiens. Christian explique qu’il s’agit d’une ode à la ville quadricentenaire: "Notre réalisateur, Stéphane Rancourt (batteur de Pascale Picard), habite dans la ville de Québec, où j’ai passé un an à fignoler le dernier album (éponyme), exactement pendant la période où Pascale devenait une vedette. J’ai passé beaucoup de temps là-bas, c’est pour ça qu’on a fait la chanson." La vidéo est charmante, joyeuse, et les jolis accents rappellent à mon oreille québécocentrique celui de Damien Robitaille (le Félix Leclerc de cette mouvance?). On y aperçoit Marie Boulanger (guitare, voix, clavier), Shawn Arseneau (basse) et Cory Lalonde (batterie).

Les orthodoxes critiqueront, mais la nouvelle tangente éclatée que prend le groupe saura sûrement charmer les très bilingues Montréalais: "On chante dans les deux langues, même si ça nous nuit un peu en Ontario français. C’est drôle, on arrive au Québec, pis le monde ne comprend pas pourquoi on voudrait chanter en français seulement! On aimerait se bâtir un public ici pour retourner en Ontario en disant: "Voilà, les Québécois comprennent!"" s’amuse l’infatigable meneur.

Konflit Dramatik continue son intégration montréalaise et prévoit lancer un nouveau clip, pour la chanson Tête de poisson. Il planifie aussi quelques dates en sols québécois et canadien pour 2009. Malgré les critiques, les murs et les langues, KD poursuit son petit bonhomme de chemin, se dit toujours "franco-canadien" et brandit avec fierté ce que cette sous-culture produit de mieux.

À écouter si vous aimez / Les ponts instrumentaux, les textes engagés, l’accent franco-ontarien