Tigran Hamasyan : Seul dans son monde
Musique

Tigran Hamasyan : Seul dans son monde

Le pianiste Tigran Hamasyan vient de faire paraître une fable musicale qui fait écho à ses origines arméniennes. Le jazz se métamorphose sous les doigts de ce prodige.

Lorsqu’un artiste jazz se retrouve sous contrat avec la compagnie de disques Verve, on s’imagine que c’est la consécration et que l’exercice doit être pour le moins intimidant. Pourtant, pour le pianiste d’origine arménienne Tigran Hamasyan, ce passage dans la grande boîte américaine s’est fait le plus naturellement du monde. Après trois disques en trio sur des étiquettes indépendantes, le musicien nous présente maintenant son premier album en formule solo, A Fable.

"Je n’ai pas ressenti de stress particulier lorsque j’ai signé avec Verve. J’étais surtout excité à l’idée de travailler avec des gens qui connaissent bien leur métier et qui sont créatifs. Entre autres le batteur Nate Wood, avec qui je travaille depuis un certain temps et qui m’a donné un coup de main pour la réalisation. De toute façon, dès que tu te retrouves en studio, tu ne penses qu’à la musique et à l’interprétation. Il n’y a plus de place pour autre chose."

Le talent de ce jeune musicien qui n’a que 24 ans a été primé en 2006 au concours du Thelonious Monk Institute of Jazz, alors que le pianiste américain Herbie Hancock et le saxophoniste Wayne Shorter étaient membres du jury. Ses talents d’improvisateur sont indéniables et la façon qu’il a d’intégrer le folklore balkanique dans sa musique donne une teinte particulière à ses compositions. Non seulement les harmoniques détonnent, mais ses mélodies trouvent un lyrisme particulier.

Le compositeur a adapté quelques poèmes arméniens en musique sur l’album A Fable, entre autres Longing d’Hovhannes Tumanyan, et s’est même aventuré dans la vocalise. "C’est une forme de visualisation musicale d’un poème, précise-t-il. La poésie arménienne m’inspire beaucoup comme compositeur; la mélodie que j’ai composée pour Longing peut même faire penser à un air arménien tellement sa forme est typique. Mais je m’inspire de beaucoup de choses. Si tu écoutes la pièce Carnaval, tu remarqueras que la rythmique est inspirée de la musique brésilienne."

Même que tout y passe côté influences: la musique classique, avec Ravel et Prokofiev, le chant médiéval arménien et même… le heavy métal. Ajoutez à cela une technique à couper le souffle et vous avez devant vous un nouveau Brad Mehldau en devenir. "Les gens disent beaucoup de choses à propos de ma musique, constate-t-il. Pour moi, la composition n’a rien à voir avec la technique ou la virtuosité. C’est de la musique, un point c’est tout. Lorsque j’écris, je ne me pose pas de questions sur le style. Lorsqu’une pièce est composée et complétée, elle doit être jouée adéquatement, et c’est là que commence le vrai travail."

Définitivement installé à New York depuis deux ans, Tigran Hamasyan compte bien vivre une année remplie, peut-être même la plus importante de sa vie. "J’ai vécu à Los Angeles pendant quelques années, mais… New York is the real thing. J’adore l’énergie ici et tous les musiciens que j’admire y vivent. Je veux faire partie de cette scène et jouer le plus souvent possible. Le rythme de cette ville me fait travailler plus que jamais! I’m always on the edge!"

À écouter si vous aimez /
Keith Jarrett, Brad Mehldau, Chick Corea