Mes Aïeux : À l'aube du printemps québécois
Musique

Mes Aïeux : À l’aube du printemps québécois

À travers un disque plus "Harmonium" que "Beau Dommage", Mes Aïeux livrent la trame sonore idéale pour préparer le soulèvement du peuple québécois.

Ils étaient six réunis dans un appartement de l’avenue De Lorimier dans le quartier Centre-Sud, des gens issus du milieu théâtral et musical. En 1996, ils fondaient Mes Aïeux, un objet hybride ponctuant ses chansons sur scène de longs sketchs telle une soirée canadienne incluant costumes et contes. Puis les pièces Remède miracle et, surtout, Dégénérations / Le reel du fossé ont catapulté le groupe dans la culture populaire québécoise.

Avec le temps, Mes Aïeux a d’ailleurs compris que son salut passait par sa musique et ses refrains fédérateurs plutôt que par les concepts ou artifices scéniques tape-à-l’oeil. "Le déclic s’est fait au moment d’enregistrer notre précédent disque, La ligne orange, explique le bassiste Frédéric Giroux. C’est comme si on avait décidé de devenir un groupe de musique sérieux qui pouvait faire autre chose que du folklore."

Lancé cette semaine, le cinquième album de la formation, À l’aube du printemps, s’inscrit à part entière dans cette réflexion. Riche, complexe et éclaté, le disque aux arrangements folk-progressifs rappelle davantage l’univers sonore d’Harmonium que les rythmes de La Bottine souriante ou les mélodies bonbons de Beau Dommage.

Parallèlement, comme si la moralité de nos contes et légendes s’était imprégnée quelque part dans le cerveau du chanteur et auteur des textes Stéphane Archambault, Mes Aïeux a conservé un sens moral qui fait aujourd’hui toute sa pertinence. Seulement sur À l’aube du printemps, Passé dépassé nous rappelle que l’on vit dans une société jetable, même en culture. En ligne appelle aux changements de valeurs. La berceuse attaque les compagnies qui pillent nos ressources naturelles. Histoire de peur pointe l’étroitesse d’esprit et Le fil interroge notre identité.

Pour la violoniste Marie-Hélène Fortin, Mes Aïeux est davantage un groupe "préoccupé" qu’engagé. "On se questionne énormément sur notre avenir collectif plutôt que de donner les réponses ou la marche à suivre."

"C’est le désir de durer, omniprésent sur l’album, qui génère ce questionnement, poursuit Stéphane Archambault. Le désir de durer en tant que groupe, mais aussi en tant qu’espèce humaine, Québécois, couple… Les membres de Mes Aïeux ont presque tous passé le cap de la quarantaine et ça arrive forcément avec une remise en question. Qu’est-ce que j’ai accompli? Où je m’en vais? Qu’est-ce que je lègue à mes enfants? Et c’est là que je commence à m’inquiéter. Harper est en train de tout détruire: Kyoto, le registre des armes à feu, le droit d’auteur, même le processus électoral! Et pendant ce temps, Jean Charest brade nos ressources naturelles et place le Québec dans une position qui rappelle celle de l’Afrique coloniale. On dit aux entreprises: "Prenez ce que vous voulez, heille, vous nous donnez des jobs. Des redevances? Non, non, non, ne partez pas. On va même vous construire votre route pour vous rendre dans le Grand Nord et pomper tout ce qu’il y a de non renouvelable." Pis après, on vient nous dire qu’il faut aller chercher de l’argent dans les poches des étudiants?"

Le feu dans les yeux, Archambault conclut par une invitation. "C’est pour ça qu’il faut sortir nombreux dans les rues le jour de la Terre, le 22 avril. Pour dire au gouvernement que ses décisions ne sont pas prises pour le bien commun et que le sol québécois appartient à la collectivité."

Mes Aïeux
À l’aube du printemps
(Les Disques Victoire)
En écoute dès maintenant sur www.espace.mu