Chucho Valdés : Cubain mais sans frontières
Musique

Chucho Valdés : Cubain mais sans frontières

Le retour de Chucho Valdés avec son tout nouveau groupe Afro-Cuban Messengers va donner lieu à des prestations sensationnelles et spectaculaires.

Jesus est le vrai prénom de Chucho, on l’oublie trop souvent. Pas qu’il se prenne vraiment pour le messie, remarquez. Le gigantesque pianiste cubain a plutôt l’air d’un gentil géant et sait faire preuve d’humilité malgré son talent littéralement monstrueux et son autorité sur l’instrument qui s’expriment parfois dans la démesure et la violence sur son clavier. Mais la tournée mondiale Border Free (Sans frontières) qu’il effectue depuis le début du mois (le groupe nous arrive après avoir visité l’Australie, la Nouvelle-Zélande, New York et Puerto Rico!) démontre à quel point le compositeur de 70 ans est encore avide de découvertes et capable de nouvelles audaces, de nouveaux miracles.

«Le morceau Afro-Comanche raconte l’histoire de quelques Comanches déportés au cours du 19e siècle dans les provinces orientales de Cuba où ils ont fondé des familles avec les Afro-Cubains, explique le compositeur. Quant à Bebo, c’est une évocation de mon père, à sa façon de composer et de jouer. Lorsque je l’ai écrite, je ne savais pas qu’il partirait si vite, mais j’ai eu le bonheur de la lui faire entendre. Jamais il ne m’a forcé à jouer du piano, même s’il admirait ma manière et souhaitait secrètement que je continue comme lui.»

Lorsque le patriarche Bebo Valdés s’est éteint, fin mars, les nouveaux apôtres du maître Chucho Valdés venaient d’enregistrer avec lui un album époustouflant. La nouvelle formation constituée de cinq musiciens dans la jeune vingtaine — dont trois percussionnistes et un trompettiste — répond au nom d’Afro-Cuban Messengers, à l’instar du groupe de pionniers autour du batteur Art Blakey, les Jazz Messengers, qui répandirent la bonne nouvelle du hard bop à travers l’Amérique dans les années 1950.

«Je les avais tous entendus sur disque, mais quand je les ai vu jammer, là j’ai réalisé qu’ils étaient ceux qu’il me fallait. J’ai expliqué mon projet, ils ont adoré le concept et dès qu’on a commencé à bosser sur les thèmes que j’avais écrits, ce fut la magie instantanée».

Le nouveau matériel du spectacle se distingue donc nettement du jazz latin de Chucho’s Steps, le précédent album solo. Et encore plus des deux disques de boléro et de flamenco qu’il a enregistrés en duo avec les chanteuses Omara Portuondo et Concha Buika. Leo Brouwer, éminent guitariste et compositeur de La Havane, décrit l’œuvre comme «un bouquet de "cubanismes", d’illuminations et d’unions de contraires» faits d’énergie maximale et de pure poésie.

«C’est comme de briser les barrières à l’intérieur des genres, dit Valdés. Nous sommes nombreux à adhérer à cette idée, mais en nous unissant vient une nouveauté. La chose la plus difficile devient alors de combiner toutes ces parties fractionnées. Et c’est le résultat de ce mélange qui a inspiré le titre Sans frontières».