Bernard Labadie : Passion élémentaire
Classique

Bernard Labadie : Passion élémentaire

Bernard Labadie est humble, posé, pragmatique même. Il parle de son départ progressif mais imminent des Violons du Roy avec pudeur, comme pour éviter de plonger dans la nostalgie. Un exercice qui lui sera toutefois imposé, portrait rétrospectif oblige, et auquel il se prêtera avec générosité. 

«Ma famille n’a pas de passé artistique ou musical, sauf peut-être mon père, qui écoutait les retransmissions de l’opéra du Met de New York à la télé.» Son véritable éveil musical, il le vivra au primaire.

Tout a commencé par la flûte à bec, la blanche pâle presque beige. La flûte à bec Yamaha que tous ont eue, ou presque, à la petite école. Le petit Bernard avait huit ou neuf ans. Il était en troisième année. «Je ne suis pas gêné de dire que je suis musicien à cause de la musique élémentaire. Une professeure a vu que j’avais de l’oreille, et ç’a changé ma vie.» Justement, c’est la flûte à bec qui deviendra sa spécialité comme musicien après le secondaire. Un instrument en rien inférieur au hautbois ou au violon. «L’âge d’or de la flûte à bec, c’est l’époque baroque. Mon intérêt pour la musique de la fin du 17e et du début du 19e siècle vient de là.» Autrement dit, la flûte à bec, ce n’est pas juste pour préparer les enfants à souffler dans une clarinette ou un saxophone dans l’harmonie au secondaire. «Ça peut être un instrument sérieux. Il y a des gens qui gagnent très bien leur vie en jouant de la flûte, comme Maurice Stegner.»

Overgrown, comme James Blake

Vieille âme ou très ambitieux? Peut-être les deux? Impossible de savoir, de percer la coquille de Bernard Labadie, qui se fait discret sur ses jeunes années. Calcul facile: il avait 21 ans au moment de cimenter la première brique des Violons du Roy. Un ensemble de musique qui allait devenir une entreprise au chiffre d’affaires annuel de 3,5 millions de dollars. «La moyenne d’âge des musiciens devait être d’un an ou deux de plus que moi. On était jeunes et insouciants. Et tant mieux dans un sens, parce que sinon, on n’aurait jamais pris ce risque-là.»

Sorti d’une boîte à surprises aux yeux des têtes grises de l’époque – ça, on se l’imagine sans mal si l’on transpose son histoire dans les années 10 du présent millénaire – le p’tit gars du Collège Saint-Charles-Garnier avait tout de même fait ses classes en mode accéléré. Comme flûtiste au cégep, mais aussi comme chanteur. Formation qu’il poursuivra à la Faculté de musique de l’Université Laval. «J’étais un chanteur  très paresseux. Je ne pratiquais pas ma voix, je n’étais pas très doué non plus. J’avais une voix très forte, mais pas très raffinée.» Même s’il avouera avoir fourni les efforts minimums, Bernard Labadie a acquis là un précieux bagage, qui lui sert encore à titre de directeur de La Chapelle de Québec. «Les chanteurs aiment travailler avec moi parce que je les comprends.»

Mais sa force, sa signature, c’est surtout sa façon (unique) de mélanger techniques de jeu anciennes et instruments contemporains. Une approche audacieuse qui fait la renommée des Violons du Roy. Et sa renommée comme chef aussi, ce qui lui vaut des invitations en Malaisie, en Nouvelle-Zélande et en Australie, comme ç’a été le cas il y a quelques semaines à peine.