The Julie Ruin : Hanna et ses sœurs
Musique

The Julie Ruin : Hanna et ses sœurs

Kathleen Hanna refait surface avec son projet Julie Ruin, toujours aussi vitriolique, mais un peu moins énervée.

Kathleen Hanna est devenue une icône de la culture punk/grunge féministe alors qu’elle était la chanteuse de Bikini Kill, groupe phare de la frange Riot Grrrl, mouvement qu’elle contribua à mettre sur pied au début des années 1990. Provocante et charismatique, elle était en quelque sorte aussi menaçante que pouvait l’être Ari Up des Slits avec la voix et la véhémence d’une Poly Styrene (X-Ray Spex). Derrière ses faux airs de petite gamine mignonne se cachait souvent une jeune femme prête à mordre. Un personnage complexe et fascinant qu’un simple article ne peut décrire, mais qu’on peut découvrir dans l’excellent documentaire The Punk Singer qui lui est consacré.

Subséquemment à l’expérience Bikini Kill qui s’est terminée en 1998 et qu’elle n’a franchement pas envie de répéter, elle s’est lancée dans un projet solo sous le nom de Julie Ruin. Après un premier album, le projet s’est muté en Le Tigre quand est venu le temps de transposer la musique de Julie Ruin sur scène. Le trio a connu un certain succès, mais depuis 2007, suite aux problèmes de santé qu’a connus Kathleen Hanna, le groupe a pratiquement cessé ses activités. La principale intéressée reconnaît toutefois qu’ils n’ont jamais dit qu’ils se séparaient et qu’elle se voit bien un jour ou l’autre remettre du tigre dans son moteur. Mais pour le moment, il y a à nouveau The Julie Ruin… De retour sur les rails depuis 2010, le projet actuel est cependant fort différent de la première ébauche de 1998. L’aventure solo initiale s’est ici mutée en un véritable groupe en compagnie de Kenny Mellman, Sara Landau, Carmine Covelli et l’ex Bikini Kill Kathi Wilcox.

Côté givré, côté sucré

Comme en témoigne Run Fast, paru en septembre 2013, Kathleen Hanna semble osciller entre deux mondes. Certains titres plus hargneux de l’album nous ramènent à l’époque Bikini Kill alors que d’autres, à saveurs beaucoup plus pop, résultent de l’expérience électroclash de Le Tigre. Côté sucré, côté givré… Y aurait-il deux Kathleen Hanna finalement? «Oui, il y en a deux et il y en a une que tu n’as pas envie de rencontrer», rigole la chanteuse au bout du fil. «On avait envie de toucher à plusieurs styles et de ne pas rester coincé sur un genre de son. Il y a dans ce disque quelques chansons qui peuvent être similaires à ce que je faisais au début de ma carrière, Oh Come On par exemple, et d’autres beaucoup plus pop. J’adore la pop française des sixties. Jacques Dutronc, Françoise Hardy, Érick Saint-Laurent, France Gall, Brigitte Bardot… C’est Kathi (Wilcox) qui m’a fait un CD de chansons françaises des années 1960 et je l’écoute tout le temps», révèle-t-elle avant de se mettre à chantonner Mini Mini Mini de Dutronc en riant… «J’aime beaucoup ça et j’ai cherché à avoir ce genre de son avec des chansons comme Goodnight Goodbye ou Just My Kind. Puis il y a Stop Stop qui est une chanson complètement folle, hors de contrôle… Party City qui porte bien son titre… Je suis une grande fan des B-52’s et y’a un peu de ça aussi sur le disque. Quand à mon expérience avec Le Tigre, elle se retrouve dans cet album plus par rapport au côté festif. On voulait que le gens puissent danser sur nos chansons, qu’ils puissent avoir du bon temps».

Kathleen Hanna, malgré la quarantaine, malgré la maladie de Lyme qui l’a gardée hors du circuit durant plusieurs années, s’est assagie, mais n’a pas décoléré. «Bien sûr que je suis toujours en colère, mais différemment. Gamine, on me disait que je devais être une petite fille gentille. Ado, je me suis rebellé contre cette attitude et j’ai crié ma colère. Aujourd’hui, avec l’âge, je dirais que ma colère est davantage canalisée. Je ne suis plus une enragée, je m’arrange surtout pour contester ou dénoncer quelque chose d’une manière plus calme et nuancée».

En concert le 4 avril au Il Motore en compagnie de Screaming Females.