Canailles : À bout de souffle
Musique

Canailles : À bout de souffle

Canailles se projette (un peu!) dans la force de l’âge avec son deuxième album Ronds-points.

Une dichotomie surprenante, sur le coup, habite Daphné Brissette et Erik Evans, deux des interprètes et instrumentistes du collectif dit folk trash. Si les compères se font ouragans parmi leurs congénères bêtes de scène, le duo s’avoue nerveux à l’approche de la parution de Ronds-points. «C’est une épreuve, quand même, d’en sortir un deuxième!», lance la chanteuse, d’emblée. «On dirait que c’est s’inventer de la pression. T’sais, dans le fond, tu veux juste sortir un deuxième disque pour faire triper le monde encore une fois, mais on dirait qu’on voit quand même ça comme si c’était super « gros », comme si les gens n’allaient pas embarquer. C’est comme si on craignait des coups de fouet!» Son collègue interprète et mandoliniste en rajoute en précisant que «ça nous a aussi un peu sortis de notre zone de confort». Et comment!

Manger du bois puis briser l’image 

Si le collectif évoque le cliché de «l’album de la maturité» avec un sourire fermement en coin (on mentionnait la fameuse expression jusque dans le communiqué de presse qui annonçait le disque, quand même!), Ronds-points témoigne tout de même de tout le chemin  et les milliers de kilomètres  parcouru par l’ensemble depuis la parution de Manger du bois (2012). Tant musicalement que thématiquement. Si une écoute en diagonale de leur œuvre séminale cimentait l’image d’un joyeux bordel assez fêtard merci, Canailles vient la rompre, ou du moins l’entailler, avec Ronds-points, une création aux compositions plus riches et aux textes plus nuancés.

«Il n’y a pas eu de directives à la « faut casser cette image-là »», tranche Evans en faisant notamment référence à des pièces comme Poisson d’avril et Berceuse pour les plantes. «C’est venu de soi, en constatant qu’on amenait plus de chansons sombres, mais le party demeure», ajoute-t-il ensuite. Puis, Brissette prend la proverbiale puck au passage et glisse que «t’sais, l’étiquette de party est le fun. C’est très plaisant et ça fonctionne bien, mais Canailles, c’est aussi un groupe de huit personnes qui sont très émotives et qui n’ont pas peur de le montrer». Mieux encore, cette variété permet à l’ensemble  déjà rudement efficace sous les feux  de revigorer son aspect scénique. «Créer des moments comme ça, c’était important. C’est sûr qu’il faut aussi faire la distinction entre l’album et le spectacle qui aura une tout autre direction. C’est le fun, ça nous fait davantage de moments qu’on peut appliquer en concert aussi.»

La communauté des Ronds-points

Comme Ronds-points a été composé dans une certaine urgence, lors de quelques rares retraites au chalet d’Erik entre des séries de spectacles, les canailles se sont scindées en sous-groupes de travail afin de créer plus efficacement. D’où l’aspect (encore) plus collaboratif. «Ce qui est aussi le fun avec cet album, c’est qu’on fait ressortir des membres qui étaient un peu plus dans l’ombre», fait valoir Brissette en mentionnant Breakers, où Annie Carpentier s’impose, ainsi que la poignante Fromage, qui bénéficie d’un apport considérable de Benjamin Proulx-Mathers.

Erik prévient toutefois que le processus n’était pas si étranger au projet. «Je crois que ça demeure la même formule qu’avant, dans le sens que Daphné amène ses tounes  textes, mélodies, idées – tout comme Alice [Tougas-St-Jacques], Dan [Tremblay] et moi, mais la contrainte de temps a fait en sorte qu’on avait tous un input sur les pièces à force de travailler dessus. Sur une de mes tounes, par exemple, Daphné m’a suggéré de faire ça sur un air qu’elle avait composé, ce qui a sauvé la chanson à mon avis! Ça devient de plus en plus collaboratif, mais tout le monde mettait quand même du sien auparavant. Parce que, au final, c’est des chansons de Canailles, le groupe. Ce n’est pas un projet d’auteurs-compositeurs-interprètes!»

Salutations à Dan! 

À peine remis du sprint autour des ronds-points, les musiciens apprivoisent maintenant l’album dans leur local de répétition en prévision d’innombrables souvenirs précieux et de galères juteuses glanés sur la route. «C’est comme le calme avant la tempête», résume Daphné, en faisant référence à ce «retour au travail» après un hiver où plusieurs membres de Canailles ont pris une pause pour recharger leurs batteries. «Tout le monde est parti chacun de son bord pour se ressourcer… pis moi, j’suis resté en ville parce que j’étais tanné de ne pas être chez nous!», glisse Erik pour ensuite y aller d’une nouvelle mésaventure, avant même que Canailles ait refoulé les planches à nouveau. «Si on peut te partager un stress, lance-t-il, badin, notre joueur de banjo [Dan] n’est toujours pas revenu au pays. Alors, là, on souhaite qu’il soit de retour à temps pour le lancement!»

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Ronds-points (Grosse Boîte) Disponible le 15 avril; En écoute sur voir.ca dès le 7 avril.