Myëlle : Bang bang
Musique

Myëlle : Bang bang

Myëlle monte avec courage sur la monture de ses propres chansons et fait brailler les hors-la-loi dans leurs bières grâce à la western romance d’un premier EP, Chéri

«It’s a bit of a walk. That walk to the front is complicated», observe Bruce Springsteen dans le documentaire 20 Feet From Stardom, lumineux portrait de quelques-unes des plus indispensables choristes (Darlene Love, Lisa Fischer, Claudia Lennear) de l’histoire du rock.

Demandez à Myëlle si c’est «compliqué» de passer de la proverbiale ombre dans laquelle peut se tapir la choriste à l’aveuglante lumière sous laquelle la chanteuse à l’avant doit prendre le taureau de ses chansons par les cornes. «Il n’a pas tort Bruce. J’en ai toujours parlé de faire mon projet à moi, c’était dans l’air depuis un bout. Sauf que je travaille tellement avec des grosses pointures. Ça prend du courage dans ce temps-là pour dire: "Je ramasse mes chansons, elles en valent la peine"», confie la choriste et musicienne (elle joue du violoncelle) qu’on a pu apercevoir aux côtés de Mark Berube, Galaxie, Chantal Archambault et Amylie. «Il y a trois ans, j’avais presque un album complet, tout était écrit, j’avais même eu une bourse, et j’ai littéralement choké. Je n’ai pas eu le courage. Je mettais la défaite sur tout: je suis en tournée, je suis brûlée, ce n’est pas le bon moment parce qu’il se passe des choses dans ma vie personnelle.»

Alors pourquoi maintenant? Un: parce que le passage de la trentaine botte le derrière. Deux: parce que Django Unchained de Tarantino, parce que sa trame sonore. «Je suis sortie de la salle bouleversée. Ce sont toutes mes influences musicales à leur paroxysme.»

Et trois: parce que… Marie-Claire Séguin, une coach qui ne recule jamais devant la douloureuse vérité. «Je me rappelle d’un soir d’atelier à Granby [Myëlle a été demi-finaliste au Festival international de la chanson en 2008]. Je fais ma toune et Marie-Claire ne dit rien. J’étais un peu insultée. Je vais la voir après pour lui demander pourquoi. Elle m’avait répondu: "Tu n’es pas prête à travailler, ça ne sert à rien. Tu n’as pas le droit d’être sur scène et de jouer à la chanteuse. Il faut que tu assumes tes trois chapeaux d’auteure-compositrice-interprète." C’était comme un coup de poing dans la face. Je suis montée dans mon char et j’ai braillé ma vie jusqu’à Montréal. Son commentaire, ça voulait dire: "Assume, va jusqu’au bout, tu n’as pas le droit de nous donner juste la moitié."» Deux ans plus tard, Myëlle repartait du Festival en chanson de Petite-Vallée avec une barouette de prix, dont celui du Coup de cœur du public.

La vie dan’ face

Myëlle ne «joue» plus à la chanteuse, mais ne renie pas pour autant son passé de diplômée en théâtre musical sur Chéri, premier EP coréalisé avec Antoine Gratton, quatre titres dont certaines des scènes pourraient se dérouler dans la Rome de Danger Mouse et Daniele Luppi, dans le Liverpool de Renée Martel ou dans l’Arizona de Calexico. Les charognards planent au-dessus du désert des coeurs dans laquelle une endeuillée avance, la mort dans l’âme, le regard patibulaire et le souvenir au cœur de ce desperado qu’elle pleure et dont elle refuse de laver la chemise à carreaux.

«Il y a certains moments où tu me fais peur, surtout quand tu chantes "Y’aura mort d’homme sûrement ce soir"», avoue le journaliste à Myëlle en évoquant La robe noire (paroles de Francis Faubert). «Ben j’espère que t’as peur!», réplique la belle brigande. «Mais les chansons ont été développé autour d’un personnage», nuance-t-elle avant que, pris de frayeur, l’auteur de ces lignes ne raccroche le téléphone. «C’est un peu la même femme qu’on retrouve à travers les quatre chansons.»

Et comment la décrirais-tu? «C’est une femme qui a la vie dan’ face, qui en a fait des niaiseries au nom de l’amour!» 

Parce qu’à l’instar de Tarantino qui triture les codes d’un genre pour mieux parler de vengeance, ce n’est pas tant pour raconter des querelles de truands que pour chanter l’amour que Myëlle échafaude ce western et entasse dans son saloon les pianos bringuebalants, les cordes somptueuses et les guitares réverbérées. «C’est à travers l’amour que tu vis ou que tu crèves», résume-t-elle. Il y a de ces bruits – bang bang – que l’on n’oublie pas.  

Chéri en écoute sur voir.ca jusqu’au 23 avril. Disponible ici dès le 23 avril. 

Lancement montréalais le 23 avril au Verre Bouteille.