Red Bull Flying Bach : Revisiter Bach par le breakdance
Musique

Red Bull Flying Bach : Revisiter Bach par le breakdance

Étonnante rencontre entre le breakdance et la musique classique, le Red Bull Flying Bach s’amène au Canada, quatre ans après sa première représentation à Berlin.

Directeur d’opéra reconnu, l’Allemand Christoph Hagel préfère toujours se mettre en danger que de s’en tenir aux formules éprouvées. Après avoir inclus des passages de breakdance dans un de ses opéras, il désire pousser le concept un peu plus loin à la fin de la décennie 2000, lorsqu’il est témoin d’une performance des quadruples champions du monde en la matière, les Flying Steps, également d’origine allemande. «Ils dansaient avec une précision redoutable, de façon aussi tranchante que peuvent l’être les compositions de Bach», raconte Hagel, rejoint par téléphone.

Dans sa tête joue alors en boucle Le clavier bien tempéré du mythique compositeur allemand – œuvre majeure de la musique classique, particulièrement influente au niveau de sa composition polyphonique. «En les regardant, je m’imaginais exactement cette composition. C’était encore mieux que la danse contemporaine ou le ballet», se rappelle-t-il, enthousiaste.

Hagel passe à l’action rapidement et rencontre la troupe. Les Flying Steps lui avouent d’emblée: leur connaissance de l’œuvre de Bach est très limitée. «Nous avions entendu l’un de ses morceaux les plus connus dans Sesame Street quand nous étions enfants, mais c’est tout», admet KC-1, l’un des danseurs. «Ha et peut-être une sonnerie de téléphone aussi!» 

Le long chemin 

En revanche, leur soif d’apprentissage compense. Les danseurs se rendent notamment dans une librairie de Berlin pour jeter un coup d’œil aux partitions manuscrites de Bach. «Nous en avons vu plus de 800, alors qu’à la base, nous connaissions à peine deux de ses compositions», souligne KC-1. «Le chemin que nous avions à parcourir avant d’en venir à comprendre sa musique était immense.» 

Début 2009, Hagel et les Flying Steps se mettent à l’ouvrage et expérimentent différentes façons de jumeler Bach au breakdance. La structure du spectacle prend forme dans les mois qui suivent: les sept danseurs de la troupe enchaîneront les figures acrobatiques avec un dynamisme et une synchronisation soutenus sur un plateau assez dense, partagé avec la danseuse contemporaine suédoise Anna Holmström et Hagel lui-même au piano. Des segments de musique électronique, signés Ketan et Vivian Bhatti, viendront également ponctuer le spectacle de 65 minutes.

En avril 2010, la première représentation a lieu à la New National Gallery de Berlin. Mises à part quelques critiques mitigées, le spectacle est bien reçu par le public berlinois, «généralement ouvert aux nouvelles pratiques culturelles» selon Hagel.

Réticences des puristes 

Pour le danseur Michael Rosemann, il est normal que certains puristes aient leurs réticences face à une formule aussi audacieuse que celle du Flying Bach. «Plusieurs voient le breakdance comme une aberration», dit-il. «D’une certaine façon, c’est vrai: le breakdance était et est toujours une façon de transgresser les normes de la société. Nous dansons comme nous le voulons, et nous brisons un tas de règles traditionnelles de la danse.»

Se développe ainsi un lien fondamental entre l’approche des Flying Steps, de Hagel et de Bach – un lien qui va bien au-delà des préceptes stylistiques et qui, en bout de ligne, a permis la création du spectacle. «Bach était ouvert à tout ce qu’il y avait de nouveau. Il tentait, tout simplement. Ce genre d’attitude prompte à l’expérimentation est ce qui nous a guidés. On essaie de surprendre le public avec quelque chose de totalement nouveau», analyse le breakdancer Vartan Bassil.

Bach, pionnier des battles

Plus encore, les danseurs se rendent compte que l’œuvre de Bach, finalement, n’est peut-être pas si loin de l’art qu’ils exercent avec passion depuis le début des années 1990. «Nous avons appris que Bach participait à des battles avec sa musique, d’une façon à peu près similaire à la nôtre», raconte KC-1. «En 1717, il s’est rendu à Dresde pour participer à un battle d’orgue contre Louis Marchand, l’un des meilleurs organistes de son temps. La rumeur veut que Marchand ait fini par fuir la ville lorsqu’il a entendu Bach répéter quelques jours avant. Ça nous a vraiment amusés puisque c’est le même genre d’effet que nous essayons d’avoir sur nos compétiteurs.»

Quatre ans après le début officiel de l’aventure,  une question ultime persiste pour la troupe: est-ce que Bach aurait été inspiré par la tournure que prend son œuvre? «J’aime croire que oui», répond Michael. 

«Plus largement, je pense que Bach aurait sans doute été inspiré par la musique d’aujourd’hui, notamment par Afrika Bambaataa qui a déjà mélangé Beethoven, Kraftwerk et James Brown dans la même chanson», croit KC-1. «En fait, il aurait probablement composé des trucs encore plus fous…»

Au Théâtre Maisonneuve de la Place Des Arts de Montréal du 23 au 26 octobre. (Aussi au Massey Hall de Toronto du 16 au 19 octobre.) 

redbull.ca/flyingbachFR