Lisa LeBlanc : Bonne, brute et truande
Musique

Lisa LeBlanc : Bonne, brute et truande

Non contente de finalement remiser son fameux premier album, Lisa LeBlanc se lance déjà dans d’autres (mé)saventures: une tournée dans l’Ouest canadien et, surtout, un maxi en anglais.

«Je crois que je suis cursed», s’exclame d’emblée l’auteure-compositrice-interprète dans un éclat de rire à l’autre bout du fil. «Y’a la weirdest shit qui m’arrive! L’autre matin j’ai oublié que j’avais une entrevue de prévue et un de mes amis m’a invité à observer des ours. Alors que je me retrouve dans un environnement où l’on doit demeurer silencieux, c’est là que mon téléphone sonne! Puis là c’est toi qui m’appelle alors que mon taxi vient d’avoir un accident. What the hell, man

Aussi à classer au rayon «mésaventures inattendues»: Highways, Heartaches and Time Well Wasted, un maxi de cinq compositions et une reprise chantées dans la langue de Shakespeare.

De l’importance de moins sucker en anglais

«Un EP en anglais, c’est l’affaire que personne n’attendait, moi la première. Honnêtement, j’étais la première à dire que ce que j’écris en anglais suck! Même que je l’ai répété en entrevue il y a un an environ!», confie LeBlanc en faisant notamment référence à ses premières compositions adolescentes. «Ça veut donc dire que je change souvent d’idée!», glisse-t-elle en rigolant. Elle en profitera ensuite pour revenir sur le cas de You Look Like Trouble But I Guess I Do Too, morceau ouvrant l’œuvre.

«Écrire en anglais est un peu revenu out of the blue l’année passée. J’ai composé cette chanson et ça a découlé de là. À l’époque, j’étais surtout contente d’écrire quelque chose.» Puis vinrent les quatre autres pièces ainsi que cette reprise réarrangée du standard folk Katie Cruel popularisé par Karen Dalton. «L’idée d’un EP était parfaite pour moi», fait-elle valoir. «Ça me donne quelque chose de nouveau — c’est du matériel que je fais déjà en show, anyway — sans me mettre trop de pression, car un EP peut autant passer dans le beurre qu’ouvrir des portes. C’était un peu: let’s just do it. J’avais envie de faire ce que je voulais!»

Fort heureusement, l’auteure — déjà convaincante en français — a pris du gallon en anglais depuis ses débuts. Ainsi, Highways, Heartaches and Time Well Wasted tient davantage du défi que du caprice selon la principale intéressée. «Je ne suis pas de l’école qui veut qu’écrire des chansons en anglais soit plus facile», tranche-t-elle. «Au contraire, si on est sérieux, c’est aussi tough, sinon pire, qu’en français, car c’est tellement universel comme langue qu’il faut aussi trouver un moyen de s’y démarquer.»

Hommage à une Dalton

Marquée par un récent roadtrip aux États-Unis où elle a marché dans les pas de Kerouac en se rendant, notamment, à San Francisco, LeBlanc a également été inspirée par la déferlante l’aspirant depuis 2012. «C’est clair que l’évolution naturelle — le premier album, ce qui est arrivé ensuite, etc. – et mon day to day s’y retrouvent aussi». On n’a toutefois pas droit à Lisa LeBlanc, l’album, prise deux, précise-t-elle. «Ces tounes en anglais sont un peu plus d’un point de vue “observateur”. J’ai l’impression que je m’adresse davantage à quelqu’un. C’est moins here’s the deal. C’est venu comme ça. J’ai réalisé que j’écrivais d’un œil plus extérieur que sur moi-même qu’à la fin.»

À ces chansons aux propos plus dialogués — et au folk aux accents rock, americana, voire « ennio morriconesque » (la pièce-titre en témoigne) prononcés — s’ajoutent cette fameuse réinterprétation de Katie Cruel. «Crisse qu’on a eu de la misère avec celle-là!», s’exclame LeBlanc, hilare. «Et malgré les 1500 versions qu’on a faites de cette toune-là, la version de Karen Dalton demeure ma toune préférée!», poursuit-elle. «En plus, l’histoire de Karen Dalton est mémorable. C’est quelqu’un qui influencé beaucoup de monde — comme Dylan, par exemple —, mais cette femme-là n’a pas eu un succès très grand public whatsoever. Elle avait plein de problèmes, mais elle a surtout chanté d’amazing tounes et c’est une interprète incroyable.»

Des années après le décès quasi anonyme de Dalton, LeBlanc constate que les musiciennes féminines sont de moins en moins dans l’ombre. «Je pense qu’au Québec, du moins, on a une gang de chicks qui prennent de plus en plus de place. Il y a autant de bonnes musiciennes que de musiciens. Je trouve qu’il y a quelque chose de vraiment intéressant qui se passe du côté des femmes et je trouve ça great.» Plus tard, celle qui n’écrit pas de chansons de «fifilles» — comme elle l’indiquait en 2012 — précisera que bien qu’elle s’assume davantage comme femme, elle ne veut pas être déterminée que par son chromosome. «J’ai toujours voulu écrire sans qu’on pense que je suis une femme et je pense que c’est toujours un peu le cas», glisse celle qui, plus jeune, idolâtrait les Steven Tyler, Robert Plant et Jimi Hendrix. «J’ai déjà lu un article sur une athlète olympique qui parlait un peu de la même affaire. Elle disait qu’aussitôt que tu fais les Olympiques, on va toujours parler de toi comme une “femme athlète” plutôt que comme juste une “athlète”. Est-ce que la musique peut être “bonne” et pas seulement “bonne pour une fille”?»

Les périples de l’une, les découragements des autres

Outre le lancement à Montréal (puis sa participation à un concert-bénéfice plus tard en novembre), Lisa LeBlanc étrennera tout d’abord son nouveau maxi dans l’Ouest canadien; elle qui vient tout juste de clore la tournée de son premier album. «Même mon label est découragé!», s’exclame-t-elle en abordant sa prochaine série de concerts. «Ils envisageaient l’avion, mais moi j’insiste pour faire les huit heures de char entre chaque ville. Ça va être mémorable!» Les États-Unis sont, bien évidemment, dans ses plans, mais pas avant une autre pause pour voyager. «Parce que si je ne suis pas sur la route, je ne serai pas chez moi. J’sais pas si ça fait du sens?»

Highways, Heartaches and Time Well Wasted

(Bonsound)

Disponible dès le 4 novembre. Lancement le soir même à 19h au Théâtre Corona Virgin Mobile. Lisa LeBlanc participera également au prochain spectacle caritatif pour le Garage à musique qui se tiendra le 20 novembre en compagnie de Canailles, Le Trouble et July Talk.