Youssoupha / FrancoFolies : La consécration du «rappeur assassin»
FrancoFolies 2015

Youssoupha / FrancoFolies : La consécration du «rappeur assassin»

Sur son percutant quatrième album NGRTD (ou, plus explicitement, Négritude), le maître actuel du rap français Youssoupha tire un trait sur une période de sa vie.

«C’est une boucle qui se termine», explique le rappeur de 35 ans, rejoint par téléphone. «Y’a eu des albums plus maladroits, où je me suis cherché… Après ça, y’a eu le succès, puis maintenant, y’a celui-ci, mon plus abouti.»

Officiellement amputé de ses voyelles dans tout le traitement médiatique, le titre est pour le moins frappant. Né à Kinshasa d’une mère sénégalaise et d’un père congolais, Youssoupha a grandi en France, influencé par la culture hip-hop afro-américaine. La «négritude» prend racine là. «C’est avant tout une affirmation identitaire. Il n’y a aucune volonté de provoquer là-dedans», précise-t-il. «J’ai l’impression que mon parcours africain, c’est ce que les gens apprécient chez moi. C’est l’identité qui représente le plus mes textes et ma musique, et c’est elle que je voulais mettre en valeur.»

Teinté de folk et de rumba congolaise, l’album, paru en mai dernier, aborde notamment la mort, le «vivre ensemble» français et l’amour que son créateur voue aux légendes du rap. «Je m’inspire autant des faits d’actualité que de ma vie personnelle», indique-t-il. «Même quand je fais le portrait d’ensemble d’une situation, j’essaie de le faire à travers mon expérience intime.»

Malgré tout, le rappeur se défend d’être un quelconque porte-parole: «Ma parole est engagée, mais elle l’est avec ses erreurs, ses contradictions et, même, ses doutes. S’il y a des gens qui se reconnaissent à travers elle, tant mieux, mais mon but est, avant toute chose, de composer de belles chansons.»

Objectif louable, sans doute. Sur une scène hip-hop française qui peine à renouveler ses légendes, Youssoupha s’impose comme un modèle à suivre. Après tout, il est l’un des seuls à faire l’unanimité sur tous les fronts. «Je suis vraiment heureux de ce qui m’arrive, je ne vais pas mentir», admet-il. «J’ai eu des albums qui ont été à la fois des succès critiques et populaires. C’est assez rare de nos jours.»

Au-delà des menaces de mort

Pourtant, la route était loin d’être tracée d’avance pour le rappeur qui, jadis, a nagé en pleine controverse. Parue en 2009, sa chanson À force de le dire avait été au cœur d’une saga judiciaire. «Chaque fois que ça pète, on dit qu’c’est nous / J’mets un billet sur la tête de celui qui fera taire ce con d’Éric Zemmour», avait notamment envoyé Youssoupha, en pointant du doigt le chroniqueur et polémiste polarisant.

Choqué, le principal intéressé avait alors déposé une plainte pour menaces de crime et injure publique. Trois ans plus tard, la cour d’appel tranchait en faveur du rappeur, qui dit maintenant voir du positif émaner de cette histoire. «J’ai été dépeint comme un tueur. On m’appelait le rappeur assassin», se souvient-il, non sans émotion. «J’ai dû faire pas mal de choses pour que mon image authentique se rétablisse. Il a fallu que je montre à tout le monde que j’étais un artiste avec de bonnes intentions. C’est seulement à partir de là que j’ai été connu pour les bonnes raisons.»

À travers toute cette histoire, Youssoupha a pu constater les préjugés qui continuent d’altérer la vision de plusieurs Français sur la culture hip-hop.  «Il y a une bonne partie de la France qui ne nous connaît pas et qui nous juge trop vite», croit-il. «Collectivement, on a encore beaucoup de travail à faire sur la perception qu’ont les gens des rappeurs, des jeunes Noirs, des banlieusards… bref, de la culture urbaine de manière générale.»

Et il va sans dire que Youssoupha fait ce qu’il peut pour l’améliorer, cette perception.

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En spectacle aux FrancoFolies le samedi 13 juin à 21h au Métropolis (avec Bigflo & Oli)

francofolies.com

 

[Avec la collaboration de Youness Elhariri]