Vic Vogel / FIJM : Le chef quitte la scène
Festival international de jazz de Montréal 2015

Vic Vogel / FIJM : Le chef quitte la scène

Vic Vogel, le recordman du jazz montréalais, tire sa révérence en plein festival. Trop tôt?

NOTE DU FIJM: **C’est avec une grande tristesse que les organisateurs du Festival International de Jazz de Montréal ont appris que l’état de santé de Vic Vogel l’empêchait de participer à son concert d’adieu. Déjà très atteint par la maladie, le pianiste et chef d’orchestre montréalais s’est en effet vu interdire tout déplacement par son médecin et c’est le cœur déchiré qu’il a dû prendre la décision d’annuler sa présence à son concert. Néanmoins, dans le but de rendre un vibrant hommage à l’icône de notre jazz et grand ami du Festival qui a participé à 35 éditions de l’événement — un exploit unique dans les annales de tous les événements majeurs confondus ! —,  le Festival a eu l’idée d’inviter tous les artistes de ce concert, le Jazz Big Band et des invités spéciaux, dont Oliver Jones, Lorraine Desmarais, Rafael Zaldivar et Geoff Lapp, à se produire pour un concert unique pour témoigner de notre affection et saluer bien bas le grand Vic. C’est donc un rendez-vous en émotions le mardi 30 juin, 20 h, toujours au Théâtre Maisonneuve de la PdA.**

Il y a beaucoup à voir au Festival de jazz, cette année encore. Mais parmi les 150 concerts en salle, il y en a un qui revêt une importance particulière. Le 30 juin, sur le coup de 20 heures, le grand Vic Vogel va peut-être diriger son insubmersible Jazz Big Band pour la dernière fois. «On verra, me lâche-t-il au bout du fil, avec un mélange de malice et de lassitude. Qui sait? Tu vas te coucher le soir et tu ne te réveilles juste pas. Ainsi va la vie.»

On a du mal à croire que ces paroles fatalistes viennent du chef d’orchestre spectaculaire et sanguin, craint et respecté, un homme considéré comme un colosse invincible, voire une force de la nature. Vogel est né à Montréal sous le signe du Lion. Il aura 80 ans au début du mois d’août. Il a commencé dans les clubs alors qu’il n’était qu’un adolescent.

«Il y avait 150 boîtes de nuit sur l’île de Montréal. Chacune avait son groupe, un trio, un quartette, un ensemble. Aujourd’hui, il y a des machines…» Ouch, le sarcasme! Il semble moins se souvenir de l’été 1979… Pourtant, à la première édition du FIJM, Vogel était une star. Après avoir composé et dirigé la musique de Terre des Hommes et des Jeux olympiques, il avait conquis le cœur des rockers. C’était l’époque de l’épisode Offenbach en fusion, immortalisé par l’enregistrement du disque mythique au Théâtre St-Denis.

Un musicien inspirant, avec un legs, un héritage: «Mon expérience prouve simplement que tout est possible, que vous pouvez tout faire. Regardez: j’ai appris la musique tout seul, sans aller à l’école, et je suis arrivé jusque-là». Toute une carrière, en effet!

Au piano, au trombone, au tuba ou en faisant voltiger sa baguette, Vogel a joué avec Zoot Sims, Dizzy Gillespie, Maynard Ferguson, Cannonball Adderley et d’autres géants encore. Certainement, après la disparition de Charles Biddle et celle d’Oscar Peterson, Vogel, docteur honorifique de l’Université Concordia, demeure, avec Oliver Jones, l’incarnation du jazz dans la cité. C’est pas compliqué: il a participé à 34 des 35 éditions du plus gros festival de jazz au pays. Mais il se défend d’avoir pratiqué là un acharnement par pur orgueil. «C’est un hasard, lâche-t-il, trop modeste. On était disponibles et je voulais faire travailler les gars. Ce sont eux, ma famille, vous savez.» Là, on sent sa voix flancher.

Une famille de 17 membres, dont 14 cuivres rutilants. La crème de la crème, chacun le meilleur en ville sur son instrument. Le Jazz Big Band attend son chef. 

— La charge émotionnelle risque d’être très forte, vous savez?

— Je sais, me dit-il avec le motton dans la gorge. On verra… 

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Au Théâtre Maisonneuve le 30 juin à 20h, dans le cadre du Festival international de jazz de Montréal // montrealjazzfest.com