Peter Henry Phillips : Être en feu
Musique

Peter Henry Phillips : Être en feu

Pierre-Philippe Côté raconte comment Peter Henry Phillips est, en quelque sorte, né dans le feu. The Origin, son premier album, rayonne d’un éclatant amour, presque trop grand, pour la beauté de la vie.

Pierre-Philippe Côté a failli mourir brûlé. Almost Died, le gars, pour reprendre le titre d’une des chansons les plus troublantes de The Origin, premier album que le musicien bien connu fait paraître sous l’égide de Peter Henry Phillips, nom qu’il faudrait moins envisager comme un pseudonyme que comme un masque enfilé pour mieux et davantage se révéler.

«Ah, man, faut pas raconter ça! Ma mère n’est tellement pas fière», lance-t-il au sujet du brasier qui a failli le cuire tout rond. Allez, allez, raconte quand même Pilou, ne serait-ce que pour mettre en garde la jeunesse à l’écoute.

«On avait fait un feu chez nous, un gros feu de 18 pieds de haut et je mettais du gaz dedans depuis, combien de temps, une heure peut-être? Ça faisait des grosses boules et je tripais ben raide. Mais, à un moment donné, le gaz est revenu sur moi et je me suis transformé en torche humaine. Il y avait un mètre de circonférence de feu autour de moi. Mon ami Cobra, avec qui j’étais, capotait. Je voyais du feu qui sortait de ma face, de mes yeux. Ça fait déjà un petit bout de ça, mais en mai dernier, il était peut-être une heure du matin et je suis sorti du studio pour aller m’asseoir autour du même feu, qui était pas mal moins grand cette fois-là, et tout ça m’est revenu. C’est là que j’ai écrit Almost Died

Répétons-le, ne serait-ce que pour l’effet dramatique: Pierre-Philippe Côté a failli mourir. C’est donc dire qu’il a failli quitter cette planète sans avoir enregistré l’album que le Québec musique n’attendait plus tant il l’avait attendu longtemps.

Installé depuis quatre ans au bout d’un petit rang sinueux de Saint-Adrien en Estrie, près de sa ville natale d’Asbestos, celui que sa mère surnommait enfant Pilou avait au cours de la dernière décennie beaucoup, beaucoup bourlingué, accompagnant sur scène Ariane Moffatt, Navet Confit, Lewis Furey, Jorane, prêtant ses cordes vocales à Champion, et officiant derrière la console en tant que réalisateur pour Philippe Brach, David Giguère et Ines Talbi. Les artistes de Montréal désirant se soustraire au tumutle de la ville et au WI-FI mur à mur se relaient nombreux à Saint-Ad’, dans son studio baptisé Le Nid. Monsieur ben occupé, pas besoin de la préciser.

«C’est drôle parce que, dans le communiqué qui annonce la parution de l’album, c’est écrit que j’ai travaillé cinq ans sur The Origin. Philippe Brach a très bien résumé l’ironie de cette affirmation-là sur Facebook. Philippe a écrit quelque chose comme: « Le communiqué dit que ça fait maintenant cinq ans que Pilou travaille sur son projet. Ah ben moi, j’avais lu que ça fait maintenant cinq ans que Pilou travaille sur les projets des autres au lieu de travailler sur son projet à lui. »»

La réalité se trouve quelque part entre les deux. Oui, Pierre-Philippe Côté trimballe depuis le secondaire un cartable de chansons assez épais «pour fournir 150 albums.» Mais ce n’est qu’en avril dernier qu’il bloquait enfin du temps dans son horaire de Premier ministre pour, comment dire, s’occuper de lui? T’attendais quoi, au juste, Pilou? T’avais peur?

«Je ne dirais pas que j’avais peur. Si je n’avais pas construit ma maison et mon studio ici à Saint-Adrien il y quatre ans, j’aurais peut-être fait mon album à la place. À chaque mois, je me disais: « Bon, la semaine prochaine, je prends une semaine pour commencer mon album », mais là, t’as Denys Arcand qui t’appelle pour te demander [Pilou imite la voix grave, très cours classique, du cinéaste]: « Pierre-Philippe, veux-tu faire la musique de mon film? » Il y aussi que lorsque t’es enfermé dans le studio à réaliser les albums des autres pendant trois mois et que tu as une semaine de break, t’as plus le goût de jouer au Sega Genesis qu’autre chose.»

«I need a (Sleeman) light»

Et s’il s’agissait d’une bonne chose que Pilou ait attendu aussi longtemps? Alors qu’une bonne partie des contemporains de Peter Henry Phillips remontent leurs meilleurs refrains des profondeurs de leurs âmes assombries, la folk-pop de The Origin rayonne de toutes parts d’une solaire sérénité, d’une sorte d’apaisement que l’on associerait spontanément à un âge plus avancé de la vie.

Il y aurait tout un jeu d’alcool à inventer autour du nombre d’occurrences du mot «light» qui ponctuent l’album. «C’est drôle, parce que dans le studio, suffisait de crier « I need a light » [phrase leimotiv de I Wanna Go] pour que mon assistant me lançe des Sleeman Light», blague Pilou, avant de poursuivre sur un ton plus sérieux.

«L’apaisement dont tu parles, je pense que c’est la campagne. Quand j’ai décidé de m’enfuir du vilain monde de Montréal, ça a vraiment créé quelque chose de l’fun dans mon cerveau. Je suis une bibitte sociale, mais j’ai quand même besoin d’être tout seul parfois, et je ne me suis pas souvent permis d’être tout seul pendant 10 ans. J’étais toujours sur la go et j’ai toujours travaillé pour les autres. Là, j’ai décidé de travailler pour moi.»

Les moments les plus forts de The Origin surgissent néanmoins lorsque la voix de PHP se couvre d’un voile de crainte, celle que tout ce bonheur s’envole un jour. Rien de plus puissant que de l’entendre dans Hold That implorer sa douce de ne pas prononcer, pendant une dispute, de ces mots lourds qui pourraient indélébilement ternir leurs cœurs. Je veux être avec toi dans 20 ans, dans 30 ans, lui répète-il. C’est intense, ça, mon cher?

«C’est parce que je suis intense! On a tous des petits moments de crise avec nos concubins-concubines, et on a tous vécu ce genre de moment où quelqu’un lance une phrase-choc précisément quand la chicane allait s’apaiser, des phrases qu’on pardonne, mais qu’on n’oublie pas. Ce que cette chanson-là dit, c’est qu’il faut prendre soin de la beauté qu’on a entre les mains.»

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Peter Henry Phillips (Coyote Records), disponible maintenant

Lancement au Centre Phi à Montréal le 11 septembre

Le 4 octobre à l’Astral en première partie de Patty Griffin