Catherine Major : Chronique d'une mère très digne
Musique

Catherine Major : Chronique d’une mère très digne

Catherine Major raconte dans La maison du monde l’espoir d’une amoureuse et d’une mère qui ne souhaite rien d’autre que, par-delà les tracas et les joies, son bonheur ne s’étiole pas sous les assauts du temps. 

L’anecdote n’en serait qu’une si La maison du monde, quatrième album de Catherine Major, ne laissait pas autant la parole à la mère de famille qu’est aussi la créatrice. Mardi matin, nous lui passons un coup de fil afin de discuter, tel que convenu, du disque, mais aboutissons dans sa boîte vocale. Elle nous rappellera une heure plus tard, en se confondant en excuses, pour convenir d’un nouveau rendez-vous.

Pourquoi avait-elle dû nous faire faux bond? «Ma plus grande, qui a six ans, s’est coincée le doigt dans une porte à l’école, explique-t-elle. Il n’y a pas de fracture, mais le doigt est devenu plat, plat, puis il a quadruplé de grosseur. Elle a failli le perdre. Tout va bien maintenant. »

L’incident – heureusement plus mineur que majeur – pourrait être ajouté à la liste des «tracas» qu’évoque Nos délicats, douce berceuse murmurée dans l’intimité de la chambre à coucher pour ne jamais oublier à quel point tout ça – l’amour, la famille – est précieux. C’est Moran, le chum de Catherine, qui signe le texte émouvant, parce que sans fard, de cette tendre chanson pour durer toujours, dans laquelle sa blonde se révèle comme elle l’a rarement osé. Elle aura désormais son On va s’aimer encore à elle.

«Ça parle de ce qu’on a vit lorsqu’on est amoureux et qu’on a à partager le quotidien. Plus on avance, plus il y a de bagage à transporter, mais malgré les tracas, malgré ces choses qui dorment dans les tiroirs et qu’il ne faut pas trop ouvrir, malgré tout, je veux rester, parce que ce qu’on a ensemble, c’est ce qui tient tout le reste. Il n’y a pas de relation amoureuse sans dégât, mais au bout du compte, la chanson dit: « Si tu t’en vas, ça ne marchera pas. »»

La beauté du monde

«Tu verras la beauté, tu pourras la chanter», assure Catherine à sa fille Margot dans Pupille, l’autre pièce résolument folk de cet album qu’elle voulait moins pianistique, bien qu’elle compose toujours derrière les ivoires.

Est-ce un prérequis que de savoir voir la beauté, pour fabriquer des chansons qui remueront ceux à qui elles se destinent?

«Il faut être très ouvert aux belles choses, oui. Il faut être extrêmement sensible au beau comme au laid, pour vraiment vibrer. C’est ça, le prérequis. Je suis quelqu’un qui vit tout de façon très entière. J’ai besoin de vivre des choses super puissantes, comme accoucher, avoir des enfants, avoir peur de les perdre, avoir peur qu’il se fasse mal, ou des choses plus tristes, comme la fausse couche dont parle la première chanson de l’album [La luciole]. J’ai eu besoin de panser ma douleur de cette manière-là, en faisant une chanson. C’est complètement fou, mais je dois traverser des choses intenses comme celle-là pour être capable de chanter.»

C’est la vie dans tous ses états, celle qui naît ou qui se termine avant même d’avoir commencé, que raconte La maison du monde, titre en forme d’hommage à ce ventre dans lequel tout le monde a déjà séjourné pendant plus ou moins neuf mois. Logique donc qu’il soit peuplé d’enfants, ce disque. De ceux de Catherine, bien sûr, mais aussi de ceux qui, comme cette Callista à qui elle dédit la chanson du même titre, ont trop rapidement été privés de leur insouciance.

«Ça m’a vraiment ébranlée, je l’ai pris personnel, cette injustice-là», se souvient-elle au sujet de la gamine en rémission d’une leucémie, avec qui sa fille jouait dans la ruelle. «La force avec laquelle les enfants surmontent des épreuves en apparence insurmontables m’impressionne beaucoup. Ce sont des êtres beaucoup plus intelligents que nous, les adultes. Ils ont une intelligence que nous avons perdue en viellissant.»

Parce qu’il s’agit, dit-on, d’un ingrédient capital lorsque vient le temps de faire des bébés, il y aussi beaucoup de désir sur cet album. Catherine Major ne chante-t-elle pas dans Vivante, en mordant dans les mots de sa parolière de mère Jacinthe Dompierre, avoir «envie d’être chaude comme une journée d’été, rousse de feuilles d’automne, fraîche comme le vent»?

«C’est important, le désir, oui, même pour ceux qui ne veulent pas d’enfant!»

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La maison du monde de Catherine Major (Spectra Musique), disponible le 18 septembre;

Lancement le 23 septembre à 17h au Théâtre Plaza

catherinemajor.com