Enregistrement du nouvel album au Centre Phi : Entrevue avec les Dead Obies: Place à la musique
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Enregistrement du nouvel album au Centre Phi : Entrevue avec les Dead Obies: Place à la musique

Les Dead Obies sont fébriles. Mercredi dernier, les membres du collectif hip-hop en étaient à leur quatrième répétition en vue de trois spectacles bien spéciaux la semaine prochaine au Centre Phi. Entourés de musiciens de Kalmunity, ils y enregistreront devant public leur prochain album. On en a discuté autour d’une bière.

«Ce qu’il faut comprendre, c’est qu’on ne prend pas le spectacle pour le mettre sur un CD, précise Yes Mccan. Normalement, on fonctionne avec de l’échantillonage pour faire les albums, comme pour Montreal $ud où l’on en avait une soixantaine. Là, c’est vraiment plus composé et on se donne de l’échantillonage en faisant ces shows-là. Ce sera un album fait en studio, mais on amàne les textures live. L’intérêt qu’on avait aussi, c’est qu’on se faisait tout le temps dire: «eille, j’ai écouté l’album, j’ai aimé ça pis je suis allé au show et tabarnak! Là j’ai compris!» La force des cinq voix, le dynamisme du groupe, dans l’environnement aseptisé du studio, ça ne se rend pas tout le temps bien.»

«C’est la première fois qu’on met sur pied un vrai spectacle de Dead Obies, poursuit-il. Avant, on était toujours limités par les moyens, mais là puisque c’est l’enregistrement de l’album, on peut mettre le budget de l’album là-dessus et donc on a des collaborateurs qui viennent enrichir le show, avec de l’immersion multimédia.»

Les collabos, c’est deux chanteuses ainsi que quatre membres de Kalmunity, un collectif de musiciens incroyables mais assez méconnus qui sont entre autres les hôtes de soirées d’improvisation musicale depuis plusieurs années. On a assisté à la fin d’une répétition il y a quelques jours et la chimie opère très bien entre les MC, le DJ et les musiciens. L’ajout de la basse, de la batterie et des claviers aux beats et aux mots assassins des Dead Obies devrait rendre l’énergie des spectacles davantage survoltée.

«C’est malade d’avoir l’opportunité de travailler avec eux. Je les admire, avoue 20some, qui dit avoir connu Kalmunity avant même de faire carrière dans le rap. Je trouve ça cool de se lancer là-dedans avec ce band-là en particulier, c’est du monde vraiment solide.»

Les 10 prochains jours seront intenses puisque tout ce beau monde doit monter le spectacle autour des démos des 15 chansons de l’album. Mais la confiance règne. «Ils ont vraiment un esprit pour imiter le style de production, comme si c’était un DJ qui jouait, dit Yes Mccan des musiciens de Kalmunity. Souvent, quand tu vas aller voir un rapper en formule band, ça va rendre tout carré, le drummer est plus souvent d’un background de rock. Donc la musique va devenir plus lourde mais tu vas perdre tout le swing spécial d’une production hip-hop, tandis que là, on est vraiment dans la finesse de respecter les productions musicales et les enrichir.»

Le beatmaker VNCE ajoute: «Le band a fait de nombreux «revival» de hip-hop. C’était des soirées où ils reprenaient De La Soul, J Dilla, A Tribe Called Quest, par exemple. Les musiciens faisaient des shows en retenant des pièces intrumentales et c’était surprenant de voir à quel point ils étaient capable de recréer tout ça. T’avais l’impression d’entendre les beats originaux mais c’était en live

En écoutant les quatre nouvelles chansons de Dead Obies dévoilées cet été, on sent que le groupe est un peu plus sérieux, mature. Si c’est surtout la forte unité qui lie les membres du groupe qu’on entend au coeur de la pièce Moi pis mes homies, les Dead Obies se montrent plus vulnérables sur Oh LordWe made it mais moi j’travaille still salaire minimum», rappe Snail Kid. Alors que B.E.A.R. nous confirme que le prochain album est plus émotionnel et sincère, RCA explique que «ça parle de se donner en spectacle beaucoup, mais y’a une grosse partie aussi qui est de laisser tomber les masques».

«Notre premier album parle d’où on vient et là c’est plus où on est, précice 20some. Et notre vie à chacun de nous a un peu changé et c’est rendu de faire des shows. On avait cette volonté-là de transmettre l’énergie du show dans la musique. On s’est mis à penser que, justement, un spectacle c’est un beau noyau sur lequel construire.»

Avec ces trois spectacles d’enregistrements, l’intention est donc de renverser la machine: faire la musique live en premier et prendre les enregistrements pour en faire un disque.

«Y’a une grosse réflexion sur la démarche qui a été inspirée par La société du spectacle de Guy Debord. Il y a cette notion où le spectacle est l’analogie ultime, la métaphore ultime pour les rapports entre les humains – la séparation entre la personne qui se donne en spectacle et le spectateur, le produit culturel, la vedette comme justification du spectacle, etc., explique Yes Mccan. Ça va loin, mais sur l’album, les chansons sont dégagées. Montréal $ud pouvait être lourd, dark, le propos était chargé; là, les chansons sont pour faire la fête, pour se rassembler et c’est la structure, la façon de faire les choses qui donne la lecture de l’album.»

Finalement, lorsqu’on demande aux Obies si le chapitre «franglais» est définitivement derrière eux, on aborde tout d’abord la question en rigolant: «Mais le prochain album est tout en espagnol, hein?!», lance RCA. Plus sérieusement, Yes Mccan, auteur de la missive sur voir.ca qui avait clôt la discussion avec des chroniqueurs qui critiquaient la langue utilisée par les Dead Obies sans considérer le contexte rap de l’oeuvre du groupe, élabore: «Un truc, c’est que les critiques qui participent à cette culture-là, souvent, leur médium c’est le texte. Donc ce qu’ils voient et ce qu’ils entendent et voient en premier c’est le texte. Mais c’est la musique en premier parce c’est ça qui fait vraiment tout le contexte… Mettons Richard Desjardins qui chante «T’es tellement, tellement belle»… Quand Le Volume était au maximum fais une chanson pop-rock – Tu es belle – avec le même texte, ç’a a zéro la même signification. Y’en a une des chansons qui est ironique, mais le texte est le même. Je trouve que les journalistes ont souvent été obsédés par les textes et au cours des deux années depuis la sortie de l’album, on n’a parlé que des textes pis on se ramasse à être dans The Guardian et on ne parle pas de le musique, on parle des textes. C’est venu un peu dans le chemin.»

Place à la musique au Centre Phi les 14, 15 et 16 octobre. Détails au deadobies.com