Monk.E : La tête dure du hip-hop québécois
Musique

Monk.E : La tête dure du hip-hop québécois

Figure de proue de la scène hip-hop underground montréalaise, reconnue à l’international mais encore méconnue dans sa propre province, Monk.E tourne la page sur une décennie de musique.

Il aura fallu une décennie à Monk.E pour commencer à être reconnu par ce qu’il appelle judicieusement «l’élite musicale québécoise». Pour la toute première fois de sa carrière, le rappeur et peintre montréalais (également membre du collectif K6A) a été invité à prendre part aux FrancoFolies en solo, plus tôt cette année. Il s’attaque maintenant à un autre défi de taille: celui de souligner les 10 ans de la parution de son premier effort Leurs médiums/Le remédium avec un spectacle d’envergure au Club Soda.

Très ambitieux, le rappeur ne s’en cache pas: il voyait sa carrière sous un autre angle lorsqu’il a débuté. «Je ne suis pas rendu là où je m’imaginais à la base», avoue-t-il, sans amertume. «À l’époque, je croyais que j’allais vivre en Europe et que le marché français allait s’ouvrir à moi. Ce n’est pas du tout ça qui est arrivé.»

En revanche, Monk.E a réalisé un autre rêve, celui de voyager partout à travers le monde grâce à son art. Graffeur encensé et reconnu à travers le monde, également représentant canadien à trois reprises à la prestigieuse finale d’improvisation rap internationale End of the Weak, il fait évoluer ses deux formes d’art avec une énergie créative sans cesse renouvelée. «Y’a 10 ans, je rêvais d’être un artiste international, et maintenant, ça fait partie de mon quotidien», dit-il, emballé. «Je suis resté moi-même à travers mon art, et je crois que les gens le perçoivent. C’est ça dont je suis le plus fier.»

La liberté avant tout

Dans un monde aussi hermétique que le hip-hop québécois, où les succès populaires se font très rares, réussir à tirer son épingle du jeu sur une période de 10 ans relève de l’exploit, et Monk.E en est conscient. «Je pense que j’ai réussi parce que j’ai vraiment la tête dure. Quand j’me fixe une idée, j’m’en fous qu’il y ait des haters, je continue de foncer», indique-t-il.

«Faut dire aussi que je suis un artiste à temps plein et que je ne dépends pas de mes revenus musicaux pour vivre. Si je fais un gros contrat de peinture, par exemple, je peux investir une partie de l’argent dans ma musique. Je ne vis pas la même chose que plein d’autres de mes collègues qui ont dû arrêter le rap à l’approche de la trentaine, en raison du 9 à 5 et de la famille.»

Grâce à cette liberté financière, Monk.E expérimente avec beaucoup d’audace sur ses albums. Joyaux encore trop sous-estimé du hip-hop québécois, Entre Mektoub et autodestruction, le deuxième album du rappeur paru en 2008, en est la preuve la plus probante. S’il apprécie toujours la qualité de cette œuvre, le rappeur est conscient qu’il lui a fait perdre une partie de son public. «J’écoutais énormément de J Dilla à ce moment, et tout ce que je voulais, c’était de proposer quelque chose d’avant-gardiste. Je ne crois pas m’être perdu à travers toutes ces expérimentations-là, mais ça se peut que j’en aie perdu une couple par exemple!» admet-il, en riant.

Rumeurs de secte et retour à la base

À la même époque, l’artiste connaissait également un éveil spirituel. En rejoignant une communauté québécoise qui partageait les valeurs des hébreux israélites, il avait déclaré sa souveraineté en tant qu’individu qui «n’appartenait plus à un pays», renonçant ainsi à son cellulaire, à son compte en banque et à son passeport. «Y’avait des rumeurs comme quoi je venais d’entrer dans une secte. Y’en a même qui pensaient que j’étais devenu crackhead!» se souvient-il.

«Pour moi, la vraie solution, c’est encore la dévotion à la communauté… mais bon, je suis un humain avec ses erreurs et ses beautés, et je n’arrive pas à me sacrifier complètement pour le bien commun. C’est d’ailleurs cette dualité-là qui remplit ma musique.»

En paix avec toute cette période artistique et spirituelle mouvementée, le rappeur regarde maintenant vers l’avenir, sans trop se casser la tête à essayer de se réinventer perpétuellement. Mélange de plusieurs styles de hip-hop, son cinquième album Esclavage, exode et renaissance, paru au printemps dernier, offre un aperçu de sa nouvelle quête musicale.

«On dirait que, maintenant, j’me sens assez unique dans le hip-hop québécois pour simplement faire de la musique conventionnelle et accessible», dit-il. «Au lieu de toujours vouloir me réinventer, je fais la musique que je feel sur le moment.»

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En spectacle au Club Soda le vendredi 9 octobre à 19h au Club Soda