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L’avenir du MAC – Le débat se poursuit

Afin de répliquer à ceux qui ont critiqué le processus qui a prévalu à sa nomination ainsi que les réalisations du Musée d'art contemporain, la nouvelle directrice du MAC, Madame Paulette Gagnon, a envoyé aux médias, il y a quelques jours, une longue lettre explicative.

La réponse ne s'est pas fait attendre. Hier, une autre lettre, signée par Monsieur Laurier Lacroix et Madame Anne-Marie Ninacs (instigateurs du débat), relance la discussion. Afin de permettre aux uns et aux autres de se faire une opinion plus éclairée sur les enjeux de cette affaire, je me permets de publier ces deux lettres.

Rappelons que le MAC organise une rencontre avec le public le mercredi 21 octobre à 19h. Madame Gagnon y dévoilera les grandes orientations de son mandat. Le public est invité à venir dialoguer sur le sujet.

Les adversaires à son projet organisent, le vendredi 13 novembre de 9h à 17h, une journée d'étude intitulée « Le MACM em question ». Cela se passera à la SAT – Société des arts technologiques www.sat.qc.ca

 

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Musée d’art contemporain


 

« Que ceux tentés par l’aventure se joignent à nous » Paul-Émile Borduas, Refus global

Paulette Gagnon


Directrice du Musée d’art contemporain depuis le 15 juin 2009, auparavant conservatrice en chef depuis 1992, responsable de la Direction artistique et éducative

Au cours des dernières semaines, le Musée d’art contemporain a été pris à partie à quelques reprises dans les médias, par des intervenants du milieu des arts visuels, dénonçant le processus de nomination et la gouvernance du Musée et revendiquant une refonte en profondeur de l’institution, moins de trois semaines après ma nomination comme nouvelle directrice du Musée. Le président du Conseil d’administration, monsieur Marc DeSerres a fait état du processus de nomination et la ministre de la Culture, des Communications et de la Condition féminine, madame Christine Saint-Pierre, a réitéré sa confiance au CA et au Musée.
L’art dans son essence est en soi création, remise en question, confrontation, risque et ouverture. C’est le défi au quotidien des artistes et des intervenants du milieu où tous sont passionnés, exigeants et parfois revendicateurs dans leurs démarches.
Aussi, les remises en question et la récente polémique sont les bienvenues à condition qu’elles apportent un débat constructif sur les perspectives d’avenir du Musée en tenant compte du passé, de ses réalisations, de son mandat, de ses ressources humaines et financières. À ce titre, la lettre de monsieur Maurice Forget, qui connaît le Musée de l’intérieur, est éclairante. Oui, le Musée pourrait faire plus, mais il a également besoin d’un solide levier financier et, pour ce faire, d’appuis publics et politiques. Nous sommes souvent comparés au Musée des beaux-arts de Montréal, mais nous sommes loin d’avoir des ressources financières et humaines similaires.
Dès sa fondation en 1964, le Musée s’est donné pour  mandat la démocratisation de la culture et du savoir. Nous célébrons cette année son 45e anniversaire et nous avons la volonté de faire du Musée une institution ancrée dans le XXIe siècle. Notre mission a toujours été d’acquérir, de conserver et de diffuser l’art québécois contemporain et d’assurer une présence de l’art contemporain international par des acquisitions, des expositions et d’autres activités du Musée. Ma vision repose sur ces fondements réactualisés : collectionner, développer le savoir, diffuser, éduquer, communiquer et administrer.
Ainsi, nous avons offert, au cours des dix dernières années, des expositions d’envergure, courues par le public et acclamées par la critique: Shirin Neshat, Jeff Wall, Charles Gagnon, Michel Goulet, Dominique Blain, Anselm Kiefer, Claude Tousignant, etc. (Ces artistes, qui ont exposé partout à travers le monde, nous témoignent de l’expérience exceptionnelle vécue au Musée à tous les niveaux.) Nous avons acquis une centaine d’œuvres par année et avons sollicité annuellement près de 2 millions en dons d’œuvres. Nous avons donné une plate-forme internationale aux artistes d’ici en mettant sur pied La Triennale québécoise, en présentant Jana Sterbak à la Biennale de Venise, en diffusant plus de 38 expositions itinérantes au Québec, au Canada et à l’étranger (depuis 1992) et en éditant, entre autres, une série de monographies d’artistes québécois tels Jérôme Fortin, Sylvie Bouchard, Nicolas Baier, Pascal Grandmaison, Jean-Pierre Gauthier, Yannick Pouliot (nos publications sont distribuées internationalement). Toutes ces activités se sont déroulées, rappelons-le, en dix ans seulement, sans parler des expositions que nous avons organisées avec des musées régionaux, des prêts d’œuvres, etc.
Nous avons ouvert nos portes à de nouveaux publics avec la série Projections, dédiée aux films et vidéos d’artistes, et avec les Nocturnes tournées vers les créateurs en musique et en arts visuels. Ces soirées font salle comble tous les premiers vendredis soir du mois. Nous avons véritablement créé l’événement avec des projets comme Spencer Tunick,  Artcité, Sympathy for the Devil.
Nos services éducatifs affichent complet dès la rentrée d’automne, nos camps de jour se sont mérité pas moins de trois prix depuis leur création. Nos colloques internationaux Max et Iris Stern sont des références dans le milieu, le site de la Médiathèque a été acclamé par le journal Le Monde comme l’un des 100 meilleurs sites Internet à travers le monde,   toutes catégories confondues. Chaque année nous collaborons avec des événements prestigieux comme le Festival Montréal en lumière avec la Nuit blanche, le Festival international du film sur l’art, le Festival international de jazz de Montréal, la Journée des musées, les Journées de la Culture, etc.
Enfin et non le moindre, notre fréquentation est à la hausse, dépassant les 204 000 visiteurs par année (la Nuit blanche à elle seule a attiré 13 000 visiteurs l’hiver dernier plaçant le Musée au deuxième rang des lieux les plus fréquentés), le site Internet de la médiathèque attirent 354 000 visiteurs par année et, avec le site Internet corporatif, c’est plus de 609 000 visiteurs virtuels qui découvrent le Musée et surtout l’art contemporain.
Je compte finaliser le plan stratégique du Musée, en tenant compte des orientations ministérielles, et ce avec :
–   le Conseil d’administration et le personnel du Musée, personnel qualifié et issu des programmes de muséologie  et d’histoire de l’art d’ici;
–   les collaborateurs de tous horizons (arts visuels, culturels, politiques et touristiques) avec qui j’ai entamé une tournée de consultation publique sur l’avenir du Musée;
–  le public, invité à soumettre toute suggestion en regard du développement du Musée à « [email protected] »

Un groupe de signataires, dirigé par Laurier Lacroix et Anne-Marie Ninacs, aurait voulu organiser une journée d’études avec nous. Ils véhiculent que nous avons refusé leur invitation. C’est faux. Même s’ils nous ont apostrophés en copie conforme dans les médias sans d’abord nous contacter, nous leur avons tendu la main et les avons invités à nous rencontrer, deux fois plutôt qu’une, pour un dialogue en face à face. Nous étions d’accord pour organiser cette journée avec eux et leur avons proposé, par éthique, de nous adjoindre un médiateur en la Société des musées québécois. (Nous ne pouvons pas, de part et d’autre, être juge et partie dans ce dossier, d’autant plus que de nombreux intérêts personnels et professionnels sont en jeu.) Ils ont refusé notre proposition, exigeant qu’il n’y ait pas d’autres intervenants et, dans ces conditions, nous ne pouvions accepter. Je déplore sincèrement cette situation. Néanmoins, nous les avons invités à soumettre leurs recommandations dans un esprit constructif et positif. Leur dernier communiqué du 22 septembre 2009 ne l’est pas et dénonce « des décennies de piètres résultats du Musée en matière de diffusion de l’art et de l’inscription dans un projet de société ». Nous avons reçu de nombreux témoignages positifs au sujet de notre programmation, de nos activités. Certes, nous avons encore beaucoup à faire, mais nous avons besoin que tout le milieu engage une réflexion à propos de la diffusion de l’art contemporain qui n’est pas l’apanage seulement du Musée d’art contemporain de Montréal.
Avec le Conseil d’administration, nous pouvons déjà annoncer des actions en cours de réalisation. Le nouveau comité de programmation tiendra une première réunion sous peu; des représentants du milieu y siègeront. Le service de développement et de financement élabore actuellement une campagne annuelle de collecte de fonds et épaule les activités de la Fondation déjà existante. Au niveau de la conservation, nous sommes à pourvoir le poste de conservateur en chef avec qui nous élaborerons le plan triennal de programmation. Des commissaires invités se joindront ponctuellement à l’équipe permanente et nous désirons poursuivre des partenariats d’expositions et de publications.  Nous inviterons aussi des spécialistes du milieu de l’art contemporain et de la culture à échanger lors d’une nouvelle série de rencontres intitulées Conversations; pour la première rencontre, j’invite le public à venir parler des orientations du Musée le 21 octobre prochain à 19 h. Nous préparons présentement, avec la collaboration de l’Université Concordia, un important colloque international sur la thématique Art et religion pour le printemps prochain. Nous présenterons à l’été une exposition sur la thématique du verre dans le cadre de l’événement Montréal, ville de verre 2010 auquel prendront part musées et galeries. Nous préparons la Triennale 2011, des expositions individuelles d’artistes québécois comme Etienne Zack, David K. Ross, une grande exposition dédié à Paul-Émile Borduas pour marquer le 50e anniversaire de la mort d’un des artistes les plus importants de l’histoire de l’art canadien et l’un des fondateurs de la modernité au Québec.
J’ai la ferme conviction qu’avec l’appui des artistes et des professionnels du milieu, de même qu’avec l’appui du public et des gouvernements nous travaillerons « pour la suite du monde » selon l’expression consacrée de Pierre Perreault. À l’instar de Paul-Émile Borduas, je vous lance une invitation : « Que ceux tentés par l’aventure se joignent à nous ».

 

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Montréal, le 5 octobre 2009

JOURNÉE D’ÉTUDE « LE MACM EN QUESTION »
De quoi le Musée d’art contemporain a-t-il peur ?

Laurier Lacroix
professeur associé d’histoire de l’art et de muséologie à l’UQÀM, prix Gérard-Morisset 2008

Anne-Marie Ninacs
commissaire et chercheure indépendante, doctorante en histoire de l’art à l’Université de Montréal, auparavant conservatrice de l’art actuel au Musée national des beaux-arts du Québec

Le 9 septembre dernier, nous avons, au nom de 115 acteurs de la communauté des arts visuels,confirmé à la directrice du Musée d’art contemporain de Montréal, madame Paulette Gagnon, notre désir d’organiser une Journée d’étude concernant le MACM « avec la participation à définir du Musée et sans l’intermédiaire d’un autre organisme ». Cette invitation, que nous avions annoncée dès le mois de juillet, a été rejetée sans autre discussion par l’institution, qui dit ne pouvoir s’y présenter sans l’arbitrage de la Société des musées québécois. « Nous ne pouvons pas, de part et d’autre, être juges et parties dans ce dossier », expliquait madame Gagnon dans une lettre récente (Le Devoir, 30 septembre 2009), comme s’il s’agissait d’un procès alors que nous appelons un dialogue. C’est d’ailleurs afin de ne pas annuler la possibilité de ce débat que nous renonçons à relever les autres erreurs et la désinformation transmises dans cet envoi récent comme dans d’autres communications du Musée. Cette façon qu’a le MACM de faire la sourde oreille aux interrogations d’une large part de la communauté artistique est très regrettable puisqu’elle reconduit, une fois de plus, un manque d’écoute constaté à d’innombrables occasions au cours des trente dernières années par les forces vives qui, tous les jours au Québec, produisent l’art contemporain, le soutiennent, le pensent, l’enseignent et inventent sa mise en exposition, sa diffusion et ses multiples médiations. Pourquoi une discussion simple et directe n’était-elle pas possible ? Dans le cadre de notre proposition, les représentants du Musée sont invités à occuper l’espace qu’ils désirent, en prenant la parole ou en assistant à la Journée d’étude à titre de simples auditeurs. De quoi le MACM a-t-il si peur ? D’entendre des questions exigeantes ? De s’exposer à des vues stimulantes ? La Journée d’étude « Le MACM en question », que nous tiendrons le vendredi 13 novembre prochain à la Société des arts technologiques, se veut une plate-forme d’échange plurielle et rassembleuse. Tous les individus intéressés par l’art contemporain et les musées, ainsi que tous les organismes représentant le milieu culturel, sont conviés à venir y prendre la parole. Nous espérons toujours que le Musée s’y joigne. Les thèmes qui y seront abordés ont à voir avec la philosophie de l’institution, car ce n’est pas tant ce que le MACM fait, ni son budget, ni sa taille qui posent problème à nos yeux (même si nous souhaitons leur bonification), que ce qu’il pourrait mieux faire avec l’équipe en place, les ressources qui sont déjà les siennes et sa communauté. Comment ? En mettant au cœur de tous ses gestes un meilleur esprit de collaboration et de l’ouverture dans la constitution de ses réseaux, plus d’invention et de créativité, une recherche soutenue et une interprétation plus pertinente des contenus présentés, des coproductions stratégiques et des communications à longue portée, toutes choses désormais vitales à la croissance et au rayonnement d’une grande institution. Si nous sommes conscients que tout n’est pas parfait dans le reste du réseau des arts visuels québécois, l’heure est au débat sur cette société d’État qui se doit de donner le pas. Nous sommes nombreux à souhaiter pour le Québec un musée d’art contemporain qui ne se contente pas de bien fonctionner, mais qui nous inspire en s’offrant lui-même comme un modèle d’audace, d’excellence et de créativité sachant mettre à profit les savoirs et les compétences multiples d’ailleurs comme d’ici. Pour l’aider à y parvenir, les idées et les pistes de solution ne manquent pas : elles seront partagées publiquement le 13 novembre prochain à la SAT.
Nous invitons dès à présent les personnes intéressées à participer à cette Journée d’étude à communiquer avec nous à [email protected].

JOURNEE D’ETUDE « LE MACM EN QUESTION »
vendredi 13 novembre 2009, de 9h à 17h
SAT – Société des arts technologiques
1195, boulevard Saint-Laurent, Montréal [www.sat.qc.ca]