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Sommes-nous à ce point incultes? Sommes nous à ce point étrangers à notre culture?

Les arts visuels sont sous-représentés dans les médias, pour ne pas dire absents. Et quand on invite des artistes en arts visuels, qui invite-t-on? Les artistes qui ont marqué notre histoire de l’art? Les plus reconnus actuellement? Les plus prometteurs? Lors de la dernière émission de Tout le monde en parle (qui n’invite presque jamais de créateurs du milieu des arts visuels), c’est la peintre Corno qui a été mise en valeur…
Mais qui parle de cette artiste prétendument si renommée (et présentée ainsi lors de cette émission)?  La défunte et internationalement reconnue revue Parachute lui aurait consacré un article?  Peut-être que les revues Esse, ETC, Canadian Art, C Magazine ont appuyé son travail? Si on consulte le site Internet de la peintre Corno, on ne retrouve aucune des ces revues…  Étrange. Mais peut-être sommes-nous trop snobs? Les revues internationales comme Artforum, Art Press ou Art in America  ont donc dû louanger ses toiles? Non? La critique d’art dans The Art Newspaper, dans The New York Times ou dans le Guardian? Non plus? Ces oeuvres doivent tout de même faire partie de la collection du Museum of Modern Art, de la Tate Modern, du Centre Georges Pompidou? Non? Tout au moins, le Musée d’art contemporain de Montréal, le Musée des beaux-arts de Montréal, le Musée national des beaux-arts du Québec ou la Art Gallery de Toronto s’arrachent ses œuvres? Non plus??
L’art de Corno est celui du  cliché. Les femmes y ont de gros seins et de grosses lèvres, les hommes de gros pectoraux et de gros pénis. Un art commercial? Non. C’est un art du quétaine. Keith Haring était commercial, mais pas quétaine. Andy Warhol fut souvent commercial, mais jamais quétaine. Je n’ai rien contre le fait que les artistes vendent leurs œuvres! J’en ai contre le fait que l’on donne de la renommée à des artistes qui n’apportent rien de nouveau à leur domaine. J’en ai aussi contre le fait que nous discutons de nos artistes seulement quand ils font parler d’eux à Dubaï ou dans une galerie (plus ou moins connue) à Londres… Sommes-nous à ce point colonisés pour ne jamais célébrer nos artistes nous-mêmes quand ils réalisent ici des expos reconnues par nos critiques et notre public ? Pourquoi ne pas donner du temps d’antenne à Gabor Szilasi qui depuis plus de 50 ans photographie et montre le Québec comme personne? Cet artiste, qui a ces jours-ci une rétrospective à Ottawa, mériterait un peu de reconnaissance des médias. Pourquoi ne pas inviter des artistes québécois et canadiens importants comme Geneviève Cadieux, Raymonde April, Jana Sterbak, Angela Grauerholz, Jeff Wall, Rodney Graham, Stan Douglas, Michael Snow, Janet Cardiff, Michel de Broin, le trio BGL, David Altmejd, Massimo Guerrera, Jean-Pierre Gauthier, Pascal Grandmaison, Raphaëlle de Groot, Peter Gibson (Roadsworth), Patrick Coutu, Ed Pien, Perry Bard, Isabelle Hayeur, Valérie Blass, Emmanuelle Léonard, Marie-Claude Bouthillier, Mathieu Beauséjour? Et j’en passe… Pourquoi ne pas donner aussi de la visibilité à des architectes comme Frank Gehry, Moshe Safdie, Gilles Saucier et André Perrotte?
Et qu’on ne me sorte pas l’argument que l’art n’intéresse personne. Les musées sont remplis de visiteurs. Le mépris vient bien plus des médias. Pourtant les artistes capables d’expliquer au grand public leur démarche, de «donner un show» ne manquent pas. Les trois gars de BGL donneraient une entrevue inoubliable.
J’ai très honte de nos médias. Nous sommes bien loin de l’époque où Judith Jasmin interviewait Borduas à Radio-Canada  et où Serge Lemoyne passait à Femme d’aujourd’hui. Avec l’auditoire qu’il a, Guy A. Lepage ne devrait-il pas utiliser sa position pour parler de ce qui se fait de vraiment intelligent en arts visuels au Québec et au Canada de nos jours?
Dans la même émission, Monsieur Lepage se moquait de certains chroniqueurs sportifs qui se ridiculisent publiquement par leur manque de connaissances de la langue française… Il est toujours drôle de rire de l’ignorance des autres. Quant à moi, la présence de Corno à Tout le monde en parle ne me fait pas rire. Je suis bien triste de voir que, dans le domaine des médias, l’indifférence ou l’inculture sont bien présentes.
Certes, Monsieur Lepage a le droit d’inviter qui il veut. J’ai tout aussi le droit de constater et de dire que son émission ne rend absolument pas compte de la réalité et de la richesse en arts visuels au pays. Dans le domaine de la musique, du cinéma, de la politique, Monsieur Lepage n’inviterait jamais des gens aussi peu intéressants et aussi peu novateurs.