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Doisneau et le berger

Dans La Presse de ce matin, Mario Roy parle de cette incroyable indifférence que l’on peut manifester devant un drame qui se déroule sous nos yeux et note que «cette pathologie s’enrichit aujourd’hui d’une variante: la Youtubisation de la tragédie. Celle-ci dénote, non pas la crainte d’intervenir dans un événement perturbant, non pas la simple indifférence au sort d’autrui, mais le désir de tirer quelque chose de ce malheur étalé devant soi.»

C’est ainsi que, semble-t-il, les premiers arrivés sur les lieux du terrible accident de la route de  Hampstead (Ontario), lundi dernier (11 morts…) se seraient précipité sur leur téléphone portable pour …  fixer des souvenirs de la tragédie.

Cela m’a rappelé un texte de Jacques Prévert (c’est mon écrivain préféré, au cas où vous ne le sauriez pas  encore …) consacré à son ami, le grand photographe Robert Doisneau.

En voici un extrait:

Un jour, dans les petites montagnes des Alpes Maritimes, du côté d’Entrevaux je crois, Robert Doisneau « en reportage » accompagnait un berger, ses moutons et ses chiens, lorsqu’un camion éventra le troupeau et tua aussi les deux chiens.

– Tu as pris des photos ?
– Non, j’ai consolé le berger, répondit Doisneau.

Et c’était comme si la vie, en instantané, avait fait le portrait de Doisneau.
(Jacques Prévert, Transhumances)