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Un mot à Pierre Duchesne

Cher Monsieur Duchesne,

Pour commencer, je tiens à vous féliciter pour votre nomination. Le PQ, il faut le reconnaître, semble en voie de tenir ses promesses en matière d’éducation et c’est à mon avis une excellente chose que de nommer un  ministre de l’Enseignement supérieur, de la Recherche, de la Science et de la Technologie. Les problèmes et enjeux de l’enseignement supérieur, de la recherche, de la science et de la technologie sont à mon sens assez importants et spécifiques pour le justifier. Ce faisant, vous le savez sans doute, on revient à ce qui existait autrefois quand il y avait, à côté de ce qui était le MEQ, un MESS (ministère de l’enseignement supérieur et de la science).

Vous l’avez deviné, je souhaite vous parler de ce très gros défi qui vous attend, celui d’organiser et de tenir d’ici 100 jours des États généraux de l’enseignement supérieur.

Ma mémoire me trompe peut-être, mais il me semble me souvenir que dans son bunker, alors qu’il cordonnait les efforts des Alliés, Churchill avait donné comme mot d’ordre que si on devait lui transmettre quelque chose, cela devait tenir en deux pages au maximum ou pouvoir être expliqué en quelques minutes. Je vais suivre ce mot d’ordre et aller rapidement à l’essentiel, qui tient en quatre idées.

1. Vous le savez peut-être : je réclame de tels états généraux depuis des années. Je les réclame parce que je pense que le développement des institutions d’enseignement supérieur au Québec n’est plus régi par une vision claire et consensuelle de ce que, collectivement , on attend d’elles. Je me réjouis donc que ces états généraux se tiennent. Mais si, en les réclamant,  je pensais aux universités, je suis désormais convaincu qu’il faut inclure les cégeps dans cette réflexion. Eux aussi changent et se transforment et ces mutations, elles aussi, ne sont plus orientés par une vision claire et consensuelle de ce que nous attendons des cégeps.

2. Rien n’est plus facile, semble-t-il, que de détourner des telles consultations: jugez-en sur les états généraux de l’éducation du milieu des années 90, qui ont transformé une demande de rehaussement du curriculum en réforme pédagogique. Assurer que les conclusions des états généraux  de l’enseignement supérieur ne soient pas détournés est un des grands défis de l’exercice qui vous attend, rendu plus difficile encore par le fait que vous devez organiser tout cela très, très rapidement.

3. Il existe des voix dominantes dans ces dossiers. Pour l’essentiel, typiquement, ce sont celles qui se sont fort bien accommodé des mutations de l’enseignement  supérieur que des voix discordantes et dissidentes critiquaient : ces voix sont dominantes parce qu’elles se sont adaptées au changement et elles se sont adaptées au changement parce qu’elles l’ont en partie décidé, étant dominantes. Une des manières d’assurer que le détournement dont je parlais plus haut ne survienne pas sera de donner la parole à ces voix discordantes et d’entendre ce qu’elles ont à dire.

4. Si j’étais vous, je garderais un détecteur de poutine en état de marche en tout temps auprès de moi : la quantité de poutine qu’on trouve dans ces milieux, vous le découvrirez bien vite, est effarante, accrue encore par les intérêts financiers des uns et des autres.

Je vous souhaite bonne chance dans ce grand défi qui vous attend et que je tiens, comme vous j’en suis certain, pour un des plus importants pour l’avenir du Québec. Bonne chance, donc et courage : je soupçonne que vous ne dormirez pas beaucoup dans les prochains mois.

Cordialement,

Normand Baillargeon