À l'Halloween, on apprend que le costumier de Radio-Canada va disparaître
Société

À l’Halloween, on apprend que le costumier de Radio-Canada va disparaître

C’est d’une cruelle ironie d’apprendre que le costumier de Radio-Canada disapraîtra en cette journée d’Halloween. 

Les annonces d’abolitions de postes à Radio-Canada s’accumulent avec une accablante rapidité, tandis que le diffuseur public se fait tranquillement démembrer par le gouvernement conservateur.

En pleine période d’austérité annoncée, il est peut-être difficile de présenter ces compressions et ces abolitions de poste au grand public et s’attendre à un mouvement de compassion, tandis que ses conditions de vie ne s’améliorent pas, et qu’une culture dominante semble dénigrer le travail des employés de l’État. 400 postes annulés ce mois-ci, 500 il y a deux mois, 700 avant ça, on perd un peu le compte et la nouvelle est déshumanisée au profit d’une mission adminstrative et budgétaire présentée comme pragmatique mais aux allures de plus en plus idéologiques et sauvages.

C’est l’Halloween aujourd’hui. Vous voyez défiler sur votre fil d’actualités les déguisements des enfants de vos amis, vous apercevez des employés réservés à l’année longue se présenter en zombie dans un cubicule et vous cliquez sur like sur ces costumes qui vous font sourire et vous attendrissent.

Et puis vous voyez cette vidéo.

Bien qu’on puisse mettre un visage sur une partie de la nouvelle, ce qui est frappant, ce n’est pas autant la tristesse contagieuse et palpable d’une employée de longue date qui perd son travail, mais la disparition annoncée du costumier de Radio-Canada.

Si aujourd’hui, à l’Halloween, le costume nous donne une impression de plaisir ponctuel, de petit caprice annuel, il symbolise bien plus: abandonner le costumier, c’est peut-être symboliquement dire au revoir à la fiction à Radio-Canada, ou imaginer que ce genre de détails de production sera désormais délégué à des tiers-partis de compagnies de productions privées. C’est imaginer qu’il n’y aura peut-être plus de fiction après 2015.

Il est difficile de ne pas tomber dans des accusations mélodramatiques en voyant cette déconfiture planifiée qui mène, visiblement, à la fin de la société d’État, tandis que les prochaines années du règne conservateur infligeront des dégâts institutionnels dont Radio-Canada ne se remettre peut-être jamais.

Il est triste de voir, à l’Halloween, que les masques conservateurs continuent de tomber au même rythme que les employés de la grande tour, que la mort guette un géant, qu’il n’y aura peut-être rien pour le remplacer, que l’éco-système médiatique québécois ne peut pas supporter cette perte, ne peut pas compenser pour la perte de main d’oeuvres et de ressources avec les moyens limités qui accablent les médias traditionnels et leur intérêt encore plus limité pour du journalisme sérieux ou de la fiction grandiose.

La peur que j’avais pour Radio-Canada se transforme furieusement en tristesse, en deuil préparatoire, en conscience aigüe des risques et des périls engendrés par une société de moins en moins instruite, ayant de moins en moins accès à une information de qualité nécessaire à son épanouissement et à une réflexion critique qui engendrerait, en d’autres contextes, une frustration collective envers ces coupes aberrantes, d’ordre idéologiques présentées comme des diktats pragmatiques.

À la fin, il ne restera peut-être qu’un drap blanc, le fantôme de quelque chose de grand et de beau qui n’a pas eu les moyens de se battre contre son obsolescence planifiée.