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Transmusicales 2012

Faire un retour précis sur les Transmusicales est impossible. À l’instar de Dour ou de tout autre festivals d’une telle envergure, un compte-rendu précis du festival rennais demeurera toujours un exercice inachevé. Avec près d’une centaine de groupes disséminés sur huit scènes en ville durant la journée et une partie de la soirée ainsi que les quatre scènes du Parc Expo en périphérie, on se doit de faire des choix. L’application qu’on pouvait télécharger pour cette édition a rendu les choses pas mal plus simple.

Cette année, l’emphase a été mise sur la scène française avec pas loin de 50% de la programmation lui étant consacrée. Certains penseront qu’il s’agit d’une façon économique de remplir sa grille de programmation mais aux dires de Jean-Louis Brossard, responsable du volet artistique, c’est plutôt signe de que la scène pop-rock de l’Hexagone se porte bien, Ainsi, le festival a tenu à souligner cette vitalité et du même coup à lui donner une visibilité auprès des nombreux spectateurs et professionnels de l’industrie du disque et du spectacle présents (une année record avec 60 000 entrées dont 30 000 payantes, 450 médias, 1500 professionnels). Pour ce qui est de la présence canadienne, elle se limitait à cinq artistes: le duo TNGHT formé du montréalais Lunice et de l’écossais Hudson Mohawke, Doldrums, le tandem de DJ torontois Zeds Dead, le jeune DJ montréalais Sinjin Hawke et les électrons indie libres Hot Panda de Vancouver.

Du lot d’artistes à l’affiche de ces 34e Trans, j’en ai manqué -ou à peine vu- plusieurs qui, selon divers observateurs, valaient le détour (Lolito, Petite Noir, O. Children, St. Lô, Hot Panda, Paul Thomas Saunders, le nouveau show de Black Strobe, Skip & Die) mais j’en a vu tout de même un bon nombre sur les quatre jours passé sur place. Des bons comme des moins bons.

Haut de la liste

La petite salle du 4bis se prête merveilleusement bien aux découvertes. La proximité avec l’artiste, l’intimité des lieux changent des grands hall froids du Parc Expo. C’est d’ailleurs au 4bis que j’ai pu voir deux des meilleurs groupes du festival.

D’abord Little Trouble Kids (littletroublekids.bandcamp.com) de Gand en Belgique. Elle joue debout sur une batterie minimale, il malmène sa guitare. Les deux chantent ensembles ou se répondent, un peu comme les Kills mais avec certaines nuances, notamment cette approche lo-fi à l’esthétisme punk première mouture. Un son sexy, torturé et juste ce qu’il faut de nuances entre sensibilité et agressivité.

Ensuite Get Your Gun (www.getyourgun.dk). Ce trio danois puise dans l’univers sombre de Nick Cave pour accoucher d’un rock sobrement décoré d’éléments de blues fiévreux et hanté, de folk noir et de garage sinistre sur lequel le guitariste et chanteur raconte ses murder ballads. Un univers glauque et séduisant!

On se rendait voir les émules de Sisters of Mercy O. Children au Hall 4 mais on est resté scotché au concert des Von Pariahs (www.vonpariahs.com) dans le Hall 3. Ce sextuor français mené par un chanteur anglais atypique (bedonnant, mal habillé…) et du coup plutôt charismatique, deux guitaristes allumés et un batteur métronomique, a quelque chose qui le sépare des autres groupes rock vitaminée du même acabit (pensez Pixies vs Joy Division ou Interpol). Il y a une réelle chimie entre ces musiciens, une sincérité palpable et surtout une force de frappe impressionante.

L’autre révélation est venue une heure après le concert des Von Pariahs, toujours au Hall 3, avec les néerlandais de Birth of Joy (www.birthofjoy.com). Avis unanime auprès des observateurs qui ont tous été séduits par le rock du trio et particulièrement la présence et le jeu hallucinant du guitariste et chanteur, appuyé par une batterie pesante à la Bonham et un orgue Hammond à la Doors. Birth of Joy ou la rencontre entre le blues-rock boogifié 70’s style, le stoner, le psychédélisme et le grunge.

Le dernier gros coup de coeur de ces 34e Trans a eu lieu samedi, à la salle de La Cité, pour le projet  Zam Rock (www.nowagainrecords.com/zambian-psych-rock) des zambiens Rikki Ililonga et Jaggari Chanda et de l’allemand Jay Whitefield (Jan Weissenfeldt de son vrai nom et Karl Hector pour ce projet) et son groupe The Malcouns. Zam Rock c’est le son de la Zambie hip des 70’s, mélange groovy de Highlife, de Kalindula, de jazz et de funk sauvage à la James Brown, de psyché à la Hendrix/Cream et, pourquoi pas, d’un peu de krautrock. Sur scène l’effet est surprenant. Dans le plus pur style et son de l’époque, le groupe nous replonge 40 ans en arrière. Un trip authentique dans les clubs surchauffés de Lusaka!

Mention spéciale

On attendait beaucoup d’Ondatropica (www.ondatropica.com/), le projet du défricheur britannique  Wiil “Quantic” Holland, basé à Medellin depuis quelques années, et du colombien Mario Galeano. Disons simplement que la cumbia métissée (ska, salsa, afro-beat, reggae) du collectif était peut-être un peu trop classique dans sa livraison et surtout n’avait pas sa place dans l’immense Hall 9 en début de soirée. Un concert dans une salle plus “intime” vers les 1h ou 2h du matin, alors que la foule est réchauffée aurait sans doute eu plus d’impact. Sur disque par contre, ça le fait!

Comme à chaque année, le festival propose à un artiste ou groupe d’artistes d’investir la salle de l’Aire libre, située à quelques minutes du Parc Expo. Cette année, la carte blanche fut octroyée au collectif bordelais Iceberg (www.icebergcollectif.com/). En quatre jours, la bande a présenté l’oeuvre Licornia, conte musical inspiré de l’imaginaire mystique du Sylphide de Brighton (pseudo-science inventée par les membres du collectif). Avant la représentation, des groupes ou artistes solos issus du collectif se succédaient sur scène à raison de deux différents par soir. On a pu ainsi voir entre autres Crane Angels, Lipsector, Botibol, Petit Fantôme et  notamment JC Satàn (jcsatan.bandcamp.com), combo noise punk incandescent avec à son bord trois Bordelais et deux Turinoises. C’est agressif, furieux, sauvage mais hélas un peu redondant à la longue, le groupe ne changeant jamais de registre. Chargé du début à la fin.

On retiendra pour leur fougue juvénile et leur énergie contagieuse les français de The 1969 Club, le duo de guitares (héro) américain Avondale Airforce et son drone Velvet-junkie envoûtant à 4h30 du matin le dernier soir du festival ainsi que TNGHT, qui pouvaient difficilement faire mieux que la super prestation qu’ils ont donné à Dour l’été dernier mais qui ont quand même bien fait vibrer le Hall 9 avec leurs beats apocalyptiques.

Rendez-vous manqués

On passera sur les perfos approximatives de certains, le manque d’imagination de plusieurs ou la banalité de quelques autres (entre autres l’américaine Phoebe Jean & The Airforce qui, malgré la présence de l’hallucinant batteur Cyril Debarge de We Are Enfant Terrible, tombait à plat) mais on ne peut passer sous silence deux des grosses déceptions du festival; des shows qui, sur papier, semblaient fort prometteurs mais qui se sont avérés assez décevant sur scène.

D’abord l’ex Starflam Baloji qui, on le sait, est capable de livrer la marchandise avec classe et inventivité (http://www.youtube.com/watch?v=cUVxhvjc5O0) mais qui, pour ce

concert avec l’orchestre de la Katuba où il revisitait 50 ans de rhumba congolaise à la sauce soul, funk, hip-hop, s’est embourbé, perdant le groove et le momentum après un début de concert assez excitant et festif.

L’autre turn-off fut l’incontrôlable Rachid Taha. Déjà bien entamé en fin d’après-midi, le chanteur avait l’air tout simplement triste et pathétique sur scène, se fiant à des feuilles posées sur un lutrin pour se souvenir des paroles de ses nouvelles chansons, titubant, balbutiant… Pour ajouter au malaise, les nouvelles chansons qu’on retrouvera sur l’album Zoom ne passaient pas le test du live, le son étant statique et le groove inexistant. Ce n’est que lorsque l’ex Clash Mick Jones s’est pointé sur scène et que le groupe -dans lequel on retrouve aussi Rodolphe Burger- a attaqué Rock The Casbah et Should I Stay Or Should I Go du défunt mythique combo punk que le show a levé, la bande continuant sur sa lancée avec le tube Ya Rayah et quelques classiques de Rachid Taha que le public connaissait par coeur. On a frôlé la catastrophe mais Mick Jones ne viendra certainement pas souvent à la rescousse aux concerts de la tournée Zoom. Taha devra composer avec la sobriété temporaire et mettre un peu de groove dans sa nouvelle mixture si il ne veut pas se casser la gueule.

Comme tout festivals de cette envergure, les Transmusicales ont leur lot de hauts et de bas. Mais l’événement à encore une fois tenu ses promesses en mettant l’emphase sur l’émergence et la diversité et encore une fois on est revenu sur les genoux. Si cette édition fut peut-être un peu plus calme que certaines autres, on peut gager que pour la 35e édition qui se déroulera du 5 au 7 décembre 2013 l’ambiance sera pas mal plus explosive!