BloguesLe blogue de Philippe Boucher

Québec… faut qu’on jase.

Salut Québec,

Je t’écris aujourd’hui car je t’aime beaucoup. Je ne parle pas de Québec la ville même si je l’aime tout autant. Je parle de toi Québec, la province… En fait, selon Ottawa, tu es une nation depuis 2007, mais tu n’as jamais été autant une province depuis que tu es une nation…

Je t’aime beaucoup, sincèrement.  Tu as mis au monde mes grands-parents, mon père et ma mère.  Il y a 7 ans, tu as mis au monde ma fille.  Tu as nationalisé l’électricité, tu as créé l’assurance-maladie, tu as fait de René Lévesque le plus grand homme politique de notre histoire. Si tu étais un joueur de hockey, tu aurais des maudites bonnes statistiques. Le hic, c’est qu’on parle ici au passé.

Québec, je ne te comprends plus. En fait, je te comprends dans le fond. La morosité, le manque de projets, l’absence de rêves… Tu as mal. Moi aussi, sache-le. Lorsqu’on a mal, on essaie de se réconforter dans le facile, dans le prêt-à-penser. On chiale contre les étudiants qui boivent de la sangria comme Martineau, on ingurgite les inepties de Sophie Durocher, on contemple ces phrases creuses qui se terminent par « on paie ça avec nos taxes » et on oublie qui nous sommes. Plus facile parfois que de s’assumer comme Québécois. Trop difficile de rendre hommage à nos grands de ce siècle,tu te confortes en lisant nos petits chroniqueurs de droite…

Cependant Québec, comme 50% de l’île de Montréal a comme principale langue l’anglais à la maison, puis-je alors me permettre un « What the fuck??? » bien senti?  Où es-tu, Québec?  Derrière une émission de LCN ou des « analystes »  se chicanent à propos de 2-3 vandales cagoulés alors que jamais on n’a vécu une situation aussi morose? Derrière la pensée ridicule que l’ennemi est l’étudiant qui paiera 14 fois le coût de sa formation en impôts, donc tes frais de santé dans l’avenir et l’éducation de tes petits-enfants en même temps?  Tu sais, Québec, ces étudiants seront deux fois moins que dans ton temps pour payer pour les programmes sociaux pour deux fois plus de personnes qu’à ton époque. Tu sais cette époque où « ent’deux joints » n’était pas juste une toune de Robert Charlebois? Tu te rappelles Québec? Entre la boucane et les shows d’Harmonium, tu chantais : « On a mis quelqu’un au monde, on devrait peut-être l’écouter? ».

Québec, il est là le problème. Tes enfants, tu ne les écoutes plus. Je ne te parle pas des cagoulés casseurs qui cherchent une cause pour tout péter. Moi non plus, je ne tripe pas trop sur leur cas, ce sont les luttes pacifiques qui m’anime. Mais toi, Québec, c’est quoi qui t’anime? L’austérité? Really???  Depuis 25 ans, les coupures ont le dos large : aider la prochaine génération. C’était moi cette cristie de génération et on coupe encore pour la prochaine… Pendant ce temps, les banques font des profits record, les entreprises profitent de crédits d’impôts ou de subventions et la richesse du Québec se retrouve dans les poches de 2,3% de la population. Tu es en tabarnak Québec?  Alors nous sommes deux. En fait nous sommes plusieurs. La droite te fera croire qu’un banquier mérite sa paie car il travaille plus que toi.  Tu y crois?  Sérieux? Moi je n’y crois pas.  Moi, ça m’écœure qu’une pétrolière augmente de 26 sous le litre d’essence en une semaine, toi tu t’indignes qu’une mère monoparentale bénéficie d’un chèque d’aide sociale. Moi, je m’indigne des bonis pour les PDG des grandes banques, toi tu t’indignes qu’un fonctionnaire parte avec un paquet de post-it. Québec, où es-tu?  Tu n’es pas tanné d’être aussi réactionnaire?  Aussi sans âme?   Ce n’est pas toi pourtant!

J’ai peur pour demain, Québec. J’ai peur pour toi, j’ai peur pour nous. On attend quoi pour s’indigner pour les bonnes raisons, Québec? Comment peux-tu tolérer que 16% de la population soit dans l’incapacité de se nourrir au moment où tu lis ce texte alors que tu t’indignes que 2-3 militants en beau « joualvert »pètent une machine distributrice? Comment peux-tu accepter sans broncher que des mères doivent travailler 80h semaine pour nourrir leurs enfants alors qu’un PDG de banque gagne en 20 minutes ce que cette maman gagne en une année? Ce n’est pas toi, Québec, tu as déjà été plus grand que ça. Je le sais, l’Histoire me l’a prouvé, mes parents me l’ont raconté. Il est temps de le manifester… Sérieux, ça presse Québec.

Québec, malgré tes défauts, tes questionnements, tes préjugés et tes doutes, je t’aime.  Vraiment. Arrête de mettre un X dans ta radio et met-le sur un bulletin de vote en te rappelant comment tu t’es bâti à travers les décennies.  Souviens-toi Québec… Moi, « Je Me Souviens ».