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Déambulations

La déambulation théâtrale, le théâtre immersif et in situ, les parcours-théâtre, ça vous dit quelque chose? Je ne dirais pas qu'il y a une tendance forte, mais ces temps-ci on est plutôt servis. Pendant que le Festival Trans-Amériques recherche des guides bénévoles pour un projet in situ chapeauté par les chorégraphes français Martin Chaput et Martial Chazallon, que le même FTA reprogramme Le Grand Continental, une chorégraphie pour une centaine de danseurs amateurs, que le Théâtre Nulle Part termine les représentations de Bonheur Biochimique, une pièce pour quelques acteurs dans les toilettes publiques, et que le Théâtre LA45 propose des «baladofictions » à télécharger, le Théâtre Fractal, lui, vous invite à Zédia, un rallye théâtral dans le Montréal souterrain. Désir de démocratiser le théâtre et le rendre participatif, dans la lignée d'Augusto Boal et son théâtre invisible, ou simple manière de faire du théâtre à peu de frais en dehors des institutions ? Probablement toutes ces réponses. S'il est difficile de suivre de près toutes ces initiatives, j'ai au moins eu le temps d'expérimenter Zédia en début de semaine.

En équipe, armé d'un guide d'instructions et d'un lecteur mp3, on vous invite à partir sur les traces de Zédia, jeune photographe disparu, dont quelques œuvres ornent les murs des corridors dans le cadre de l'événement Art souterrain. Mais ça n'a rien d'une enquête policière, et c'est plutôt un prétexte pour arpenter les tunnels et discuter de ses sensations, tout en échangeant un peu à propos des quelques photos intégrées au parcours. Un rallye, finalement. Ici et là des personnages surgissent, faisant croire qu'ils sont là par hasard et ne se dévoilant réellement qu'à la toute fin du parcours, dans la seule véritable scène de théâtre qui nous y est donnée à voir. L'expérience est sympathique, mais finalement assez mince, et si vous voulez mon avis, il n'y a pas là beaucoup de théâtralité. Qu'en retirer, au final ? Peut-être le plaisir de la rencontre et de la proximité avec les acteurs, ou la joie d'avoir marché sans autre objectif que le ludisme et la découverte de certains corridors moins souvent explorés. Outre cela, l'expérience ne s'avère pas particulièrement signifiante ni très inventive. Mais avec un scénario légèrement plus complexe, un parcours plus varié et une meilleure intégration des œuvres d'Art Soutterain, Zédia pourrait séduire tout un public de touristes et de Montréalais assoiffés de découvrir le Montréal soutterain. Si vous avez envie d'essayer, ça se déroule jusqu'au 14 mars.

Et je prédis qu'on n'a pas terminé de voir naître des projets artistiques de ce genre. Olivier Choinière s'y adonne aussi à l'occasion (voir ce site web), ainsi que la compagnie Mise au Jeu, dont le déambulatoire je ne sais pas si vous êtes comme moi, portant sur le travail du sexe, avait beaucoup fait jaser il y a quelques années. Pour ceux que le sujet intéresse, la revue Jeu avait consacré un dossier à la question du théâtre in situ en juin 2005, dans le numéro 115. On pouvait entre autres y lire sur les pratiques hors les murs au Québec, mais aussi en Europe, où la tendance est encore plus forte et diversifiée.