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L’or du golfe, l’or des fous

À défaut de faire couler beaucoup d’huile, l’exploration pétrolière québécoise a déjà fait couler beaucoup d’encre et l’on pourrait croire que tout a été dit sur le sujet. Le film L’or du golfe, de Ian Jaquier, tombe à point pour nous rappeler combien certains volets de ce débat ont été escamotés et que les richesses annoncées tiennent plus du fantasme que de la réalité.

Le film se présente comme une quête, menée par Kevin Parent, pour comprendre l’origine de la fièvre de l’or noir qui semble s’être emparée de sa Gaspésie natale. Son entreprise l’amène aussi à se pencher sur le gisement Old Harry, au large des Îles-de-la-Madeleine, dont on a peu parlé jusqu’ici, puis sur le joyau du fleuve, l’île d’Anticosti.

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Le début de l’entreprise de messieurs Parent et Jaquier peut sembler conventionnel. On souligne, par exemple, combien le golfe du Saint-Laurent est une mer intérieure soumise à des vents complexes, et combien un déversement important souillerait irrémédiablement cet environnement extrêmement riche, menaçant des milliers d’emplois liés à la pêche et au tourisme.

Mais une fois ce tableau mis en place, le film s’engage dans des chemins moins fréquentés – et qui feront douter les plus fervents adeptes de « l’exploitation de nos richesses ». En Gaspésie, par exemple, l’équipe retrouve un vieux puits d’exploration des années 1940, d’où suinte encore de nos jours une nauséeuse boue jaunâtre. Selon les statistiques américaines, à peu près 90 % des puits sont dans cet état après 60 ans. Une menace qui pèsera pour toujours sur l’environnement, quand l’industrie aura depuis longtemps disparu.

Autre fait étonnant, on apprend que le fameux schiste de Macasty, qui est censé receler le pétrole d’Anticosti (la recherche n’en a pas encore réellement confirmé la présence et la quantité), se trouve à une profondeur d’aussi peu que 300 mètres dans une partie de l’île. Et que trouve-t-on par dessus? De très anciennes roches calcaires, une véritable Gruyère de crevasses, de grottes et de cours d’eau souterraine. Une fois les schistes fracturés, il apparaît presque certain que le pétrole trouvera son chemin jusqu’à la surface, polluant l’eau et détruisant la faune et la flore.

Pendant le tournage de son film, Ian Jaquier a eu accès, à plusieurs reprises, aux dirigeants et même aux équipes d’exploration de Pétrolia. L’entreprise y décrit ses projets et ses ambitions avec une candeur étonnante, tandis que les entrevues sur le terrain donnent une réalité tangible au concept un peu abstrait « d’exploration pétrolière ». Cette chance inouïe contribue énormément à la crédibilité de l’œuvre.

Un autre grand mérite du film est d’être allé visiter le Dakota du Nord, alors en plein boom du pétrole de schiste (l’effondrement du prix du pétrole y provoque actuellement une récession). La ruée vers l’or noir y a créé d’immenses problèmes sociaux : flambée de tous les prix, à commencer par celui du logement; réseau routier encombré et défoncé par une multitude de camions et de machines, criminalité rampante; population locale et amérindienne traitée en citoyens de seconde zone.

Le voyage au Dakota débouche enfin sur une évaluation des coûts et des revenus probables de l’exploitation d’Anticosti. En quelques tableaux coup de poing, Ian Jaquier clôt son documentaire en démontrant qu’à moins que le cours du pétrole atteigne des sommets historiques, l’entreprise a toutes les chances de devenir un sérieux gouffre financier pour le Québec. L’or du golfe, comme les richesses supposées du Cap diamant, est un or des fous.

 

L’OR DU GOLFE

DURÉE
1h31

GENRE
Documentaire

DATE DE SORTIE AU QUÉBEC
17 avril 2015

RÉALISATEUR ET SCÉNARISTE
Ian Jaquier

STUDIO DE PRODUCTION
Laterna Films