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Petit mystère littéraire

PETIT MYSTÈRE LITTÉRAIRE EN TROIS ACTES

ACTE 1 :

En décembre dernier nous avions le bonheur pur d’être en famille à Venise. À un moment donné je me suis retrouvé en panne de trucs à lire. Venise a beau être Venise, les librairies franco ou anglo, contrairement au ciel, n‘y pleuvent pas. J’ai donc ramassé au hasard d’une pile un thriller anglais qu’un visiteur précédent avait laissé dans le salon de notre hôtel. Ça s’est avéré une grande trouvaille. En gros ça racontait une double histoire tricotée plutôt habilement, se promenant entre le présent et le passé. Dans la partie passée, qui entrecoupait sous forme de flashbacks le récit au présent, 2 jeunes filles d’à peine 12 ans étaient accusées du meurtre d’une petite fille. Au présent, une de ces filles était devenue journaliste tandis que l’autre travaillait dans un parc d’amusement plutôt minable dans une station balnéaire anglaise. Or, une suite de meurtres dans la station balnéaire les rapprochait de nouveau contre leur gré.

Très bon thriller donc, que j’ai lu rapidement pour ensuite jouer à mon tour à « donner au prochain » et le laisser sur une table en quittant un peu plus tard Florence. Le titre du livre? J’y reviens un peu plus tard…

ACTE 2 :

Quelque mois plus tard, j’assiste au Métropolis de Montréal au spectacle des Zombies, un groupe-phare des années 60, venu d’Angleterre. J’y retrouve entre autres mon vieil ami Jacques Bonin, devenu producteur de cinéma. Jacques me demande de lui suggérer des livres qui pourraient faire l’objet d’une adaptation au grand écran. En roulant plus tard vers chez moi, je repense à mon thriller de Venise en me disant que, ma foi, ça ferait un maudit bon film. L’ennui, c’est que non seulement je n’ai plus le livre, mais qu’en plus je suis incapable de me souvenir de son titre ou de son auteur. Je passe des heures à fouiller sur Google en décrivant l’histoire, parcourir les allées de la section policière chez Indigo, rien à faire. Je songe même à lancer un appel à tous sur Facebook au cas où ça dirait quelque chose à quelqu’un…mais rassurez-vous, ce n’est pas ce que je viens faire aujourd’hui.

Acte 3 :

Aujourd’hui, par ce beau dimanche, je roule en voiture avec ma blonde pour aller acheter entre autres mon sacro-saint New York Times dominical. On se met elle et moi à chercher le titre –et bien sûr le nom de l’auteur d’un roman que nous avons tous les deux lu il y a plus de vingt ans. Frustré, j’en profite pour revenir sur mon mystérieux thriller vénitien. Avec le temps, lui dis-je, je me suis fait à l’idée qu’un beau jour, son auteur ferait paraitre un deuxième livre et que les critiques reparleraient alors de son premier.

En arrivant à la maison Lyne (ma blonde) retrouve rapidement grâce à sa sagacité et son habileté es Google le titre du fameux livre que nous avions lu (Le Maître des Illusions, par Donna Tartt, excellent) pendant qu’encore frustré, j’ouvre mon New York Times. Comme à l’habitude, je commence par le cahier littéraire; et comme à l’habitude, je commence par la critique des nouveaux romans policiers. Le tout premier livre dont la critique est mon livre. Mon fameux livre dont je déplorais la disparition (de ma mémoire) il y a à peine 30 minutes. J’y apprends que lorsque je l’avais lu à Venise, c’était en édition anglaise; c’est seulement aujourd’hui qu’il sortait en édition américaine. Coincidence, vous dites? Attendez voir. Hier soir, dans un souper, ma fille cadette Jeanne, férue de cinéma citait verbatim une réplique du film « The Princess Bride » qui allait comme suit : « Hello. My name is Inigo Montoya.You killed my father. Prepare to die. »

Après le cahier littéraire, j’enchaine avec le cahier magazine du même New York Times. Je commence avec un article sur le comédien Mandy Patinkin. Le deuxième paragraphe de l’article commence par la même maudite citation. C’est lui qui la disait dans le film.

Et ma blonde de me dire : « Tu devrais peut-être t’acheter un billet de loto ». Et moi de rétorquer : « Peut-être; mais en tout cas je ne lis pas la colonne des décès! »

Ah oui,le titre du livre : « The Wicked Girls » par Alex Marwood. Lisez-le; ou alors, attendez le film.