BloguesLe blogue de Pierre-Luc Brisson

Le veau d’or

L'adoration du veau d'or, de Nicolas Poussin (1633)
L’adoration du veau d’or, Nicolas Poussin (1633)

C’est maintenant chose faite. Ce qui semblait inéluctable est, en effet, advenu hier soir : Pierre-Karl Péladeau est maintenant chef du Parti Québécois. L’homme d’affaires et magnat des médias a été plébiscité par 58% des membres votant, au terme d’une course terne et sans passion durant laquelle la formation politique aura fait l’économie de questions fondamentales concernant sa démarche d’accession à l’indépendance, ou encore l’épineuse question des conflits d’intérêts qui peuvent exister pour un homme qui possède le plus grand groupe de presse de la province et qui aspire, en même temps, au poste de premier ministre. Les candidats qui « osèrent » tenter d’éclaircir le flou des propositions politiques de PKP (Bernard Drainville, Pierre Céré) en ont pris pour leur grade, essuyant les huées copieuses des militants qui assistaient aux débats. Débats qui, par ailleurs, étaient vite devenus des exercices purement stylistiques, où l’on s’échangeait des politesses sans se rudoyer, tant et si bien que l’ex-journaliste Gilles Gougeon avait senti le besoin de lancer aux aspirants-chefs, lors de l’avant-dernière « confrontation » : « Je vous rappelle qu’il s’agit d’un débat! »

 

Le PQ semble retomber dans ses vieux travers et avoir cédé, encore une fois, à l’appel du messie politique, couronnant celui qui trônait dans les sondages d’opinion, mais qui ne s’est jamais démarqué ni par la profondeur de sa réflexion politique et encore moins par son charisme ou ses habiletés de communiquant. Peut-être est-ce là le lot des formations politiques qui ont été marquées par un père fondateur charismatique qui a transcendé l’histoire de son pays. Or, n’est pas René Lévesque qui veut. Cette détestable tendance à chercher un chef charismatique est d’autant plus fâcheuse qu’elle semble être en décalage avec les aspirations politiques d’une part de plus en plus importante de citoyens et de regroupements qui voient dans l’action collective et l’engagement social les moteurs d’une réelle implication politique, bien loin de la recherche d’un guide messianique. Les récents mouvements d’opposition à la construction d’un port méthanier au Bas St-Laurent ou à la construction d’un pipeline transcanadien en témoignent bien. La politique évolue, peu à peu; le PQ est quant à lui resté englué dans ses vieux réflexes.

 

Déjà ce matin, certains chroniqueurs de Québécor saluaient l’élection de Péladeau, rivalisant de ridicule pour souligner le discours de victoire du nouveau chef péquiste. Stéphane Gobeil, ancien apparatchik péquiste, écrivait ainsi ce matin dans les pages du Journal de Montréal que PKP avait livré un discours « aux accents gaulliens » – encore cette obsession du général de Gaulle que partagent les péquistes conservateurs! – affirmant du même souffle et sans rire « qu’un homme d’État est apparu ». Pouf! Il est tout bonnement descendu des cieux! Cette épiphanie péquiste, pour l’heure, aveugle les militants souverainistes qui sont incapables de voir que leur champion est sans doute le chef à n’avoir jamais dirigé le parti de René Lévesque dont la situation politique est la plus fragile. Sa propension à se mettre les pieds dans les plats et la prochaine commission parlementaire sur son statut d’actionnaire majoritaire de Québécor devraient à nouveau souligner sa fragilité. La récente déclaration de Brian Mulroney, qui affirmait que Péladeau est toujours consulté sur certains enjeux touchant la conduite de son empire médiatique, apportera sans doute beaucoup d’eau au moulin des adversaires du nouveau chef péquiste.

 

De deux choses, l’une : ou bien PKP mènera le PQ à la victoire lors d’un prochain scrutin général, ou il subira un échec électoral qui scellera son destin politique. Lorsque les militants péquistes sortiront de leur rêve éveillé et qu’ils cesseront d’adorer leur nouvelle idole, beaucoup devront espérer que leur champion se révélera à la hauteur des espoirs qu’ils ont placés en lui. Le réveil risque cependant être brutal…