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Dégustation de la meilleure bière au monde

On ne devient pas la meilleure bière au monde par auto-proclamation, juste parce qu’on le décide. On obtient ce statut par l’approbation générale. Carlsberg se targue d’être «probablement la meilleure bière au monde», mais qu’en est-il dans les faits? Budweiser, «King of beers»… dans quel putain de royaume? La Westvleteren 12 est la meilleure bière au monde parce que des gens l’ont bue et qu’ils l’ont vraiment aimée. Il y a peut-être l’effet de rareté qui ajoute à l’aura mythique de cette bière, mais son couronnement n’aurait jamais eu lieu si le produit n’était pas exceptionnel. Et justement, il est exceptionnel — that’s it! Je ne saurais expliquer la magie dans cette bière, mais je viens d’ouvrir une Westvleteren 12 et c’est avec plaisir que je vous offre mes notes de dégustation – gorgée après gorgée, rien de moins!

1) Sentiment envoûtant de sécheresse; c’est à la fois sucré et amer.

2) Un peu de mélasse par-ci, un peu d’alcool par là. Le bal est ouvert!

3) Une autre lampée – plus copieuse – pour goûter le grain franc qui donne un corps de déesse à cette bière.

4) Et on recommence avec des saveurs légèrement boisées, peut-être un peu vineuse sur les flancs quand on s’y attarde.

5) Oui, du porto! Il y a définitivement des airs de famille entre un bon porto et cette Trappiste.

6) Sans commentaire… J’ai pris cette sixième gorgée sans réfléchir, ne serait-ce que pour prendre le temps d’en profiter un peu.

7) Mes papilles sont saturées par l’alcool et les sensations volatiles. Ma langue est engourdie par l’élan émotif des saveurs.

8-9) Une gorgée double pour tenter de goûter davantage, plus égoïstement, ce qui pourrait difficilement être plus intense. En bouche, des impressions de sirop d’érable me titillent.

10) Je renifle mon verre avant d’attaquer cette dixième. Des effluves d’alcool contre-attaquent, comme pour me dire «calme tes nerfs buddy! Tu ne peux pas boire pas Westvleteren 12 en dix minutes sous prétexte que t’as envie d’écrire un texte de merde et aller te coucher par la suite. Tu vas la laisser se réchauffer un peu et prendre le temps de la laisser mûrir sur ton bureau». Et puisque j’écoute la bière quand elle me parle (ça n’arrive pas souvent), je vais fermer ma gueule sur cette gorgée sensationnelle (oui, sensationnelle!).

11) J’ai pris la onzième gorgée en écrivant sans même prêter attention. Je devrais consulter!

12) Je viens d’offrir une lampée à ma douce en lui disant «tiens, goûte à la meilleure bière au monde». Puisqu’elle venait de bouffer de la pâte à biscuits, elle a trouvé que c’était boisé et alcoolisé, mais très peu sucré. La leçon du jour : ne vous empiffrez pas de pâte à biscuits avant de décapsuler une Westy; vous passeriez alors à côté de sa merveilleuse rondeur sucrée qui nous rend complètement fou.

13) Puisque le chiffre 13 porte malheur, j’ai versé cette gorgée dans la gamelle du chat. Depuis ce temps, son ronron est beaucoup moins grinçant.

14) Mon palais retrouve sa forme, j’observe une certaine acidité et des notes plus torréfiées.

15) Je fais tourner le doux liquide dans ma bouche et il caresse mes joues, ma langue, mon palais, mes gencives. Mon dentiste m’a conseillé de ne pas trop laisser les liquides longtemps dans ma bouche, que ce n’était pas bon pour mes dents. O.K. mec, mais je bois une Westvleteren 12! Je ne vais quand même pas l’avaler tout rond sans la laisser m’agacer les capteurs. No way! S’il insiste, je téléphone à l’Association Dentaire Canadienne pour lui coller un grief!

16) Les saveurs de mélasse, que je notais lors des premiers contacts, se sont transformées en caramel, avec un peu de chocolat en périphérie. C’est magique!

17) L’alcool (10.2%) prend tout de même beaucoup de place dans cette bière. Ce n’est pas un point négatif; juste un constat. Ici, l’alcool ne semble pas amplifier ou porter les saveurs, il trouve sa place dans les méandres vacants. On goûte le sucre, puis l’alcool, dans une alternance effrénée, comme une danse avec un tempo imposé par l’urgence de finir le verre.

18) Je constate pour la première fois que la bière est pétillante. Pas énormément, mais tout de même un peu. Comme si les bulles étaient enfouies sous le lot des saveurs et qu’elles resurgissaient à la dernière minute pour nous donner un «kick».

19) Le fond du verre est visible. J’en suis presque nerveux.

20) Ça y’est, le verre est vide! J’ai pris ma dernière gorgée avec un biscuit que ma tendre moitié vient de cuisiner (les mêmes biscuits desquels elle avait tiré la pâte qu’elle avait en bouche lors de la douzième gorgée). C’est vrai que le côté sucré s’efface, mais l’amertume est mise en relief et ça donne une nouvelle dimension au produit. Je suis très heureux d’avoir tenté le coup.

***

Je ne sais pas si je peux affirmer que la Westvleteren 12 est la meilleure bière au monde (qui suis-je, anyway, pour dire qu’une bière est la meilleure sur la planète?), mais je suis prêt à admettre qu’elle est excellente. D’ailleurs, j’espère ne jamais m’arrêter à dire qu’une bière est la meilleure… LA MEILLEURE E-V-E-R! Si ce jour arrive, j’aurai l’impression d’avoir atteint la fin de ma quête. J’aurai le feeling d’avoir plafonné, que mes prochaines dégustations seront vaines. Il y a tellement de découvertes à faire et le terrain de jeu me semble infini. Jusqu’à maintenant, cet horizon qui s’étend à perte de vue me plaît beaucoup; il me garde en haleine. Je viens de boire une Westvleteren 12 et j’ai passé une splendide soirée!