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La fausse grève des fusils à l’eau

Le débat sur la grève étudiante s’amorce dans plusieurs cégeps et universités du Québec. Malgré tout, cette grève n’a pas la portée qu’elle devrait avoir.

Une grève, c’est un arrêt de travail temporaire pour établir un rapport de force. Habituellement, durant un tel événement, l’employeur subit des pertes de productivité et l’employé subit une perte de salaire. Si le conflit perdure, les deux parties sont à long terme perdantes (si les pertes causées par l’arrêt de travail s’avèrent supérieures aux gains obtenus au bout de la négociation.) Ainsi, selon la théorie des jeux, la stratégie dominante serait de régler le conflit rapidement. Évidemment, parfois, les demandes de part et d’autre sont tellement grandes qu’il vaut mieux jouer à qui aura la plus grande endurance que de céder.

Le problème avec la grève étudiante, c’est que le rapport de force n’est pas le même. Premièrement, le corps professoral est souvent prêt à accommoder les grévistes en étirant la session. Comme les miracles n’existent pas, il y a une limite temporelle permettant ou non de sauver une session, mais il y a une flexibilité de quelques semaines. Deuxièmement, l’étudiant qui perd sa session nuit principalement à lui-même. Si le gouvernement sent que le vote électoral lui sera plus favorable en tenant la ligne dure, il ne bronchera pas.

Normalement, une grève a des conséquences.  Les étudiants devraient comprendre que de
donner un mandat de grève illimitée, c’est mettre en péril sa session et assumer les conséquences qui s’en suivent.

Au collégial, par exemple, les enseignants sont libérés à la mi-juin. S’il y a vote de grève durant quelques semaines, les enseignants pourraient techniquement refuser d’enseigner au-delà de cette période. Ce qui génèrerait automatiquement un retard dans le plan de formation des étudiants, et par conséquent, augmenterait le coût de leurs études. Ironiquement, c’est la raison même du déclenchement de la grève.

De plus, si une session est perdue, on se retrouve à décaler le cheminement de tous les étudiants en grèves, ce qui donne un goulot d’étranglement à la rentrée en septembre suivant. Si la ministre Beauchamp assume ses responsabilités, elle devrait simplement donner priorité d’inscription aux nouveaux étudiants qui entrent dans le programme.

Une grève génère des conséquences. Elle représente un droit, mais avec chaque droit vient une responsabilité.  Ainsi, le fait de suspendre ses cours pendant quelques semaines ne devra diminuer en rien les exigences demandées pour la réussite d’un cours.

Si j’étais un étudiant, je regarderais mon rapport de force et évaluerait mon espérance mathématique. Premièrement, ai-je une chance de remporter ce combat? Si oui, à quel pourcentage? Quelle sera l’issue du règlement final? Si le gouvernement tient son bout, l’étudiant se sera pénalisé, sans gain.

Retarder ses études, c’est retarder son entrée sur le marché du travail, c’est augmenter la période durant laquelle nous avons des frais, mais aucun rendement sur notre investissement en capital humain. Parfois, il faut choisir ses batailles, est-ce que le gel des frais de scolarité est une
bataille qui permettra de gagner la guerre? Quand on va à la guerre avec des fusils à l’eau, on s’expose à se retrouver dans le rôle de l’arroseur arrosé.